DEUIL, ACCEPTATION, PARDON – NOTE DE SYNTHÈSE

Que veut dire « faire son deuil » ?

Le mot ‘deuil’, qui dérive du latin ‘dolus’, déverbal de ‘dolere’ (souffrir), désigne, au Xe siècle, la douleur ou l’affliction que l’on éprouve lors de la mort d’un proche.

Au XVe siècle il désigne aussi le décès, la perte d’un être cher. Il aura également plus tard divers sens plus ou moins figurés, tous liés à la mort ou à une grande tristesse.

C’est dans la première moitié du XIXe siècle qu’apparaît notre expression qui ne s’applique d’abord qu’à une chose -qui peut disparaître, mais ne meurt pas- avant, bien plus récemment, de s’utiliser aussi à propos d’une personne.
 Elle marque bien la difficulté qu’il y a à accepter la perte d’une chose à laquelle on tenait beaucoup ou d’un proche et, pour ce dernier, à se faire à l’idée de ne plus jamais le voir, la résignation n’étant qu’un sentiment forcé, non naturel, une acceptation par obligation.

Un des points essentiels est de se réapproprier ce qui s’est passé.

Le deuil renvoie à toute la palette des apprentissages de la perte. Il en résulte une grande diversité des réactions possibles. Il n’existe pas d’attitude « bonne », et la seule réaction « mauvaise » est de laisser les difficultés – une fois comprises – s’enfermer dans un cercle de souffrance inaccessible mais agissant.

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LA PRISE DE CONSCIENCE ET LA RUPTURE

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Samedi 30 avril 2016 se réunissait un groupe de discussion proposé par l’association CVP[1] dont le thème était : «La prise de conscience et la rupture», un sujet difficile car il invite à une remise une question, une introspection, et une confrontation à la réalité.

Nous avons reçu beaucoup de nouveaux participants lors de ce groupe, et je les remercie de leur confiance en l’association. Je remercie également les fidèles, nombreux, qui apportent chaque fois leur témoignage et leur soutien mutuel. Et comme ces groupes ont lieu à Boulogne Billancourt, et qu’il est difficile de se rendre régulièrement en province, c’est elle qui est venue à nous, cette fois, d’Alsace, et du Vaucluse.

A la pause, nous avons écouté l’intervention d’Anne Lorient, venue nous apporter son témoignage, récit que vous pouvez retrouver dans ce livre co-écrit avec Minou Azoulay : Mes années barbares, La Martinière. Moment très fort et qui a ému tous les participants au groupe, véritable immersion dans l’enfer de la rue. Anne a également présenté une association : Mobil’douche, qui œuvre sur le terrain en proposant aux SDF un moyen d’accéder à l’hygiène, et au partage, ce qui leur fait cruellement défaut.

Rappel bibliographique en préambule :

J’ai choisi trois livres parmi tant d’autres pouvant éclairer sur la question de la prise de conscience et de la rupture :

  • , Marie-France Hirigoyen, Pocket
  • , Boris Cyrulnik, Odile Jacob
  • , Sandor Ferenczi, Petite bibliothèque Payot

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LA PRISE DE CONSCIENCE
ET LA RUPTURE

QUESTION DE TEMPS

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©Agnes Baillon

« J’ai honte,  je ne vous ai pas donné de nouvelles depuis longtemps. »

« Vous devez penser que la folle c’est moi, puisque je vous ai demandé des conseils, et ensuite j’ai disparu… »

« Vous avez raison, mais je n’ai pas voulu vous écouter. Aujourd’hui, je me rends compte que j’ai pris beaucoup de retard, et que j’aurais pu agir beaucoup plus rapidement. Peut-être que mes enfants auraient été plus protégés. »

« je vous ai beaucoup sollicitée l’année dernière ; après je suis resté silencieuse. Pourtant j’ai appliqué vos conseils et les choses ont changé. Est-il possible de reprendre un rendez-vous et d’en parler… »

À quelque chose près, voici le genre de phrase qu’il m’arrive d’entendre régulièrement au téléphone, lorsqu’une personne en souffrance, ou au moment de sa prise de conscience, me contacte à nouveau.

