PARENT « GARDIEN », PARENT BIENVEILLANT ?

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La séparation d’un conjoint toxique a de multiples conséquences, particulièrement autour des enfants. Ceux-ci, pris en otage par le parent « agresseur », vont être coupés de l’autre parent. Ils n’en sont pas toujours conscients, loin de là. Ils ne savent pas toujours comment agir. Pour eux, ce qui est l’évidence (la communication entre adultes) devient un véritable piège. Car le parent toxique va se servir d’armes souvent terriblement mesquines pour priver l’autre parent de ses enfants.

Ainsi, combien de parents se sont retrouvés sans pouvoir parler avec leur enfant pendant la période « de garde » chez l’autre parent ? Combien d’entre eux se sont plaint, ont déploré la « disparition » du téléphone portable confié à leur enfant et subtilisé par le parent « gardien » ? Certains parents vont jusqu’à dissimuler les téléphones fixes, changer de numéro de portable, interdire l’usage de celui-ci sous les prétextes les plus divers, afin de s’assurer que l’autre parent, le parent « sain » ne puisse en aucun cas parler à ses enfants.

Bien sûr il n’est pas question de téléphoner ou d’être en communication de manière constante avec ses enfants lorsqu’ils sont chez l’autre parent. Ce serait intrusif, inadéquate et déstabilisant pour l’enfant qui serait incapable de s’équilibrer et de se trouver des repères. Pour autant, empêcher la communication entre parent et ses enfants est une violation du principe même de l’autorité parentale conjointe. Au-delà de cette violation, elle constitue à la fois un déni vis-à-vis du parent absent, et un déni de ce qu’est l’enfant en tant que tel. Car un enfant reste issu d’un couple, union de deux adultes. L’empêcher de communiquer librement avec l’un des deux n’est pas, comme le mettent en avant certains parents toxiques, une possibilité pour lui de couper le cordon ombilical, mais un rejet d’une partie constitutive de sa personne.
Le principe est en tout cas toujours le même : « Chacun des parents doit préserver les relations personnelles des enfants avec l’autre parent. »

Outre la communication qui doit être librement préservée, il ne faut pas oublier ces parents qui partent en vacances avec leurs enfants, « oubliant » d’informer l’autre parent du lieu de vacances, refusant de répondre aux demandes qui leurs sont faites.
Là encore tout est question de mesure… À cette maman me disant : « je lui ai demandé il y a six mois et il a refusé de me répondre », j’ai rappelé qu’il n’est pas toujours facile de savoir six mois à l’avance où se passeront les prochaines vacances… À cette autre disant qu’elle envoyait plusieurs messages par jour pour savoir où seront ses enfants en août, j’ai insisté sur le fait que pratiquer cette méthode pouvait lui être reprochée, et qu’elle devait éviter de tomber dans ce qu’elle reproche à son ex conjoint : le harcèlement.
Il est en revanche classique, et défini par la jurisprudence, que le parent « gardien » doit informé l’autre parent quinze jours à l’avance de l’adresse de vacances des enfants.

Il est ici à noter l’article 373-2-6, modifié par la Loi  n°2010-769 du 9 juillet 2010 – art. 3

Le juge du tribunal de grande instance délégué aux affaires familiales règle les questions qui lui sont soumises dans le cadre du présent chapitre en veillant spécialement à la sauvegarde des intérêts des enfants mineurs.

Le juge peut prendre les mesures permettant de garantir la continuité et l’effectivité du maintien des liens de l’enfant avec chacun de ses parents.

Il peut notamment ordonner l’interdiction de sortie de l’enfant du territoire français sans l’autorisation des deux parents. Cette interdiction de sortie du territoire sans l’autorisation des deux parents est inscrite au fichier des personnes recherchées par le procureur de la République.

Il faut savoir qu’une interdiction de sortie du territoire avec l’accord des deux parents n’est pas une mesure définitive qui dure jusqu’aux 18 ans de l’enfant, si les éléments l’ayant justifié ont disparu. S’agissant d’une mesure préventive attentatoire à la liberté de déplacement d’un parent avec son enfant, elle ne trouve sa justification que dans l’existence d’un risque avéré d’enlèvement. Mais il est toujours possible de demander une interdiction de sortie du territoire en réponse à un refus persistant de communiquer le lieu de vacances des enfants.
L’IST (interdiction de sortir de territoire) inscrit d’office l’enfant au fichier des personnes recherchées.

