RÉPONSE À : RACONTER N’EST PAS FAIRE COSETTE – TÉMOIGNAGE

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Hier, je postais sur le blog cet article « Raconter, ce n’est pas faire Cosette« .
Le titre venait d’un échange avec une amie – victime de violences sexuelles, victime de la violence aveugle des hommes, et de l’Homme, victime d’un système.
Quant au contenu de l’article, il disait la difficulté et la souffrance de toutes ces victimes qui ne peuvent dire, ne peuvent parler, ne peuvent être entendues. Qui se retrouvent rejetées, mises au banc de la société, exclues de toute défense et de tout droit. La bienveillance est chose rare, l’écoute encore plus. Quant à l’aide concrète, elle est souvent difficile à trouver lorsque la souffrance étouffe le quotidien.

Cette amie, cette victime, s’appelle Anne-Claire.
Elle a répondu à l’article cité.
Voici sa réponse – en espérant que le lecteur voudra bien l’entendre ; en espérant qu’elle permette à d’autres de dire, à certains de comprendre, au plus grand nombre de commencer à tendre l’oreille et la main.

« C’est vrai qu’une victime doit réussir à raconter ses traumatismes.
C’est vrai que je dois réussir à raconter l’horreur, mais comment, avec quels mots quand chaque mot me fait vomir, quand chaque mot me fait baisser la tête, de honte. Oui je sais la honte c’est pas moi c’est eux, ces hommes qui m’ont violée. Mais eux, ils vivent leurs vies tranquillement, avec leurs épouses aveugles et leur gosses adorables ; mais eux ils ont été accusés et libérés, leurs avocats étaient meilleurs … Mais eux, ils m’ont laissée agonisante, perforée, déformée, semi-morte sous leurs rires gras qui hantent mes nuits.
Alors oui, se raconter sans faire Cosette est possible mais inimaginable, car quand on raconte un peu, une once de ce qu’il s’est juste passé, de manière froide et méthodique, on lit le regard de l’autre se remplir d’effroi, on dérange, cela ne se raconte pas, cela met mal à l’aise, l’autre accuse de mensonge. Alors je recule, je reprends mes mots, je reprends ma vie et je l’enferme dans une boite bouillonnante, qui va exploser. Mais quand ?
Alors je me referme comme une huitre, pesant chaque geste de mes viols comme des kilos de fardeau. Mais les mots sont lourds, me paralysent, créent des vertiges, me coupent du monde. Quel monde ? Personne ne cherche à comprendre, je crie, je hurle mais non je ne fais pas Cosette.
Se raconter c’est trouver une oreille bienveillante, un fauteuil en cuir, une cheminée, un cocon refuge où poser les mots sont un soulagement, enfin, peut-être quand les mots auront décidé de sortir. Lorsque ma colère laissera couler la parole hémorragique. Quand je m’autoriserais à parler, à me raconter, à m’identifier dans ces mots. Ils ne parleront que de moi, que de mon corps effacé, que de mon esprit embrumé à vie, de ma rage enfermée sous mon sourire retrouvé pour l’image acceptable.
Les mains tendues, il faut oser les accepter. J’ai peur de chacune de ces mains, j’ai peur de parler et que ces mains se retirent en courant, j’ai peur d’ouvrir ma boite de mots, que cela jaillisse dans tous les sens, sans fil conducteur, sans logique, sans chronologie, sans coeur, sans corps, ou même si cette boite de mots était vide, paralysée, bloquée. Comme quand je rencontre des psys qui me prennent pour une folle puisque les mots ne viennent pas ; juste de l’eau sort de mes yeux, un torrent de douleurs sans mots, sans nom, sans image, juste de l’eau.
Alors en attendant de trouver la clé pour se raconter ou pas, en être capable ou pas, s’ouvrir au monde ou pas, ouvrir son cœur ou pas, s’entourer de gens comme moi, cassés ou pas, de garder nerveusement mes larmes au bord des yeux, j’essaierai de me raconter sans faire Cosette. Ou pas. »

Anne-Claire a raconté sa vie. Dans ce livre : Mes années barbares (La Martinière), elle livre son parcours. Elle raconte comment une enfant peut être abusée, comment cette enfant va errer dans les rues en quête de survie, offerte en pâture aux ogres qui hantent les trottoirs. Si aujourd’hui elle est encore en vie, elle se le doit. Si aujourd’hui elle veut transmettre, c’est pour informer ce qui veulent bien entendre, c’est pour dénoncer ces violences, et c’est pour se rendre son identité, dont elle a été privée. Elle s’expose à la bienveillance. Tout autant à la critique de ceux qui sont dérangés – pourquoi le sont-ils ? De ceux qui ne comprennent pas, ne le peuvent pas ou en le veulent pas.
Pourtant, elle mérité le plus grand respect.
Comme toutes les victimes dont les mots restent bloqués entre le coeur et la gorge.
Toutes méritent le plus grand respect.
Et une écoute véritable.

