LA DIFFAMATION NE DOIT JAMAIS ÊTRE IGNORÉE

« S’il est au monde quelque chose de plus fâcheux que d’être quelqu’un dont on parle, c’est assurément d’être quelqu’un dont on ne parle pas. »
Oscar Wilde
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Photo Seokmin Ko
L’opinion affirmée amène toujours des réflexions, des remerciements, et des critiques.
En faisant le choix d’informer sur les violences psychologiques intrafamiliales et sur leurs conséquences souvent destructrices, parfois mortelles, je savais que je m’exposais à la censure, à la colère, à la haine de certains. Parce que dans notre société politiquement correcte, où il est cependant de bon aloi de s’opposer à tout, vigoureusement, sans pour autant proposer d’alternative ; où le citoyen reste l’enfant qui commence à dire « non » et refuse de dire « oui », se dresse lorsque le nombre le suit mais baisse la tête lorsqu’il n’a pas de soutien ; où les combats se répètent et les antagonismes se creusent ; où la justice est souvent piétinée, appelée au secours et critiquée à la même minute parce « qu’elle ne fait rien » ; où l’on confie aux instances un rôle maternel, pouvant ainsi leur demander protection, et s’y opposer comme un ado qui claque la porte ; parce que dans une telle société, on réclame de dénoncer le coupable, le criminel, le monstre, de protéger la veuve et l’orphelin, l’opprimé et le faible ; mais que pour le faire, il faudrait dans un même discours défendre plusieurs positions, souvent opposées, afin de ne choquer personne et de plaire à tout le monde.
Et si ce n’est pas le cas, on s’expose à la vindicte, à la critique.
Parfois pire : au jugement inique, à la calomnie et la diffamation.
Je viens, ou plutôt mon travail, celui de CVP, celui d’information, de soutien et d’accompagnement auprès de victimes de violences psychologiques, vient d’en faire les frais.
Et publiquement, puisque c’était sur un réseau social.
Diffamation : « La diffamation est une fausse accusation qui porte atteinte à l’honneur et à la considération d’une personne. La diffamation peut être raciste, sexiste, homophobe. Elle relève d’une procédure spécifique permettant de protéger la liberté d’expression. »
Il y a trois jours, je postais sur Facebook quelques lignes relatant une situation préoccupante laissant à supposer un inceste, sans qu’une décision de justice ne soit prise, malgré les signalements faits au procureur, les plaintes… pour mener une enquête sociale, pour protéger l’enfant le temps de l’enquête, pour vérifier les dires de l’enfant et de la mère et décider des mesures à prendre. Ce post a été plusieurs fois partagé. J’aurais pu m’abstenir de l’écrire, ou encore donner tous les éléments du dossier.
Dans un cas, je ne dénonçais pas le fait que la présomption d’inceste est encore trop rarement entendue. Dans l’autre je trahissais la confidentialité du dossier.
Bref. Alertée par ce post, une jeune femme voulant bien faire l’a mis dans un groupe privé pour demander, je crois, comment aider cette mère et son enfant. C’était public – mais je ne vais pas cacher ce que je fais, pense et dis – et visible par tous. Bons et mauvais pensants. Un mauvais s’en saisit, tel un mauvais renard – mais je ne sais pas s’il a tout compris à La Fontaine, puisqu’il se montre surtout corbeau – et lut, complètement de travers, le message. Pour en conclure dans un délire qui ne regarde que lui que je réfute la réalité de l’inceste et n’en fais qu’une fable utilisée par des personnes malveillantes pour en accuser d’autres de perversions sexuelles, de déviances criminelles et d’agressions sur enfants, le tout n’ayant jamais existé.
Fort de ses inacceptables certitudes, mon détracteur diffamant s’est empressé de conclure que je prône sans en comprendre les risques, tenants, aboutissants et conséquences, le SAP (syndrome d’aliénation parentale). Et que je remets en cause la parole de l’enfant ou de la mère. Et donc, forcément mais c’est bien sûr, je suis masculiniste. Heureusement que mon accusateur me le dit puisque je ne m’en étais pas rendue compte. (“Les masculinistes partent du postulat selon lequel l’égalité entre les femmes et les hommes serait atteinte. Suivant ce constat, les hommes seraient susceptibles de vivre autant de discriminations que les femmes. Plusieurs vont jusqu’à dire que les hommes seraient victimes des « excès » des femmes, plus particulièrement des féministes, voire qu’ils subiraient un système matriarcal. De fait, non seulement les masculinistes ne reconnaissent pas la discrimination systémique que vivent les femmes, mais ils tentent souvent de se l’approprier à leur avantage.” )