Il faut admettre, que ce soit en tant que thérapeute, en tant qu’avocat, entend que personnel soignant, ou encore tout simplement comme proche comme membre de la famille ou en tant qu’ami, une personne qui se retrouve confrontée à de la violence psychologique a besoin de temps pour admettre que ce qu’elle perçoit est LA vérité. Lorsque l’on commence à comprendre la situation que l’on traverse face un conjoint ou un parent dont les comportements sont toxiques, l’acceptation prend nécessairement du temps, et d’autant plus de temps que la relation d’emprise s’est installée dans la durée, ou encore qu’elle est liée un affect particulier. L’acceptation en tant que conjoint, compagne, ou amis, ne peut être la même que celle d’un enfant, même devenu adulte, qui prend conscience des comportements maltraitants et toxiques d’un de ses parents, ou des deux.

Avant même la prise de conscience, il existe un sentiment, diffus, et pour autant étouffant. La personne confrontée à la violence psychologique ressent cette violence sans pouvoir la nommer, sans pouvoir la palper. Elle sait que ce qu’elle vit n’est pas normale, elle s’est que les choses devraient être autrement, et pour autant elle semble paralysée. L’un des facteurs qui causent cette paralysie elle a peur. L’autre, le plus important à ce stade, elle doute. La question qui revient le plus fréquemment est : « ai-je raison de me méfier ? Ai-je vraiment conscience de ce que je vis ? Ai-je raison de me sentir victime ? Est-ce qu’on est victime toute sa vie ?… »

C’est souvent à ce stade que les premières interrogations sont formulées. La personne en souffrance se tourne alors vers ses proches, quand elles le pourront encore, vers sa famille, vers des professionnels. Pour autant elle a encore du mal à exprimer ce qu’elle ressent. Il faut alors être particulièrement à l’écoute, savoir entendre entre les mots, ou comprendre entre les lignes, pour tenter d’apporter la première réponse la plus réaliste et la plus objectif possible à celui ou celle qui se trouve alors dans le questionnement. Il ne faut jamais non plus perdre de vue que cette personne vient avec un questionnement, mais que la réponse à son questionnement peut bouleverser l’intégralité de sa vie, de ce qu’elle a mis en place, de ce qu’elle a construit, même si cela la fait souffrir au quotidien.

Aussi, lorsqu’il est dit à cette personne qu’elle a parfaitement compris ce qu’elle vit, qu’elle a parfaitement raison de vouloir de nommer comme de la maltraitance ou de la violence psychologique, ou encore comme de la manipulation et du harcèlement, quand il faut lui dire qu’elle est effectivement victime de comportement toxique qui à terme l’amèneront à une destruction psychique voire physique, qui dans certains cas la pousseront aux tentatives de suicide, il faut à la fois être lucide, prudent, patient, toujours dans l’écoute, essentiellement dans la compréhension et l’acceptation du temps qu’il va falloir à  ladite victime pour être dans l’action positive et combative dans son intérêt, et souvent celui de ses enfants.

Si les paroles formulées par un proche ou encore par un professionnel peuvent être brusque pour la victime, il n’est pas pour autant question de la brusquer. Il est question de l’amener à une prise de conscience, de l’amener à accepter que ce qu’elle ressent est la réalité. Il n’est pas question de la forcer à une action dont elle n’est pas encore capable.

Aussi, il peut arriver que des victimes se présentent, avec une bonne conscience de ce qu’elle traverse, capable d’exprimer leurs souffrances, leurs craintes, et leurs besoins que la situation, leur situation, soit qualifiée.  Elles en ont besoin car c’est un premier pas vers la réhabilitation, vers le sentiment d’exister, ce qui est totalement retiré à une victime de violences psychologiques.
Cela dit, une victime en grande souffrance qui prend conscience ou qui est amenée à prendre conscience de ce qu’elle traverse, se retrouve face à un abîme : que faire ? Quelle action doit être menée ? Comment agir ? Comment sera demain ? Et ce qui contraint essentiellement sa réflexion c’est la peur, et même la terreur, que le harcèlement et les violences ne cessent jamais, et au-delà de ça être incapable de pouvoir se reconstruire.