Anne-Laure Buffet

LA PRISE DE CONSCIENCE ET LA RUPTURE

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Samedi 30 avril 2016 se réunissait un groupe de discussion proposé par l’association CVP[1] dont le thème était : «La prise de conscience et la rupture», un sujet difficile car il invite à une remise une question, une introspection, et une confrontation à la réalité.

Nous avons reçu beaucoup de nouveaux participants lors de ce groupe, et je les remercie de leur confiance en l’association. Je remercie également les fidèles, nombreux, qui apportent chaque fois leur témoignage et leur soutien mutuel. Et comme ces groupes ont lieu à Boulogne Billancourt, et qu’il est difficile de se rendre régulièrement en province, c’est elle qui est venue à nous, cette fois, d’Alsace, et du Vaucluse.

A la pause, nous avons écouté l’intervention d’Anne Lorient, venue nous apporter son témoignage, récit que vous pouvez retrouver dans ce livre co-écrit avec Minou Azoulay : Mes années barbares, La Martinière. Moment très fort et qui a ému tous les participants au groupe, véritable immersion dans l’enfer de la rue. Anne a également présenté une association : Mobil’douche, qui œuvre sur le terrain en proposant aux SDF un moyen d’accéder à l’hygiène, et au partage, ce qui leur fait cruellement défaut.

Rappel bibliographique en préambule :

J’ai choisi trois livres parmi tant d’autres pouvant éclairer sur la question de la prise de conscience et de la rupture :

  • , Marie-France Hirigoyen, Pocket
  • , Boris Cyrulnik, Odile Jacob
  • , Sandor Ferenczi, Petite bibliothèque Payot

LIRE LA NOTE COMPLÈTE SUITE À CE GROUPE :
LA PRISE DE CONSCIENCE
ET LA RUPTURE

TÉMOIGNAGE : MADAME, IL NE FAUT PAS LUI DIRE QUE VOUS L’AIMEZ

Woman standing behind cloth sheet, silhouette (B&W)

Woman standing behind cloth sheet, silhouette (B&W)

Demain, samedi 9 avril, groupe de discussion : « Les mots qui font mal ».
Avant ce groupe, un témoignage :

« C’est très récent, car ma petite XXX est suivie depuis quelques mois pour des troubles du sommeil dans un CMP par une infirmière psychologue.
J’avais rencontré cette infirmière afin qu’elle connaisse mon histoire, notre histoire… Comme la situation n’évoluait pas et je me sentais exclue du suivi de XXX, j’ai envoyé un courrier dans lequel je souhaitais pouvoir rencontrer le pédopsychiatre.
Après quelques semaines d’attente, j’ai enfin obtenu un rendez-vous mais il fallait que ce docteur voit Monsieur avant moi !!!
Je suis donc arrivée au RDV, confiante car je n’avais rien à me reprocher jusque là.
Elle m’a tout de suite dit qu’elle ne comprenait pas pourquoi je n’avais pas demandé la garde principale de XXX. Je lui ai donc expliqué la situation (vécue pendant 20 ans avec un PN qui me battait…). Elle m’a alors dit que je n’étais pas logique dans mon raisonnement et qu’elle ne comprenait pas ce que je disais.
Ensuite nous avons parlé des relations que j’avais avec ma mère, des relations que j’ai décrites comme fusionnelles. Elle me répond qu’elle ne comprend pas que si j’avais de telles relations, pourquoi je ne lui ai pas dit que j’étais battue, je lui dis que c’est parce que je voulais la préserver mais selon elle, on ne préserve pas les gens qu’on aime !!!!
Elle me parle de l’éducation que j’ai eue, est-ce que ma mère était autoritaire, je lui dis que non car j’étais une enfant facile, sans problème. Elle me répond que non, c’est parce que ma mère cédait à tous mes caprices que j’étais facile !!! Comment peut-elle juger sans connaître ?
– Un jour, XXX m’a dessinée dans un cercueil, je l’explique à ce docteur et voilà son retour :

« Vous êtes une personne toxique, si j’étais juge je vous empêcherais de voir la petite, elle aura de graves problèmes de comportement plus tard … ».
Voici quelques charmantes citations de sa part :
– Si vous étiez battue, pourquoi avez-vous eu un enfant ?

– Je ne comprends pourquoi vous êtes restée 20 ans avec quelqu’un qui vous traitait mal ?