Et comme ce monsieur sait chercher, il a trouvé une preuve irréfutable, en cet article : Au sujet du déni parental :  En effet j’y écris que : « Le terme d’aliénation parentale est sujet à de fortes polémiques. Nous reviendrons sur ces polémiques ; nous adhérons au sein de CVP à l’idée de l’aliénation, qui revient à dire que l’autre, l’un des deux parents, est rendu étranger à l’enfant, est mis en dehors du lien biologique et naturel. » Et là, la tête sur le billot, les pieds dans les fers, et soumise à un écartèlement, je dirai encore que le terme aliénation a un sens dans la mesure où un enfant, et un parent sont rendus étrangers l’un à l’autre et à eux-mêmes, par les manoeuvres, manipulations… de l’autre parent. Pour rappel : la notion d’aliénation (du latin : alienus, qui signifie « autre », « étranger ») est généralement comprise, en philosophie, comme la dépossession de l’individu, c’est-à-dire la perte de sa maîtrise, de ses forces propres au profit d’un autre (individu, groupe ou société en général). Il renvoie ainsi fréquemment à l’idée d’une inauthenticité de l’existence vécue par l’individu aliéné.
Zut, je n’ai pas précisé de quel sexe est tel ou tel parent. Parce que je ne crois pas qu’en la matière il soit question d’un sexe en particulier qui serait méchant et l’autre gentil. Quant au SAP, Dieu et ceux qui me connaissent en sont témoins, je refuse son utilisation, car bien trop dangereux, déformé, et nourrissant des théories qui ont permis des abus et des dérives… Jusqu’à Outreau.
Non content de cette judicieuse trouvaille, un autre article est venu en aide à mon accusateur pour forger sa théorie selon laquelle je serais : « une dangereuse manipulatrice proche des réseaux masculinistes et pédophiles, ainsi que de l’extrême-droite soralienne (1) » : Violence conjugale : les hommes battus  Alors là, ce n’est plus la cerise sur le gâteau, c’est toute la cerisaie dans la pâtisserie. J’OSE dire qu’il y a des hommes battus. J’OSE même dire qu’il existe des femmes violentes. Et bien, c’est mal et mensonger et manipulateur. Parce que les femmes, elles ne font pas ça. Et si on le dit, on s’en prend aux femmes, aux féministes, au combat des femmes, on ne comprend rien à la violence systémique des hommes, on est extrêmement dangereux, réactionnaire facho et tout et tout. Chouette. Un post, deux articles ; l’affaire est dans le sac et elle y est solidement enfermée. Ce que je fais, dis, écris, pense, n’est ni vu ni lu ni commenté ni considéré. C’est un peu court, jeune homme, car on peut dire bien des choses en somme, aurait commenté un Edmond de ma connaissance.
Forte de cette leçon gracieusement offerte par cet individu qui avait plongé tête baissée dans la diffamation et l’injure, je me suis tout de même interrogée. Les mères qui maltraitent leurs enfants d’une façon ou d’une autre, sont-ce des femmes ? Les mères infanticides, sont-ce des femmes ? Les mères qui abandonnent un beau matin mari et enfant pour courir la prétentaine et le reste, sont-ce des femmes ? Faut-il, pour ne pas rompre avec l’ordre moral et attenter aux droits que les femmes se battent pour obtenir et défendre, nier certaines vérités ? Ais-je dit que c’était 50/50 et les femmes elles sont aussi méchantes que les hommes ? C’est un match de tennis, une partie de foot, il faut être à CETTE égalité pour ouvrir sa bouche ? Rêve-je ? Ou cauchemarde-je ? Suis-je en train de remettre en cause le combat féministe indispensable et loin d’avoir pris fin en parlant de ces femmes maltraitantes ?
Non. Je dis que ça existe, oui. Je dis qu’un homme a le droit d’être entendu parce qu’il est en souffrance, et non parce que c’est un homme et donc youpi ça permet de pointer du doigt les vilaines vilaines femmes. Je dis qu’un garçon de 11 ans qui est maltraité par sa mère sera un jour un homme et risque de reproduire la maltraitance vécue, ou de la vivre à nouveau. Je dis qu’une femme peut avoir des comportements incestuels, et même incestueux. Je dis que certaines épouses de pères incestueux vont couvrir leurs maris et nier l’inceste. Je dis que la justice manque de moyens, de formations, de connaissances, de soutien. Je dis que la société est en déséquilibre et que ce déséquilibre est dangereux. Je dis qu’il ne faut faire ni amalgames ni généralités. Je dis que chaque cas est particulier et que si la loi existe et pose des règles, des fondements et des bases, elle ne peut être appliquée réellement qu’en tenant compte individuellement de chaque situation.