C’est pour cela que de nombreuses victimes, alors que l’entourage ou les professionnels les informes, les accompagnent, tente de leur offrir les conseils et l’aide des plus judicieux possible, semble s’enfermer dans une situation de souffrance pourtant exprimée, et donne le sentiment à ce qui les observe de ne rien faire, voir même de se complaire dans cette situation.

Porter un tel regard sur les victimes : « finalement, ça doit bien lui convenir. Elle devrait arrêter de gémir, elle devrait se prendre en main. Il y a sûrement des choses à faire, mais elle ne le fait pas… » ne fait qu’aggraver la souffrance, ne fait que participer à la violence psychologique déjà en place, ne fait que condamner une fois de plus ladite victime. Entre le moment où pour la première fois l’exprimer sa souffrance et sa peur, et le moment où elle va mettre en action et en œuvre ce qui va lui permettre de se libérer de se reconstruire, il peut se passer des mois, parfois des années. Des mois, des années qui seront alors faites de silence, de repli, pendant lesquelles la victime peut se renfermer d’autant plus. C’est souvent dans cette période-là que les proches se retirent ou s’éloignent, paradoxalement c’est dans cette période-là qu’il faudrait qu’il soit le plus présent, aussi difficile que ce soit, aussi incompréhensible que ce soit.

Et si parfois la victime peut se montrer un peu « envahissante » par ce qu’elle a particulièrement besoin d’aide à un moment précis, et que la même victime, semble ensuite se renfermer ou se taire, lui fermer la porte ne plus vouloir l’écouter lorsqu’elle revient, c’est la condamnée. Il faut essayer de se mettre un petit instant à la place de cette victime, essayer de comprendre son fonctionnement et son psychisme. L’un des sentiments les plus présents chez les victimes de violences psychologiques et le doute. L’incompréhension. Et la honte. Honte de vivre, de « supporter » ce qu’elle supporte, honte de ne pas réagir, (car elle pense qu’elle devrait en avoir les moyens…), Honte d’avoir demandé de l’aide, d’avoir le sentiment d’avoir dérangé, et en ces temps tu d’avoir fait preuve d’ingratitude ou de lâcheté.

Ce qui doit rester essentiel, c’est cette volonté qu’elles manifestent de nouveau non seulement de comprendre, mais aussi et surtout d’être aidée, d’être accompagné, de s’en sortir, de mettre en œuvre l’essentiel pour dire enfin stop ! à la violence subie.

Ainsi, à toutes celles et ceux qui ont prient contact avec des amis, avec de la famille, avec des professionnels, à toutes celles et ceux qui ont demandé  de l’aide, qui ont appelé « au secours », puis qui se sont tus, il est urgent de dire : « n’ayez pas honte ! N’ayez pas honte du doute qui vous a habité, n’ayez pas honte du temps passé, n’ayez pas honte d’être devenu mutique ou taiseux. » et ce qu’il est encore plus urgent de leur dire, c’est : « bravo ! Le temps passé est passé, ce qui compte aujourd’hui c’est que tu veuilles transformer ton présent et ton avenir. Et n’oublie pas si on ne peut modifier le passé, le futur construit le présent. »

N’ayez pas honte. La famille, les amis, mais encore plus et surtout les professionnels, avant tout, sont à même de comprendre. Et doivent comprendre. Ils ne sont pas là pour juger, ils ne doivent jamais juger. Ils doivent répondre présent.