Interview de Philippe VERGNES par Anne CRIGNON, journaliste au Nouvel Observateur

Dans votre manuscrit, vous analysez longuement la relation d’emprise, véritable « main basse sur l’esprit » selon le psychanalyste Saverio Tomasella, qui permet de pendre le pouvoir sur quelqu’un. En quoi consiste-t-elle ?

Nous pourrions le définir en un seul mot : « décervelage ». Le processus en œuvre dans le décervelage consiste en une perte progressive des capacités psychiques d’une personne soumise à des manipulations quotidiennes qui agissent comme des micros agressions. Le poison est instillé à dose homéopathique. Le manipulé devient peu à peu inapte à opérer la distinction entre ce qui est bon ou mauvais pour lui et n’a pas conscience de ce « décervelage ». Incapable de discernement, privé de ses capacités d’analyse, de son esprit critique et de son libre arbitre, il obéit aux injonctions du manipulateur sans résistance. D’où la passivité qui caractérise une personne assujettie. Par ailleurs, la relation d’emprise est encore mal analysée, il en résulte des conclusions erronées et de nombreuses idées reçues qui sont fausses.

Comme le fait de penser que les personnes manipulées sont « faibles » ?

Tout à fait. Ce qu’elles ne sont pas. Ce sont même souvent les personnes les plus « intelligentes », dans le sens de « brillantes », qui sont paradoxalement le plus « sensibles » (ou les plus exposées) aux techniques de manipulation. Philippe Breton, l’un des meilleurs spécialistes français de la parole et de la communication, explique cela dans son livre, intitulé : « La parole manipulée » (édition La Découverte), récompensé en 1998 par le prix de philosophie morale de l’Académie des sciences morales et politiques. Ce qu’il faut bien comprendre, c’est que la manipulation instaure une relation d’emprise totalement asymétrique, d’autant plus forte qu’elle s’inscrit sur le long terme. Il n’y a aucune égalité entre un manipulateur et sa cible. Dans sa version la plus féroce, il s’agit d’une prédation dont l’ »intentionnalité » est totalement éludée par la majorité des analystes qui se penchent sur ces questions là.

Mais nous commençons aujourd’hui à mieux connaître ces processus grâce aux travaux de certains neuropsychiatres, comme le docteur Muriel Salmona, présidente de l’association Mémoire traumatique et victimologie, qui décrivent comment le mécanisme de disjonction opère chez une personne traumatisée. Il se produit exactement la même chose chez quelqu’un soumis à des agressions psychiques répétées. Ce qui agit dans ce cas n’est pas l’intensité du vécu traumatique mais sa répétitivité. Ce que nous enseignent ces recherches corrobore la notion de « décervelage » décrite par le psychanalyste Paul-Claude Racamier, découvreur de nombreux concepts et néologismes parmi lesquels celui de la perversion narcissique. Nous savons désormais comment fonctionnent les circuits neuronaux d’auto-inhibition d’une personne manipulée. Cette auto inhibition se traduit par un phénomène d’autodestruction dont les conséquences physiologiques peuvent être très graves. Le décervelage ne représente que la phase préalable d’une dévitalisation dont les effets se répercutent sur la santé mentale et physique du manipulé.

Comme souvent, la pluridisciplinarité favoriserait une meilleure compréhension des choses…

Oui. Je pense que pour aller encore plus loin dans la connaissance de cette problématique il serait nécessaire d’établir ce que le sociologue Edgar Morin appelle des « reliances » interdisciplinaires. Cela consiste à regrouper les connaissances de diverses disciplines telles la psychanalyse, la psychologie de la communication, les neurosciences, l’anthropologie, la sociologie, etc. qui toutes étudient la manipulation, la relation d’emprise et les conséquences de ces dernières sur les individus. Bref, ce champ d’investigation reste encore à défricher d’autant que des découvertes récentes effectuées dans le domaine de la biologie moléculaire et génétique viennent, elles aussi, étayer la thèse que des « agents stresseurs », tels que certaines manipulations, détériorent nos gènes et les rendent « muets ».