Je dis également que : à chacun son combat. Je dénonce la culture du viol ; je dénonce l’inceste trop souvent banalisé, nié et réfuté ; je dénonce le harcèlement sous toutes ses formes. Je revendique le droit de pouvoir porter la tenue que l’on veut, où l’on veut, au poste que l’on veut, sans risquer de se faire chahuter d’une manière ou d’une autre. Je revendique d’avoir le droit à un salaire égal pour un poste égal. J’approuve la manifestation du 24 octobre, en Islande, organisée par des femmes qui ont cessé le travail à cette heure-là. La raison? À cet horaire, une femme a travaillé le même nombre d’heures qu’un homme à salaire égal, sur une base de huit heures de travail quotidiennes. Je ne suis pas dans le combat féministe. Et mes ami(e)s féministes le savent. Je ne le suis pas car je laisse à d’autres plus éclairé(e)s, plus informé(e)s, plus à même que moi d’en débattre le soin de le faire et ce avec suffisamment d’intelligence, de convictions et d’arguments qu’ils sont en mesure (d’essayer) de se faire entendre. A condition de pouvoir nettoyer les esgourdes de certains hommes bien trop coincés dans leurs privilèges et leur machisme dégradant, tant pour les femmes que pour les hommes.
En revanche je refuse de croire que mes propos serviraient la cause de ceux qui s’acharnent à détruire. J’affirme que jeter au panier ce que je dis est une régression tant intellectuelle que sociale, dangereuse et dégradante quant au regard que nous nous portons les uns aux autres. Et j’affirme être tous les jours auprès de personnes, d’être humains, d’individus bien faits de chair, de sang, et d’âme, pour les aider à mettre des mots sur leurs maux, ainsi que le dit l’expression. Pour leur permettre de sortir d’un enfermement, d’une emprise psychologique, physique également, économique souvent. J’affirme accompagner lors de procédures juridiques difficiles. J’affirme ne pas me porter en garante de la morale féminine et/ou masculine, mais humaine, s’il en est encore une. J’affirme avoir envie de vomir en entendant certains témoignages. J’affirme que nier le fait qu’un enfant puisse être utilisé comme objet de pouvoir et de jouissance ou comme arme par un individu, homme ou femme, est un aveuglement proche de l’obscurantisme primaire, du négationnisme, qui fait dramatiquement résonner le bruit de certaines bottes.
J’affirme qu’il est à chaque fois, dans chaque situation question d’une personne en souffrance et d’une autre qui a pour intention de détruire.
J’ai fait l’objet d’accusations et de diffamation. Je ne suis ni la première ni la dernière qui ai à subir ce type d’attaques, parce que le discours dérange. Je comprends l’opposition, je propose l’échange et le dialogue, j’admets la critique et l’emportements. Je m’oppose à l’agression sous toutes ses formes. Et parce que je m’y oppose chaque jour, j’ai répondu à celle qui m’était faite, en proportion de ce qu’elle a été.
Et je continuerai ainsi que je le fais déjà à dire que chacun a le droit d’être entendu, que si la présomption d’innocence existe, elle a un sens et mérite d’être respectée. Et que, dans ces cas de violences intrafamiliales où tout demeure si invisible et si tu, il faut d’autant plus s’interroger, aider, protéger et accompagner, lorsqu’une personne ose prendre la parole pour dénoncer.
La diffamation est une arme de violence psychologique. Il ne faut jamais l’ignorer.
La diffamation. Une idée excellente. Le banal assassinat ne tue qu’une fois, mais la diffamation tous les jours.
Terry Pratchett
Et chaque fois que je serai confrontée à la diffamation, j’agirai.
Et chaque fois que j’aurai vent de diffamation, j’agirai.
Et ne laisserai jamais une personne qui me fait confiance en faire les frais ou en subir les conséquences.
(1) Ainsi que ce monsieur l’a écrit dans un message adressé en privé à un certain nombre de ses contacts.
Anne-Laure Buffet

