MES PARENTS, CES HÉROS

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« J’ai pas le droit de dire ça ; c’est quand même mon père ! »
 » Il paraît que je peux en vouloir à ma mère. Vous en pensez quoi ? »
 » C’était pas la même génération. Et son propre père était violent avec lui ; il n’y est pour rien. »

L’enfant maltraité est en souffrance.

S’il a une compréhension de la violence dont il est témoin ou victime, il ne peut pas la qualifier comme telle ; le faire lui semble inadmissible. Il n’en a pas le droit ; prendre ce droit reviendrait à se reconnaître un pouvoir, celui de juger la figure tutélaire responsable de violence, lorsqu’elle est censée être bienveillante. Lorsqu’elle devrait être le guide protecteur et sécurisant.
L’enfant est de ce fait pris en otage par le comportement violent de son parent – que la violence soit physique ou psychologique. On peut résumer ainsi, schématiquement, la pensée de l’enfant : « Puisque mon parent ne peut être mauvais, puisqu’il y a punition (vision enfantine de la violence subie), c’est que j’ai commis une faute, donc que je suis mauvais. »

L’enfant victime devenu coupable dans sa représentation du schéma familial va alors pousser plus loin cette culpabilité. Indigne d’être aimé, indigne de s’aimer lui-même, il va user à son tour d’agressivité voir de violence. Contre lui, pour se punir, comme l’a fait précédemment la figure tutélaire, et contre les autres, particulièrement contre ceux qui manifesteront envers lui un intérêt.
Son attitude va osciller entre rejet et agressivité.

Cette agressivité tournée contre lui a pour objet conscient ou inconscient, au-delà de la punition, de se faire disparaître. Indigne d’être aimé et coupable d’une faute qu’il ne connaît pas (et n’a pas commise), il ne mérite pas d’exister. Le processus d’autodestruction se met en place, allant de façon malheureusement banale aux problèmes scolaires (travail, comportement), à la tentative de suicide. Les troubles du sommeil, les troubles alimentaires, les dépendances (alcool, stupéfiants…), les mutilations, scarifications… en sont les manifestations concrètes.

L’agressivité peut également se tourner contre l’entourage familial et social, jusqu’au rejet de toute norme, de toute règle.
Dans son raisonnement déformé par la violence subie, l’enfant ne peut admettre l’intérêt qui lui est porté. N’étant pas digne de recevoir protection et amour, il les reçoit comme une nouvelle agression destinée à lui rappeler la faute commise et ce qu’il a de mauvais, même s’il ne peut le qualifier.

L’enfant maltraité va parfois jusqu’à exprimer une forme de gratitude envers le parent maltraitant : « C’était ma mère. Elle me connaissait. Elle savait de quoi j’étais capable. Je ne peux pas lui en vouloir ; elle voulait me mettre sur le bon chemin. Je dois la plaindre. Elle a essayé ; elle a voulu me corriger mais elle n’y est pas arrivée. »

©Anne-Laure Buffet

AMOUR OU ADDICTION ?

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La dépendance affective est envahissante. Telle une addiction, elle se met à dominer le psychisme, interdisant toute pensée, tout comportement qui éloignerait la victime. Il faut ici entendre addiction dans le sens de « souffrance ». La victime ne dirige plus sa propre vie, elle perd le contrôle, elle est à la fois guidée, et poussée, par sa dépendance.
Sous emprise affective, la personne dépendante vit dans l’attente. Et cette attente devient une véritable occupation, qu’il faut à la fois nourrir et combler. Avoir le sentiment de ne pas avoir attendu, un court instant, est vécu comme une trahison, trahison vis-àvis de celui ou celle qui envahit l’esprit et cause cette attente.

Dans le cas de la dépendance amoureuse créé par une personne toxique, la victime guette le moindre signe, la moindre parole, qui seraient pour elle la manifestation d’un attachement. et le manque ressenti produit les mêmes effets que le manque de drogue, avec des conséquences biologiques, physiques, bien réelles : transpiration excessive, bouffées de chaleur, palpitations, crampes d’estomac, crises d’angoisse… Le sentiment d’une présence calme temporairement ces symptômes qui reviennent encore plus violemment lorsque le/la dépendant(e) affectif(ve) se retrouve à nouveau plongé(e) dans le silence. Il y a alors un fort sentiment d’abandon qui rejaillit, créant un traumatisme.

Le travail, par la parole, peut permettre de sortir de cette dépendance, avec un approfondissement et un questionnement, afin de permettre de casser ce cercle vicieux.