J’explique que je dis à XXX à chaque fois que je la voit que je l’aime et que je ne l’ai pas abandonnée. « Madame il ne faut pas lui dire que vous l’aimer, de l’amour tout le monde en a revendre. XXX n’attend pas ça de vous !!!
« Vous êtes une bonne maman mais une mauvaise mère , il faut vous faire soigner, suivre une thérapie pour apprendre à être une bonne mère. XXX est une poupée pour vous !!!!
Cet entretien a duré 2 heures, j’avais tort sur tout.
C’était affreux, je me suis revue quelques années en arrière, à baisser la tête et à lui dire qu’elle avait raison et que j’allais me soigner. Le mécanisme, après 3 longues années de reconstruction, s’est réenclenché rapidement : c’est moi la coupable, c’est moi le problème !!!
Ce médecin a écouté la version de mon ex mari et ne m’a pas laissé m’exprimer.
Aujourd’hui, elle m’a détruite à nouveau, je vais me relever pour continuer de me battre pour XXX. Mais quand et comment, je n’en sais rien. »

LA VICTIME FACE AUX TIERS – GROUPE DE DISCUSSION

Que ce soit face aux professionnels, ou aux proches, la victime est souvent retenue par la peur de dire, la culpabilité, la crainte de ne pas être entendue et reconnue. Que dire, que faire, comment se positionner, comment expliquer ? Quand la victime n’est pas entendue, le risque est celui de la double peine, et l’enfermement dans la souffrance. Comment faire en sorte de ne pas se sentir doublement, triplement exclu(e) et maltraité(e) ?

UN GROUPE DE DISCUSSION AUTOUR DE CE SUJET EST PROPOSÉ LE SAMEDI 7 NOVEMBRE, À BOULOGNE (92), DE 15H À 18H.

Informations et inscription :
et sur Facebook :

« MON ENFANT EST MANIPULÉ »

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Mercredi 21 octobre, un petit-déjeuner autour du thème « Mon enfant est manipulé » était proposé à Boulogne Billancourt. Ce thème ayant suscité beaucoup de demandes d’inscription, nous avons été plus nombreux que prévu. Et n’ayant pu répondre favorablement à toutes les demandes d’inscription, une autre date sera proposée début 2016. 

De nombreuses questions ont été posées lors de ce petit-déjeuner. L’une, essentielle, synthétisant cet échange : Comment protéger les enfants, comment leur faire prendre conscience de la manipulation ? A cette question essentielle, une seule réponse possible : en parlant. En leur parlant, en leur disant la vérité. Aussi brutale soit-elle à entendre, pour un enfant, et quand bien même il se tait, il se bouche les oreilles, il fait mine de ne pas entendre, il doit connaître la vérité. Elle fait partie de son histoire, de sa construction. Elle est sincère. Et l’enfant sent la sincérité. En étouffant la vérité, en pensant protéger soit par le silence, soit en continuant de dresser le portrait d’un parent parfait alors qu’il est toxique, la sincérité est impossible, et l’enfant le sent. Il en retient que si un de ses deux parents le manipule, lui fait du tort ou du mal, l’autre en fait tout autant soit en étant dans le déni, soit en mentant. N’étant protégé ni par l’un ni par l’autre, il se tournera alors vers le plus fort, le plus convaincant, le plus calme. Or, une personnalité manipulatrice est en apparences forte, convaincante, calme.

Outre les grands principes qui aident les enfants et permettent à un parent bienveillant de le protéger, il faut tenir compte de l’individualité de chaque histoire et de chaque situation. Savoir adapter son langage à l’âge de l’enfant, savoir le ramener au coeur de la discussion, en lui parlant de lui, et non de l’autre parent, savoir lui demander ce qu’il ressent, ce qu’il en pense… Savoir aussi, surtout, qu’un enfant ne répond pas toujours immédiatement, ou positivement, au message bienveillant qu’il va entendre. Mais ce message fait son chemin. Il est difficile, douloureux, car l’enfant doit prendre conscience que l’un de ses deux parents n’est pas un « bon » parent. Il est douloureux également pour le parent bienveillant, qui souhaiterait voir un miracle s’opérer, une transformation radicale se passer dans le comportement de l’enfant. Or, il ne faut pas oublier que face à lui, il a cette machine infernale qu’est la manipulation. Et que s’il lui a été difficile d’y résister, c’est aussi difficile, voir bien plus, pour un enfant.

Au cours de ce petit-déjeuner, comme lors de chaque groupe de discussion ou rencontre, les émotions sont nombreuses et le rire peut s’exprimer ou les larmes couler. « Je me sens moins seule », « Je sors du silence », « Je sais qu’ici je suis comprise, je peux être aidée », « il y a toujours un conseil qu’on peut suivre, une piste de réflexion à explorer »… Ces groupes en permettant l’échange, le partage d’expériences, les témoignages, l’ouverture et la rupture avec l’isolement, permettent d’envisager autrement une situation douloureuse, violente, étouffante.

Merci à tous les participants pour leur confiance.
Le prochain petit-déjeuner aura lieu le mercredi 2 décembre, avec pour thème « La place du nouveau compagnon ».
Informations et inscription :