ENTRE SIDÉRATION ET CONFUSION

Hier, 11h20.
Un attentat au sein des locaux du journal Charlie Hebdo laisse plus d’une trentaine de victimes, parmi lesquels 12 ne survivront pas. Le nom des plus célèbres, leurs visages, inondent les réseaux sociaux et les médias. En France, et dans le monde entier. Les places des grandes villes, ici ou à l’étranger, accueillent des milliers de sympathisants. De gens révoltés, émus, effrayés, consternés, dans l’incompréhension. Qui, silencieusement, ou sous des applaudissements respectueux et sincères, font manifester leur refus du terrorisme. Leur refus que la liberté d’expression, la liberté de croire, la liberté d’être tout simplement, soit piétinée. Soit attaquée et mise en danger, massacrée, par des extrémistes et des fanatiques.

Comme un grand nombre d’entre vous, je suis restée hier à regarder les écrans, sans pouvoir rien faire d’autre. Attendant, peut-être inconsciemment, peut-être innocemment, qu’on me réveille. Qu’on me dise : « Non. ce n’est pas vrai. »
J’ai pensé comme beaucoup au 11 septembre.
Je suis restée plongée en pleine stupeur pendant plusieurs minutes, plusieurs heures peut-être.
« Ce n’est pas possible. »
J’ai guetté comme bien d’autres l’arrestation des terroristes, j’ai suivi leur cavale et leur traque, de Paris, à Reims, à Charleville. J’ai vu les images indiquant leurs noms, après leur identification.

Je me suis couchée avec une révolte sourde, et collective. Sans trouver ni les mots pour qualifier la journée, ni les mots pour qualifier ce que je ressentais.
Je me suis couchée en état de sidération.

Aujourd’hui, J+1
10H20
Un appel
« Je ne me sens vraiment pas bien depuis hier. Je ne sais pas pourquoi. Je sais que je n’étais pas visée. Je n’ai pas peur à cause de cet attentat. Mais je ne me sens pas bien, comme si c’était à moi que c’était arrivé. « 
Cet appel, et plusieurs messages équivalents qui vont suivre.
Je pense à ce que je lis depuis hier : « Je suis Charlie ».
Oui, aujourd’hui, je suis Charlie.
Ou plus exactement, l’attentat contre Charlie Hebdo réveille en moi, réveille en tous ceux qui m’ont contactée, réveille en toute victime ce sentiment d’oppression, cette sidération face à l’impensable et l’abominable. « C’est vraiment arrivé. »
Oui, c’est VRAIMENT arrivé.
L’agression sauvage, meurtrière, inhumaine, a vraiment eu lieu. L’incrédulité générale ne peut que s’appuyer sur des images, sur des faits relatés, pour disparaître. C’est vraiment arrivé.

Comme chaque victime peut se le dire. Loin de toute caméra, de tout média.
Oui, c’est VRAIMENT arrivé.
« On » a vraiment attenté à ma vie. Mes pensées, mes convictions, ma façon de vivre, mon être, ont été assiégés, agressés, malmenés, tués. Ce que JE suis a été rejeté en bloc et conspué. J’ai été honnie. J’ai été présentée comme un rebut de la société.
Il m’a été interdit de dire, et de respirer.
Interdit de vivre.

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Non.
En rien égoïste.
Victime d’un trauma, oui.
Victime d’un trauma dont on prend conscience et dont l’on cherche à se sortir, oui.
Victime, comme toute victime d’une sauvage agression ayant pour objectif de mettre un terme à une vie au nom de convictions illégitimes et révoltantes.

Non, pour les victimes de violence, quelle que soit la forme de cette violence, il n’y a pas confusion, il n’y a pas illégitimité à se retrouver ainsi. Sidéré(e), effrayé(e), incapable de dire, une fois de plus, ce qu’elle ressent.
Il y a une angoisse, une profonde blessure, une crainte paralysante qui se réveille. Une compréhension particulière, une solidarité particulière. Ni plus forte, ni plus légitime que celle de tout un chacun. La solidarité, et nous l’avons vu hier, reste bien heureusement une valeur fortement partagée.
Mais la douleur intime, silencieuse et muette, soudain rappelée par l’horreur de l’actualité, reste propre à chaque victime. Et, un jour de plus, une fois de plus, étouffe.

©Anne-Laure Buffet

POURQUOI, POURQUOI… POURQUOI ?

Lise-Anne-Marsal9

C’est inévitable. Le « pourquoi » est lancinant. Il revient de façon permanente.

Pourquoi me fait-il / elle tout ça ?
Pourquoi me fait-il / elle ça, à moi ?
Pourquoi je ne m’en suis pas rendu(e) compte plus tôt ?

Nous avons besoin de comprendre, de savoir, car rien n’est plus terrifiant que d’avancer dans le noir. Donner un sens aux évènements qui se produisent dans notre vie est plus que légitime. Et quand ces évènements sont destructeurs, quand ils entraînent vers la maladie, la dépression, la perte de l’estime de soi, la perte de ses repères, la question se répète de plus en plus, et le besoin de savoir avec.