©Anne-Laure Buffet

LE POIDS DU BOULET

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« Comment ais-je pu être aussi aveugle ? « 

« Il m’a détruite et je l’ai laissé faire… je me donnerais des coups ! »

« Elle cachait bien son jeu, je n’ai rien venu venir, et regardez où j’en suis… »

« Si j’avais su… si j’avais réfléchi… »

Voilà, entre autres, ce que je peux entendre lorsque je reçois des victimes de personnalités toxiques.
Il pèse sur leurs épaules un poids plus lourd qu’une enclume, un poids écrasant, oppressant, qui coupe tant le souffle que l’action. Celui de la honte, du remords, de la culpabilité. Ces victimes le traînent comme un enchaîné traîne son boulet. Freinées à chaque instant, elles doivent fournir des efforts considérables pour le moindre geste, la moindre pensée, le moindre mouvement.

Elles n’ont rien de particulier, à ressentir cela. TOUTES LES VICTIMES DE PERSONNES MANIPULATRICES LE VIVENT UN JOUR. Ce ressenti accompagne la prise de conscience. Comme si elles avaient été hypnotisées, et que soudain l’on claque des doigts pour les réveiller, il y a cette impression diffuse de malaise. Les paupières clignent. Les muscles se mettent à trembler… Où suis-je ? Que s’est-il passé ? 

La prise de conscience est douloureuse.
Pensez à votre corps, lorsque vous avez dormi très (trop) longtemps. Vos muscles sont engourdis. Votre esprit est embrumé. Il faut quelques instants pour que la réalité reprenne sa place. Vous vous étirez… Vous sentez votre corps, chacun de vos membres semble vous envoyer un signal. Avec parfois quelques craquements, une crampe, deux ou trois courbatures. C’est à la fois très agréable, et gênant, comme s’il fallait, après cette période de sommeil, reprendre possession de son corps.

Une victime de personnalité toxique le vit, mais amplifié… par milliers. Ce n’est plus crampes et courbatures. C’est épuisement, douleurs, cicatrices, coups.

De même, à l’heure – parfois pénible –  où il faut se mettre devant la glace, nous notons tous nos yeux encore bouffis de sommeil, ou nos traits un peu tirés, nos cheveux qui semblent avoir décidé de vivre leur propre vie… La victime, quant à elle, face au miroir, va « voir » ce que le manipulateur PN a fait d’elle. Elle reçoit l’image comme une claque. Elle peut aller jusqu’à ne pas reconnaître son propre visage.
Les mains posées sur le rebord du lavabo, ou encore, assise contre la baignoire, la tête sur les genoux, elle voit défiler en accélérer les mois, les années qui ont précédé.
Qu’ais-je fait pendant tout ce temps ?
Pourquoi me suis-je ainsi laissé(e) faire ?
Qu’est-ce qui cloche chez moi ? 

Vient alors l’épuisement, qui jusque là n’était pas vraiment conscient chez la victime. Avec, en boucle, la même interrogation : Pourquoi ? Et en parallèle de cette question, la culpabilité, immense, et mêlée de colère.
La victime est en colère. Contre elle-même. En colère et abattue. Le manipulateur devait avoir raison (elle ne le voit pas encore comme un manipulateur)… Elle ne vaut pas grand chose pour en être arrivée là.

Cette étape, il faut ABSOLUMENT la franchir. La victime qui reste dans la culpabilité ne peut avancer, ne peut s’en sortir. Elle reste prisonnière du filet aux mailles bien serrées dans lequel le manipulateur (la manipulatrice) l’a piégée. Elle se ronge, et la culpabilité lui ôte encore ses facultés pour réagir, pour se battre, pour se reconstruire aussi.

Comprendre le fonctionnement des personnalités toxiques permet de se dégager de cette culpabilité qu’elles nous imposent.
Et permet, également, de ne pas les laisser gagner, en finissant d’écraser celui ou elle qu’elles ont pris pour proie.

Voir également sur ce sujet : Dire non à la honte  et  Dites non aux chrysanthèmes

Et pour une approche des personnalités toxiques : C’est pas moi, c’est l’autre  et  Mortelle séduction

©Anne-Laure Buffet