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Alors que les mois de février et mars ont été consacrés aux enfants en souffrance, alors que avril et mai reviennent sur l’emprise, la violence psychologique, et l’éventuel pardon, il me semble essentiel une fois de plus de dire que l’objet de CVP est de se consacrer aux victimes de violences psychologiques, et aux potentielles victimes, aux proies, en informant, en dénonçant, en tenter de prévenir et en accompagnant lors de de la (re)construction de la personne en souffrance.
Pour ma part, il n’est pas question de délivrer un diagnostic sur l’auteur des violences. Diagnostic qui ne peut être que tronqué, l’auteur desdites violences ne se présentant jamais comme auteur. S’il vient à parler, c’est bien pour se victimiser, et faire accuser l’autre. Aussi, dire : « En effet, untel ou unetelle est sans conteste un(e) manipulateur pervers narcissique » est à la fois difficile et dangereux.
Difficile, ainsi que ce vient d’être dit, car porter un diagnostic sans avoir reçu la personne « à diagnostiquer » va à l’encontre de toute déontologie. Un avis, une opinion, est possible. Les faits, paroles, actes rapportés fournissent un faisceau d’indices à partir duquel il devient possible, de considérer qu’il y a en effet violence psychologique, comportements destructeurs, intentionnels ou non. De même, il faut prendre en considération la souffrance de la personne reçue et entendue. Il faut être capable d’appréhender un état de stress post traumatique, un état d’anxiété généralisée, une dissociation, des troubles qui se développent, comme la claustrophobie, l’agoraphobie, les intentions suicidaires.
Dangereux, car le diagnostic une fois porté, celui-ci peut plonger la victime dans divers états :
– convaincue d’être victime d’un « PN » (terme trop médiatisé qui empêche tout recul), elle peut focaliser sur ce terme, justement, et ne pas arriver à effectuer pour elle le travail nécessaire de deuil et de reconstruction. Elle devient victime « par définition » et consacre sans s’en rendre compte son énergie à lutter contre le (la) PN, ou à vouloir faire entendre que l’autre est un monstre. Ce qu’elle fait essentiellement, si son psychisme ne se détache pas de « l’autre », c’est continuer de lui consacrer et son temps, et son énergie, et sa vie.
– elle peut également se mettre à chercher comment prouver que l’autre est « PN ». Comment le prouver aux yeux de son entourage, mais aussi comment le prouver devant la société et en justice. Là encore, elle se consacre à « l’autre ». Pas à elle, la victime. Elle se plonge dans un combat presque perdu d’avance en justice. S’il est vrai que devant un juge on peut aujourd’hui arguer de la violence psychologique subie, des conséquences et du traumatisme, et qu’il est même possible de prouver cette violence, il est bien plus risqué et hasardeux de vouloir montrer que « l’autre » est PN, psychopathe, fou et dangereux, et souvent tout à la fois. La justice jugera sur des faits. Sur des éléments concrets.
C’est le travail des avocats, c’est aussi celui de la victime, c’est enfin celui de celles et ceux qui accompagnent la victime, que de lui permettre d’ordonner des faits chronologiquement, de mettre en avant l’intention de nuire, de montrer la répétition de comportements destructeurs.
Et contrairement à ce que pensent de trop nombreuses victimes, c’est possible.
En outre, cette réflexion permet de se recentrer sur « soi », de s’attacher à ce qui est concret, et de se détacher de « l’autre », le bourreau.
– il ne faut pas oublier non plus que si certaines personnes peuvent dire : « je suis victime d’un PN », et le démontrer, d’autres n’en sont pas encore là dans leur parcours, n’arrivent pas encore à prendre pleinement conscience de leur vécu, à le « ressentir », ou à l’exprimer. Parfois, la mémoire occulte des faits, des moments, des périodes. C’est au thérapeute de permettre à la victime de retrouver un accès à ses émotions et à son vécu. Mais tant qu’elle ne le peut pas, la victime va considérer que « finalement ce que j’ai vécu c’est pas si grave que ça, je dois pas être vraiment victime… »
Se rattache à cela un autre élément à prendre en considération : le terme « pervers narcissique » est devenu tellement médiatisé, sur employé, commercialisé et demeure si contextuel, que se développe aujourd’hui une méfiance presque légitime face à l’utilisation de ce « présupposé ». La décision de justice ne sera pas plus lourde pour le bourreau, que le juge développe une intime condition de la perversion narcissique (ou non) de celui qui en est accusé. Et le suremploi du terme aurait même tendance à rendre les magistrats d’autant plus prudents et défiants. « Tiens, « encore » un cas de PN… ». Car aujourd’hui, ils sont pléthore…
En revanche un dossier détaché de l’affect lié, qu’on le veuille ou non, au terme de « PN », un dossier reposant sur des comportements destructeurs et sur la mise en place d’une relation fondée sur la violence psychologique, donc, de fait, une relation où il y a abus, maltraitance, dénigrement de l’individu… est entendu devant la Cour.
Mener un combat pour se faire entendre, mener un combat pour être reconnu(e) victime – ce qui est un état et non un statut, mener également un combat personnel pour sortir de cet état de victime pour faire reconnaître sa souffrance et ses conséquences, mener en somme un combat pour être validé(e) comme individu à part entière et non objet d’un autre, et réhabilité(e) dans son droit à être, est essentiel.