Le discours de la personnalité toxique nous plonge dans la plus complète confusion. Ai-je dit cela ? Ai-je fait cela ? Ai-je le doit de penser ainsi, d’agir ainsi ? Et, n’ayant pas de réponse évidente, on en trouve, pour se soulager, ou tout du moins, pour ne pas rester dans le vide.
Apparaît alors le : « Parce que… ». Or, il n’y a pas de parce que à chercher ou à donner. C’est ainsi. Et s’essayer aux « parce que » entraîne d’autant plus de confusion.

Commencer à ne plus chercher ni donner de raison est un premier pas pour sortir de la confusion. Il faut donc absolument ce sortir de ce cercle vicieux du « pourquoi… parce que ». Il faut indiscutablement ne plus chercher de raisons. Il n’y en a qu’une : la personnalité toxique a un objectif : détruire sa victime. Pourquoi ? Il est fait ainsi. Point. Il n’y a pas à aller chercher plus loin.

Dans le même temps, il faut apprendre à chasser la culpabilité – inévitable. N’ayant pas de réponse à nos « pourquoi », nous nous demandons si les torts ne sont pas les nôtres, ni ce que nous sommes n’a pas induit chez l’autre son attitude. C’est, consciemment ou non, ce que recherche la personnalité toxique. Car qui dit culpabilité, dit affaiblissement. Et la victime sera d’autant plus enclin à se soumettre.

Il n’y a pas de parce que à donner. Il n’y a pas de culpabilité à avoir. La personnalité toxique est ainsi faite. Comme certains sont blonds ou bruns, petits ou grands, elle est toxique. Vous n’y êtes pour rien. Vous n’avez rien fait. Même si elle est douée pour vous faire croire le contraire.

©Anne-Laure Buffet

NE PAS CONFONDRE !

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Depuis l’existence de ce blog, et suite à nos nombreuses lectures, aux commentaires, ici, ou sur la page , ou encore, ailleurs sur Internet, il semble qu’il y ait confusion, généralisation. 

Nous connaissons tous des parents dont les enfants sont forcément les premiers de la classe. Forcément, champion de tennis ou grand musicien. Artistes en herbe mais talentueux, ayant appris à lire seuls à 4 ans. Les tests de Q.I. sont pléthore ; un enfant « classique », à la scolarité « classique », parfois mauvais élève (est-ce possible ? quel drame dans une famille !) entraîne pitié et condescendance, comme s’il était atteint d’une maladie incurable.

De la même manière, il devient « normal » d’avoir dans son entourage, dans sa famille, un bipolaire, un dépressif, un parano, un « dingo ». Depuis que le sujet des pervers narcissiques est connu du grand public, ou en tout cas depuis que la presse devient prolixe sur le sujet, il semble que chacun ait « son » manipulateur, « son » pervers narcissique.

Comme déjà dit sur le blog : attention aux assimilations ! 

On répertorie à environ 2% de la population les pervers narcissiques. Bien sûr, ce chiffre semble déjà très élevé et peut faire peur. La vulgarisation des critères de Isabelle Nazare-Aga (30 critères) permet une première approche, une meilleure compréhension, un certain déchiffrage. Mais il ne faut pas s’y fier à 100 %.
Il faut aussi consulter des spécialistes. Il faut aller plus loin dans l’étude. Trop nombreux sont ceux qui lisent ces critères comme ils feraient un test dans un magazine féminin. (D’ailleurs, à quand le test Elle ou Marie-Claire « Et vous, vivez-vous avec un pervers narcissique ?)

Ces critères sont des indices. Ils ne se suffisent pas à eux-même. La parole, l’approfondissement par le questionnement, l’écoute, permettent d’aller plus loin. Et sont nécessaires.

On peut connaître une personne au caractère particulièrement difficile. Exigeant, macho, indifférent parfois, distant quand on a besoin d’écoute. Tous NE SONT PAS des pervers narcissiques.

La perversion narcissique est une pathologie. Grave; Dangereuse. Destructrice. Parfois mortelle pour les victimes, et pour le bourreau lui-même, lorsque la victime n’en peut plus, craque, passe à l’acte.

Pour sortir de l’emprise, il faut du temps, beaucoup, parfois des années. Car il faut d’abord la comprendre.

Pour ceux qui essaient de visualiser : imaginez un corps dont on aurait retiré le cerveau, la pensée, l’âme. Il ne reste que l’enveloppe charnelle, vivante, car elle se refuse à disparaître totalement.

Une fois sorti de l’emprise, il faut tout autant de temps pour se reconstruire. C’est un champ de ruines que laisse un PN derrière lui.

Aussi, avant de qualifier quelqu’un de PN, il faut en être certain. En soi, lui attribuer une perversité narcissique ne rendra pas le « coupable » plus mauvais, ou plus susceptible de compassion. La « victime » n’en ira pas mieux pour autant, tant qu’elle n’agira pas, aussi difficile que ce soit.

Et je vois mal la fierté à avoir en disant « moi aussi, je vis avec un PN ».
Vivre avec un PN, c’est déjà être condamné. C’est un drame. Alors, qualifions quand c’est vrai, vérifié, certain. Mais pas à la légère. Chaque terme à une raison d’être, respectons-les.

Anne-Laure Buffet