Attention : toute dépendance n’est pas forcément pathologique. Tout être humain connaît différentes nécessités vitales pour survivre ; nous sommes des êtres de besoin, ce qui ne relève pas du pathologique. Ces besoins se construisent dès la petite enfance, et permettent de créer les liens sociaux avec nos parents, nos amis, un conjoint… La relation à l’autre permet d’alimenter le coeur et l’esprit.

La dépendance affective pathologique l’est dans le sens où, obsessionnelle, ne laissant plus aucune place à toute vie petit à petit grignotée. Il n’y a plus de maîtrise, et cette dépendance non seulement retire le bonheur d’être mais en est un complet empêchement. 

Attention : La dépendance affective est souvent conçue comme ne pouvant exister qu’entre un homme et une femme. N’oublions pas que certains parents deviennent dépendants affectifs vis-à-vis de leurs enfants, avec en corollaire la peur de perdre l’amour de leurs enfants en cas de refus – légitime – à une demande, en cas d’interdiction. Poser le respect et l’autorité naturelle que, en tant que parents, l’on se doit d’avoir pour permettre une construction de l’enfant est alors impossible. Cela permet les enfants rois, enfants tyrans.

La dépendance affective peut trouver son origine et son explication dans des manques anciens. Elle a alors des racines profondes
La psychogénéalogie peut être une aide précieuse pour mieux comprendre ce phénomène.

COMME UNE DROGUE

77285653_oCrédit Photo Aline Jean

La personnalité toxique agit avec celui, ou celle, qu’elle séduit, comme une drogue. Une drogue « dure », pour autant qu’on puisse différencier certaines drogues en dures ou en douces.

Elle est séduisante ; elle attire, car elle fait rêver. Elle fait croire plus de forces, plus de capacités, plus de détente, plus d’imagination. Elle emmène dans un autre monde plein de promesses. De belles promesses. De fausses promesses. De promesses cruelles, destructrices. Mortelles.

Lorsque le drogué, sa proie donc, veut s’en défaire, il a besoin d’aide. Il a besoin de parler. Il souffre. Il est en manque, habitué à une autre souffrance, celle qu’il connaît chaque fois que les effets de la drogue s’éloigne. Il se recroqueville, il se cogne, il s’affole. Il culpabilise, d’avoir cédé, et d’avoir tant de mal à s’en défaire. Il voudrait du mal à tous ceux qui lui en ont fourni. Il se voudrait du mal de ne pas avoir été assez fort pour résister.
Il n’ose pas en parler ; puis il ouvre les vannes de sa souffrance, et la parole ne s’arrête plus. Mais il ne sait comment faire, quel chemin prendre pour s’en sortir, et s’en sortir « vivant ».

Il doit reconstruire une vie, abîmée, ruinée, démantelée, lentement mais sûrement, par tout ce qu’il a dû mettre en oeuvre pour pouvoir se procurer cette drogue.

Il peut connaître des périodes de rechute. Se sentant seul dans son combat, à nouveau attiré même s’il connaît les risques et les dangers, il n’arrive pas à faire autrement. Il replonge et peut replonger plus bas.

Sa famille, ses amis s’éloignent. Ils ne le comprennent plus. Ils tendent une main, mais cette main n’est pas accueillie. Certains restent et s’y épuisent. Les autres se lassent, ou fuient pour ne pas être broyés eux aussi dans cette machine infernale.

La drogue ne s’en prend pas aux plus faibles, aux plus pauvres, aux plus démunis, aux plus « idiots ». Chacun peut sombrer.
Il n’y a pas de malin…

Avec les personnalités toxiques, il en est de même. La victime se retrouve en état de dépendance, et même si elle sent que cette dépendance peut lui être fatale, elle n’arrive ni à s’en défaire, ni à se la pardonner, ni à ne pas culpabiliser.
Elle souffre et la souffrance est tant morale que physique.
Mais ne sachant pas de quoi demain sera fait, elle a peur, peur de ne plus être sous emprise. Peur du combat à mener, de la douleur qu’il provoque. Peur du regard des autres.

La victime rendue malade par la personnalité toxique doit mener un combat. Un combat dans lequelle elle ne joue pas à armes égales.

N.B. : La comparaison entre la drogue et les PN, ou autres personnalités toxiques, s’arrête là. Il s’agit essentiellement de parler non pas de l’origine du mal, mais de ses conséquences.

©Anne-Laure Buffet