GROUPE DE PAROLE 25 JANVIER 2014 – LES SYNDROMES DESTRUCTEURS

ACTUALITÉ 

GROUPE DE PAROLE

« LES SYNDROMES DESTRUCTEURS – DÉNI PARENTAL ET CONFLIT DE LOYAUTÉ »

L’association CVP – Contre la Violence Psychologique

vous propose un  groupe de parole

le samedi 25 janvier 2014, de 15 heures à 18 heures.

Cette réunion aura lieu à Boulogne Billancourt (92)

(accueil à partir de 14h45)

SAP – Conflit de loyauté – Syndrome de Médée…
Les comportements parentaux destructeurs
Les enfants pris entre deux feux
Comment se protéger ? Comment les protéger ? Quelle(s) attitude(s) et réaction(s) possible(s)

 

Merci de vous inscrire par mail avant le 20 janvier auprès de :

Vous recevrez alors en retour une confirmation de votre inscription ainsi que l’adresse et le plan d’accès.

Amicalement à tous

NOUVELLE PARUTION : JE T’APPELAIS « MAMAN CHÉRIE »

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Emma passe chacune de ses grandes vacances chez ses grands-parents. Chaque été, elle écrit à sa maman. Dans cette correspondance d’enfant qui va durer plus de douze ans, Emma va manifester son amour, son admiration, sa confiance, son désir de plaire, son besoin d’être aimée, sa volonté de grandir, son envie d’être. Elle va découvrir l’incompréhension, le doute, la critique, l’autorité incontournable, le rejet.
Entre amour et emprise, manipulation et culpabilité, Emma essaie de grandir et d’affronter sa réalité. 

Fiction sous forme épistolaire, avec la voix candide et simple de l’enfance, Je t’appelais « Maman Chérie » décrit l’évolution psychologique d’une enfant sous emprise d’un parent toxique, relation où vont alterner, au gré des envies et des besoins de ce parent, le chantage, l’humiliation, le dénigrement, le mépris.
Peut-on aimer un tel parent ? Peut-on s’en détacher ? Que se passe-t-il lorsque l’enfant comprend la relation qui lui est « proposée » ? À quel moment commence la maltraitance ?… Autant de questions soulevées dans ce texte court, tour à tour tendre, naïf, cynique, émouvant, et avant tout porteur d’une attente légitime et perpétuelle, celle d’un enfant envers son parent.