Vous écrivez que « la manipulation altère profondément la personnalité du manipulé ». En quoi consiste cette altération ?

Du fait de l’action du « décervelage », le manipulateur pourra dès lors « imprimer » son mode de pensée chez le manipulé exactement comme on grave un nouveau fichier sur un disque CD vierge. De nouveaux comportements vont alors apparaître et ces « transagirs », comme les nomme Paul-Claude Racamier, agiront tels des cliquets antiretour dans l’évolution de la personne manipulée. Selon la théorie de l’engagement empruntée à la psychosociologie, l’individu réajuste son système de pensée pour le rendre cohérent avec ses agissements. Cette réorganisation psychique provoque des dissonances cognitives chez la personne manipulée qui se trouve alors en conflit de loyauté entre ce que la manipulation lui « impose » de faire et les valeurs morales que ces nouveaux comportements transgressent.

Or, le conflit de loyauté est, selon Ariane Bilheran, psychologue clinicienne auteur de nombreux ouvrages sur la question des violences psychologiques, le mode opératoire le plus fondamental de la torture. Toutefois, pour que le manipulé ne puisse pas retrouver ses capacités psychiques, l’état de confusion mentale doit être soigneusement entretenu. Un des meilleurs moyens pour y parvenir réside dans l’utilisation du discours paradoxal que je formule ainsi : « Faites ce que je dis, mais pas ce que je fais et surtout puissiez-vous ne rien comprendre à ce que je vous raconte de manière à ce que, quoi que vous pensiez, quoi que vous disiez ou quoi que vous fassiez, je puisse toujours avoir raison ». Ce type de communication, qui tend à faire agir les unes contre les autres différentes aires de la personnalité du manipulé, génère des conflits de loyauté et est « schizophrénogène ». Pour le dire plus simplement, ce genre de communication rend « fou ».

 

Le mal du siècle : la manipulation; Philippe Vergnes, ed. Arabesque

VAGUE ET FLOU

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Le flou, une arme que les manipulateurs maîtrisent ET utilisent.

Pourquoi les manipulateurs restent-ils dans le flou ?

Le flou présente 5 grands intérêts pour les manipulateurs :

  • En s’exprimant de façon floue, les manipulateurs laissent leur interlocuteur interpréter leurs propos. Ils peuvent donc changer d’avis plus facilement.
  • En restant flous, les manipulateurs ne s’engagent pas. Cela leur permet de se déresponsabiliser.
  • En étant flous, les manipulateurs se laissent une marge de manœuvre. Ils peuvent donc dissimuler leur jeu, et éviter que celui-ci ne soit découvert.
  • En étant volontairement incompréhensibles à travers un discours « cultivé », les manipulateurs se donnent de l’importance et du pouvoir.
  • Le flou provoque un mystère autour du manipulateur. Ce mystère peut parfois  séduire.

Comment les manipulateurs restent-ils dans le flou ?

Pour rester dans le flou, les manipulateurs utilisent plusieurs techniques. Par exemple :

  • Les manipulateurs ne terminent par leurs phrases. Ils  laissent interpréter leurs propos. De cette façon ils pourront toujours répondre « Je n’ai jamais dit cela. »
  • Les manipulateurs utilisent des formulations ou des mots ambiguës, qui peuvent avoir plusieurs sens.
  • Les manipulateurs utilisent un vocabulaire très spécifique. Ils le font exprès : leur but c’est précisément d’être incompréhensibles. Leurs interlocuteurs n’osent pas montrer leur embarras, de peur de dévoiler leur (soi-disant) ignorance. De cette façon, les manipulateurs se donnent de l’autorité.

Communiquer avec un manipulateur est donc une épreuve.

Dans une communication traditionnelle, le but est bien d’échanger des idées claires et précises. L’objectif de chacun, c’est de comprendre et de se faire comprendre.

POURQUOI, POURQUOI… POURQUOI ?

