J’ACCUSE

president-1961-04-g

Jean Gabin dans Le Président de Henri Verneuil

J’accuse « mon » pervers narcissique d’avoir attenté à ma vie.

Je l’accuse d’être ça, ou autre chose ; quoiqu’il soit,  je l’accuse de ne pas être ce qu’il prétend. 

Je l’accuse de s’être servi de moi, d’avoir désiré ce que je suis, ce que j’ai, ce qu’il ne peut posséder.

Je l’accuse d’avoir envié, d’avoir détruit ce qu’il voulait obtenir, d’avoir nié et menti, de s’être tu quand il fallait parler, et d’avoir trop parlé jusqu’à ce que je ne sois plus.
Je l’accuse d’avoir ligoté ma langue, mon cerveau, mon cœur, de les avoir mis en miettes, et de les avoir piétinés jusqu’à ce qu’il n’en reste rien.

Je l’accuse de m’avoir ignorée quand je me trouvais face à lui, de m’avoir évincée de toute discussion, de toute conversation, de m’avoir éjectée de toute vie.

Je l’accuse de lâcheté, masquée sous des sourires et de la moquerie. Je l’accuse de n’avoir comme langage pour communiquer que l’ironie et la cruauté. Je l’accuse de se vouloir maître et de devenir chien ; je l’accuse de n’être que vide et de ne supporter que les ombres.

Je l’accuse de duplicité, de bassesse, de paresse, déguisées par nécessité en discrétion, et, par intérêt, en condamnation.

Je l’accuse de dissimulation, incapable de dire qui il est, incapable d’assumer ses pensées, pleurant comme un enfant loin des jupons de sa mères, ne pleurant jamais trop, s’attirant des amitiés où se mêlent envie et pitié.

Je l’accuse de trembler devant le miroir, d’avoir peur de s’y reconnaître à défaut de s’y voir, préférant y chercher l’image de ce qu’il ne peut être.

Je l’accuse d’avoir réduit le temps en une ligne unique où le jour et la nuit se mélangent, faisant disparaître peu à peu le sommeil et le repos.

Je l’accuse d’avoir dressé des murs invisibles, plus hauts et plus épais que les remparts d’une forteresse, me tenant prisonnière sans que je le sache, empêchant l’air d’entrer, empêchant les rêves d’y naître et de s’y installer.

Je l’accuse de prendre comme armes pour me blesser les enfants que je lui ai donnés.

Je l’accuse de m’avoir pris pour un jouet.

Je l’accuse de brandir en étendard de ses fausses vertus les soi-disant peines dont il aime à parler. Je l’accuse de n’avoir de larmes que pour lui, sans en mériter aucune, si ce n’est celles d’une honte qu’il ne peut ressentir.

Je l’accuse d’avoir mis ses mains autour de mon cou quand il m’a vue partir. Je l’accuse d’avoir voulu me voir mourir. Je l’accuse d’avoir voulu mettre fin à mes jours.

Je l’accuse de ne pas aimer.

Je l’accuse d’être né sans amour et d’en accuser les autres.

Je l’accuse de jalousie, d’hypocrisie, de duperie, d’escroquerie aux sentiments, au temps, au don du cœur et du corps.

Je l’accuse de ne pas mériter le nom d’Homme.

J’accuse « mon » pervers narcissique et l’accusation ne peut avoir de défense. On ne défend pas les monstres. 

©Anne-Laure Buffet