LE SYNDROME DE MÉDÉE, PARCOURS SADIQUE DE LA PERTE D’AMOUR

 

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Le syndrome de Médée est une modalité de harcèlement mise en œuvre par un parent voulant priver son conjoint de la relation avec ses enfants et apparaissant à l’occasion d’une rupture conjugale. Ce concept ajoute des dimensions psychopathologiques importantes à la notion de syndrome d’aliénation parentale : utilisation de l’enfant pour se venger, deuil sadique d’amour, retour de rites sacrificiels chez des sujets avec trouble de la personnalité confrontés à des relations d’amour dramatiques. Les aspects cliniques et légaux du syndrome sont analysés dans le but de fournir des clés valables de décision médicale. Le syndrome de Médée est une réaction destructive très grave avec impact négatif majeur sur les enfants et les adultes. Une nouvelle législation est nécessaire afin de décourager ce comportement et de mieux protéger les victimes.

Introduction

Je me propose de discuter le concept de syndrome de Médée et d’explorer, par son entremise, la psychopathologie des conduites de harcèlement qui sont mises en œuvre par des parents cherchant à priver leur conjoint de son/ses enfants. Les praticiens doivent connaître ce tableau en raison de son relief clinique et juridique grandissant en médecine de premier recours. L’augmentation significative des séparations conflictuelles favorise, dans un contexte social et culturel éclaté, l’enlisement des situations de divorce litigieux dans des impasses dramatiques dont les enfants deviennent les otages infortunés. Un médecin averti de l’existence de ce tableau pourra prescrire des mesures valables de prévention et traitement que nous allons détailler.

La connaissance des facteurs psychologiques et culturels œuvrant dans ce syndrome l’aidera à mieux comprendre la souffrance traumatique du parent privé de sa progéniture et l’arrière-pays d’un comportement se fixant l’objectif de réduire son propre fils à la condition d’objet de vengeance. Ces deux dimensions sont les grandes oubliées des actuelles classifications. Le syndrome de Médée a l’avantage de contraster cette approche en mettant l’accent sur les complications tragiques de la vie amoureuse, une vision chère au regard psychodynamique sur les crises de vie. Loin de nous l’intention de nous servir de Médée pour blâmer la femme (le syndrome est très majoritairement féminin) ou mettre en cause ses droits. Un malaise étrange semble cependant faire obstacle, dans notre culture, à la reconnaissance de la cruelle détermination s’attachant au harcèlement décrit plus haut. Un usage bien tempéré de l’outil psychanalytique montre ici tout son intérêt pour le domaine de la santé. Réactualiser l’importance de cette approche à partir d’un domaine controversé de la pratique de l’urgence et de la crise est un autre but de ce travail.

Syndrome de médée, complexe de médée

Un «complexe de Médée» a été décrit par E. Stern dans une étude visant à élucider la dynamique de l’infanticide passionnel et connaît actuellement un regain d’intérêt dans des domaines aussi divers que les affaires criminelles, la psychiatrie de l’enfant et les conflits familiaux en situation de séparation parentale. Le mythe a, dans ses maintes versions, la propriété de faire parler une dimension tragique universelle de l’humain, dans le cas spécifique «l’enfant réduit à la condition d’objet de vengeance».
Frappée, à son corps défendant, par la flèche d’Eros, Médée se plie à son amour pour Jason contre promesse d’une éternelle fidélité. Elle aide ensuite les Argonautes à s’emparer de la toison d’or, le trésor inestimable appartenant à son propre père. Puis s’exile en Grèce avec son amant. Mais le volage Jason se lasse de son amour. Trahie et humiliée, la superbe Médée tue alors ses enfants et, en proférant des terribles mots de vengeance, déchire le ventre qui a enfanté les fils du héros. Les études psychanalytiques ont insisté sur le lien entre le fonctionnement de Médée et un complexe inconscient caractérisé par une hostilité prononcée envers le sexe masculin (envie du pénis). Le propos de priver l’homme de sa descendance relèverait de l’intention de le priver de sa puissance (pénis=enfant, et vice versa) et donc de le châtrer.