Lise-Anne-Marsal9

C’est inévitable. Le « pourquoi » est lancinant. Il revient de façon permanente.

Pourquoi me fait-il / elle tout ça ?
Pourquoi me fait-il / elle ça, à moi ?
Pourquoi je ne m’en suis pas rendu(e) compte plus tôt ?

Nous avons besoin de comprendre, de savoir, car rien n’est plus terrifiant que d’avancer dans le noir. Donner un sens aux évènements qui se produisent dans notre vie est plus que légitime. Et quand ces évènements sont destructeurs, quand ils entraînent vers la maladie, la dépression, la perte de l’estime de soi, la perte de ses repères, la question se répète de plus en plus, et le besoin de savoir avec.

Le discours de la personnalité toxique nous plonge dans la plus complète confusion. Ai-je dit cela ? Ai-je fait cela ? Ai-je le doit de penser ainsi, d’agir ainsi ? Et, n’ayant pas de réponse évidente, on en trouve, pour se soulager, ou tout du moins, pour ne pas rester dans le vide.
Apparaît alors le : « Parce que… ». Or, il n’y a pas de parce que à chercher ou à donner. C’est ainsi. Et s’essayer aux « parce que » entraîne d’autant plus de confusion.

Commencer à ne plus chercher ni donner de raison est un premier pas pour sortir de la confusion. Il faut donc absolument ce sortir de ce cercle vicieux du « pourquoi… parce que ». Il faut indiscutablement ne plus chercher de raisons. Il n’y en a qu’une : la personnalité toxique a un objectif : détruire sa victime. Pourquoi ? Il est fait ainsi. Point. Il n’y a pas à aller chercher plus loin.

Dans le même temps, il faut apprendre à chasser la culpabilité – inévitable. N’ayant pas de réponse à nos « pourquoi », nous nous demandons si les torts ne sont pas les nôtres, ni ce que nous sommes n’a pas induit chez l’autre son attitude. C’est, consciemment ou non, ce que recherche la personnalité toxique. Car qui dit culpabilité, dit affaiblissement. Et la victime sera d’autant plus enclin à se soumettre.

Il n’y a pas de parce que à donner. Il n’y a pas de culpabilité à avoir. La personnalité toxique est ainsi faite. Comme certains sont blonds ou bruns, petits ou grands, elle est toxique. Vous n’y êtes pour rien. Vous n’avez rien fait. Même si elle est douée pour vous faire croire le contraire.

©Anne-Laure Buffet

QUE SAVEZ-VOUS DU GASLIGHTING ?

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N’avez-vous jamais le sentiment que tout dans votre relation est de votre faute ? Ne  finissez-vous pas par avouer des choses à votre partenaire,  choses que vous n’avez jamais vécues ou n’auriez jamais dites, mais pour avouer pour éviter une confrontation, pour le/la faire taire ? Finissez-vous  par croire  les choses dont vous êtes accusé(e), par  douter de votre propre perception?

La tentative systématique d’une personne pour induire le doute est appelée «gaslighting », un terme inventé après la pièce  de1938 et Gaslight, film de Cukor, de 1944. Le film raconte l’histoire de Gregory, un jeune marié, qui utilise des techniques méthodiquement malignes et indirectes dans le seul but de faire douter  sa jeune épouse Paula  de ses perceptions et de sa mémoire. Ses tactiques comprennent le déplacement ou la modification des éléments et évènements (par exemple, jouer sur l’éclairage de la maison, enlever une peinture du mur, égarer des objets, dissimuler des bijoux dans son sac), ainsi que nier avoir dit des choses,  déformer les faits…

La réfutation de la perception a été signalée comme étant l’un des moyens les plus destructeurs de la violence dans les relations. Non seulement la victime est discréditée aux yeux de son entourage et à ses propres yeux, mais aucune responsabilité n’est reconnue à celui qui utilise ce procédé. Grâce à la négation systématique des événements et des déclarations, la victime vient à douter de sa propre santé mentale.

La victime commence par ressentir de la frustration à ne pas être comprise ou validée par son partenaire, mais avec le temps, elle se met à le croire et à douter d’elle-même, jusqu’à sombrer dans la dépression, ou la folie.