Mais la Médée qui déchire son ventre illustre un aspect plus perturbant de la déception d’amour. Son besoin d’éternelle fidélité témoigne en effet d’un conflit profond avec une identité de mère qui marquerait la fin d’attachements familiaux aussi ambivalents qu’indissolubles et une incapacité de transposer ceux-ci dans le monde de sa vie sentimentale adulte. Le conflit furieux entre sexualité et amour parental, angoisse de séparation et emportement du désir est le trait le plus marquant de Médée et l’aspect le plus tragique d’une trajectoire par trop semblable à celle d’un deuil tragique et meurtrier de l’enfance. La toison enlevée, sa patrie est perdue : une hostilité plus profonde est simultanément réveillée. Médée n’est pas pour rien une sorcière, la hors-la-loi, ennemie mortelle de l’enfant de nos contes de fées où tant de bons rois ne cessent de la proscrire. Une Némésis poursuit depuis les amants qui rejoint les deux volets du conflit rappelés plus haut. D’abord meurtre du frère, puis assassinat de ses propres enfants. Ce destin rejoint le récit légendaire du rôle conjuratoire d’une toison sacrée et des rites sacrificiels du bouc par rapport au sacrifice d’enfants visant à apaiser d’obscures divinités matriarcales. Que Médée déchire ses entrailles et tue ses enfants, ou qu’elle essaie de priver son conjoint de ces derniers, une même nécessité arme sa main ou instrumente ses ruses. C’est l’image d’un enfant humain produit de l’amour des parents qu’elle vise et avec lui le scandale de ses imprévisibles vicissitudes de ce même amour, que nulle sorcière ne saurait tolérer.

Clinique du syndrome de médée

Le harcèlement visant la privation violente d’enfant a des présentations excessivement variées et il faut le couvrir par le concept de syndrome de Médée, pour souligner la grande diversité des situations en présence, le complexe de Médée visant plutôt à désigner la commune racine de cette clinique dans un parcours sadique de la perte que le mythe grec a magistralement éclairé. En pratique, une démarche structurée et impitoyable est mise en place, visant à entraver l’accès à l’enfant mais aussi à placer la victime dans une situation d’impotence pour mieux sévir, élément sadique pathognomique du syndrome. Des comportements d’intimidation et d’exclusion sont adoptés également envers les proches et alliés de la victime, médecins compris. Les enfants sont les premiers à subir des pressions morales afin qu’ils refusent de suivre le conjoint mais aussi de lui parler lors des visites, des téléphones, à l’école et même en cas d’hospitalisation. Il s’agit en somme d’une forme organisée de maltraitance qui porte sur une dimension vitale de la vie affective et se traduit par des effets psychotraumatiques très importants. Celui ou celle qui en font les frais sont à considérer à tous points de vue comme des victimes. Du côté de celles-ci, on remarque un syndrome de stress post-traumatique d’intensité variable en rapport avec l’horreur d’être privé de ses enfants.
Le père privé de l’enfant souffre aussi souvent de dépression, de troubles anxieux et peut tenter le suicide. On s’apercevra ensuite que le syndrome de Médée a une histoire, et que pour le père le divorce a été une délivrance. En d’autres mots, la privation d’enfant prolonge un rapport de couple à l’enseigne du caractère tyrannique de l’épouse maltraitante qui n’hésitera pas à se servir d’accusations infondées d’inadéquation, de violence et même d’abus sexuel susceptibles d’engendrer un sentiment paralysant d’horreur. Soutenues par un sentiment de supériorité morale et une attitude de mépris, ces plaintes témoignent d’autre part d’une bonne conscience déconcertante. La victime nécessite des soins qui doivent mettre au premier plan un soutien et une guidance appropriés. Pour que cela marche, le choix du médecin doit appartenir au seul patient et l’indication du traitement ne doit en aucune façon stigmatiser le comportement de celui-ci. Ce sont des interventions de longue haleine, car la situation traumatisante va durer, qui font appel à une prise de position claire du médecin par rapport au harcèlement. Une observation et un diagnostic soigneux s’imposent, éventuellement à l’aide d’un spécialiste. Cette évaluation est facile à réaliser dans le cadre d’un suivi initial serré permettant de récolter un matériel de première main sur les faits en présence. Les traitements pharmacologiques sont utiles en cas d’effondrement dépressif ou de stress post-traumatique grave. Les antidépresseurs sont alors à préférer à la sédation. On assiste parfois au réveil d’anciens troubles névrotiques et il convient alors de faire appel au spécialiste qui peut plus facilement adopter une guidance à géométrie variable. Ce volet du traitement a son focus électif au niveau des craintes suscitées par la confrontation avec l’image terrifiante d’un compagnon habité par une fureur «Médéique», mais doit s’adresser aussi au sentiment de faute et de désillusion des patients qui se mettent en ménage avec des Médées. Ces troubles peuvent se traduire à la fois par un activisme ou des évitements pouvant faire obstacle à des démarches rationnelles d’autodéfense mais aussi à un processus de deuil permettant de refaire sa vie avec un nouveau partenaire. A mon avis, ce type de traitement nécessite également une guidance et une aide active sur le plan médico-légal.

Genèse intersubjective du syndrome de médée et retour des rites de proscription dans la société civilisée

Médée jouit du soutien d’un entourage qui forme autour d’elle une «pseudo-communauté» l’aidant à atteindre ses buts. Dans notre société multiculturelle, cela se nourrit de l’affrontement de cultures inconciliables chez des groupes fermés, habités par des croyances magiques et inféodés à des loyautés patriarcales ou matriarcales. On est étonné de découvrir combien souvent les membres de professions soignantes, sociales ou juridiques qui sont supposés porter les valeurs de l’état de droit, montrent par contre des réactions d’évitement, de dénégation, voire de complaisance envers le maltraitant. Trauma sur trauma, ces attitudes ont un effet redoutable sur la victime. Privée de for où sa cause pourrait être entendue, elle entamera cette voie finale de la détresse traumatique consistant à se percevoir comme anéantie et privée d’identité. La raison psychologique ne suffit donc pas dans de pareils cas. L’emprise du syndrome résulte également de l’impact intersubjectif d’un scénario rejoignant une espèce de retour sur scène d’anciens rites collectifs de proscription. Les vicissitudes de la vie amoureuse et du deuil sont un moteur électif de ce retour. Un sentiment perturbant de faute domine la scène sociale. Depuis on se cherche, quelle que soit l’attitude manifeste, un bouc émissaire. Les questions du châtiment et de la réparation, de la propriété d’un enfant réduit à l’état de chose et de la marque d’infamie à appliquer au coupable vont suivre. Mais, dans un cas comme dans l’autre, une même grandiosité a pris sournoisement possession des jugements moraux du groupe qui se laisse gagner par un sentiment que le Mal est quelque part et réclame un sacrifice. Mais alors, le fait de réclamer, participer ou seulement rester impassibles devant la destruction de la relation du parent et de son enfant ne représente-t-il pas la répétition d’anciens rites de proscription, eux-mêmes héritiers des anciens sacrifices d’enfants ? C’est en somme Médée qui gouverne désormais les logiques affectives du groupe social et fait dérailler les jugements de valeur et la relation affective avec la réalité de ce qui est en train de se passer.

Avant d’être affligée par le relent actuel du syndrome de Médée, la société civilisée avait bien souffert d’un syndrome d’Anna Karénine marquant cette fois-ci d’infamie la femme traîtresse à son foyer par amour et la privant d’enfant. Ici aussi le deuil du rapport conjugal se transformait en un rite sadique de proscription, en une condamnation et au vagabondage qui s’ensuit. Pas loin de nous, et même parmi nous, des rites de répudiation déclinent également au masculin la nécessité incarnée par le mythe de Médée. Au gré de son évolution dans un sens matriarcal ou patriarcal, notre culture s’approprie ainsi un même rite sacrificiel, qui constitue un déraillement sadique du deuil d’amour et de ce que cette perte très particulière fait apparaître de notre besoin dérisoire d’une éternité de nos attachements. Quelque chose d’indépassable est introduit dans notre conscience morale et notre identité par la sexualité et les rapports de l’amour et de l’humain dans la psychologie collective. C’est pourtant une banale peine d’amour qui est à la base de tout cela… et le problème, c’est bien la démesure du syndrome de Médée par rapport à la réalité de ce qui est en train de se passer. Mais dire émergence d’un rite collectif, c’est dire aussi dislocation de la logique de notre rapport avec la réalité. Cela pose le problème de savoir comment intervenir efficacement auprès de l’individu ou du groupe maltraitant. Il est vain d’espérer que des personnalités aussi grevées de troubles de la personnalité acquiescent à autre chose que l’intimidation pénale. Et il ne sert à rien de prescrire médiations ou traitements tant que cette folie n’a pas été sanctionnée. Médecins et juristes devraient donc être conscients que paranoïa et sadisme sont tels dans le syndrome de Médée que seule l’intimidation pénale peut arrêter ces sujets délirants qui ne deviendront jamais fous. La mère ou le père qui s’entêtent à vouloir priver le conjoint de ses enfants sont en fait habités par le sentiment d’être des justiciers : leur cause doit donc être entendue et jugée, sans quoi les bonnes intentions de la pédagogie ou de la psychothérapie ne pourront rien. Force est de constater que des législations prévoyant ce délit, mais aussi des mesures de puissance partagée, assorties de peines sévères pour le non-respect des droits des ex-époux, ont donné des résultats encourageants (Zizolfi, 2009, communication personnelle). C’est donc bien la voie qu’il conviendrait de suivre à l’avenir.

Implications pratiques

 

> Le syndrome de Médée est important en raison de la gravité extrême de la souffrance infligée et de la fréquence augmentée des séparations conjugales aboutissant à des confrontations hostiles et stigmatisantes
> Des interventions médicales spécifiques s’imposent, et ont un certain succès, en particulier chez la victime
> L’entourage proche, mais aussi les professionnels, réagissent parfois à la survenue du syndrome de Médée par des réactions d’évitement ou de dénégation que le médecin doit bien connaître, s’agissant de comportements pouvant beaucoup aggraver le stress traumatique de la victime
> Des nouvelles législations devraient permettre de mieux reconnaître le caractère délictueux de la privation d’enfant à but de vengeance passionnelle et de sanctionner cette conduite de façon appropriée

 

Source : Antonio Andreoli
Rev Med Suisse 2010;6:340-342

LE LÉVIATHAN DE VOLONNE : VIOLENCES, DÉRIVES, DRAME FAMILIAL ET SAP

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Cette affaire est celle d’une famille à la dérive, brisée en deux à la barre d’un tribunal. Hier, c’est « un flot de fange » qui a été déversé, comme le souligna l’avocat de la mère, Me Pierre Caviglioli. On attendait un jaillissement, on n’a eu que quelques bribes. Mais quelles bribes ! Suffisament pour être effaré par l’enfer vécu par Gaelle, notamment.

 « Qu’avez-vous fait de votre humanité ?, s’interroge Me Caviglioli. Nul ne le sait. Pas même, sans doute, son avocat, Me Laurent Villegas, qui a eu les pires difficultés à gommer l’image du « Léviathan » dépeint par les parties civiles. Un bien triste sire qui ne réussit même pas à cacher son vrai visage le temps d’un procès. Car si pendant 20 ans c’est Yvan Pelletier qui a dicté sa loi à sa famille, hier c’est son avocat qui doit user de « chut » et de gros yeux lorsqu’il le sent prêt à franchir les limites.

Voir l’article complet dans La Provence