Mener un combat pour entendre que effectivement, l’autre est PN, est secondaire. Encore une fois, c’est continuer à lui consacrer du temps. Or, la seule personne qui compte, c’est celle en souffrance. C’est lui permettre de dire : « Je suis victime, j’ai été victime de violences ». C’est l’amener sur la voie d’une vie libérée de ces contraintes, de ces incompréhensions, de ces violences. Une vie faite de vie, et non d’inexistence.
©Anne-Laure Buffet
L’ESPT (Etat de Stress Post Traumatique), chez l’enfant comme chez l’adulte, est une « réponse différée ou prolongée à une situation ou à un évènement stressant exceptionnellement menaçant ou catastrophique et qui provoqueraient des symptômes de détresse évidents chez la plupart des individus », selon la CIM-10 (classification internationale des maladies).
Chez l’enfant, les caractéristiques sont propres : syndrome intrusif qui se manifeste par des activités ludiques répétitives ou par des mises en actes agressives vous sexuelles lors desquelles ils remettent en scène le ou les évènements traumatiques.
Au-delà de trois mois, l’ESPT est dit »chronique ».
Le diagnostic se heurte parfois aux conduites d’évitement : l’enfant submergé par ses affects émotionnels se dissocie ou se tait.
Les troubles psychodramatiques chez l’enfant sont aussi fréquents que l’est la maltraitance infantile. Ils se manifestent plus par des comorbidités et des troubles complexes de la gestion des émotions, comme le « trouble de développement traumatique », que par un classique ESPT.
À long terme, selon la recherche scientifique, les troubles psychodramatiques sont corrélés avec les états limites ou borderlines.
Les conséquences sociales, particulièrement lourdes en termes de conséquences personnelles et sociales, constituent un problème de santé publique largement sous estimé en raison du déni de la maltraitance et de ses conséquences.
Les troubles dissociatifs peuvent devenir un mode de défense habituellement utilisé contre les intrusions psychotraumatiques pour éviter les phénomènes de reviviscence anxieuse : ils sont des états de conscience modifiée se manifestant par des pseudo-absences, des troubles dysmnésiques (trouble de la mémoire, amnésie partielle), des comportements automatiques, des symptômes de dépersonnalisation ou de déréalisation.
Certaines tentatives de suicide, actes d’automutilation, conduites auto-agressives, comportements sexuels à risque, conduites addictives sont destinées à déconnecter le cortex frontal (1) du système émotionnel limbique. Ceci permet de créer un état d’anesthésie émotionnelle procurant un soulagement transitoire, aggravant encore davantage les délabrements narcissiques de l’enfant ou de l’adolescent.
In Violence et famille, ed.Dunod
(1) cortex frontal : regroupe l’ensemble de fonctions motrices, exécutives et cognitives supérieures, telles que la mémoire de travail, le raisonnement, la planification de tâches… Il est de manière générale très sollicité et utilisé pour structurer des processus cognitifs complexes, comme coordonner une série d’actions exécutées en vue d’un objectif.
Les troubles dissociatifs sont caractérisés, selon le DSM-IV (1)par la survenue d’une perturbation touchant des fonctions normalement intégrées, comme la conscience, la mémoire, l’identité ou la perception de l’environnement. Ils sont donc dus à des traumatismes.
Cinq troubles dissociatifs sont identifiés: l’amnésie dissociative, la fugue dissociative, le trouble dissociatif de l’identité, le trouble de dépersonnalisation et trouble dissociatif non spécifié.
Dans le cadre d’un traumatisme, trois types de dissociation sont classés :
Dissociation primaire : Cette forme de dissociation représente le processus de traitement d’information particulier pendant un traumatisme psychique. L’expérience est tellement bouleversante pour l’humain que la conscience ne peut pas intégrer celle-ci normalement. L’expérience ou une partie de celle-ci est dissociée. Cette fragmentation de la conscience est liée à une altération de la conscience normale et elle est un symptôme typique du trouble de stress post-traumatique (TSPT).
Dissociation secondaire : Quand la personne se trouve déjà dans un état dissocié, une désintégration au niveau de l’expérience personnelle peut survenir : Une dissociation entre le «Moi observant» et le «Moi expérimentant». La personne prend de la distance par rapport à l’événement et vit le fait à travers la position d’un observateur. Cette définition se rapproche du trouble de dépersonnalisation (voir ci-dessous).
Dissociation tertiaire : Suite à des traumatismes continuels, les humains sont capables de créer des états du moi indépendants (Ego-states) pour stocker les expériences traumatisantes. Ces états du moi sont dans le cas extrême tellement distincts et développés qu’ils présentent des identités propres complexes. Cette définition se rapproche du trouble dissociatif de l’identité (voir ci-dessous)
Ces trois types de dissociation peuvent être perçus soit comme ayant une qualité différente et bien distincte chacun ou alors on peut les imaginer sur une échelle continuelle et les décrire comme étant une expression de plus en plus forte du phénomène de base qu’est la dissociation.
Une dissociation est donc une séparation entre des éléments psychiques et/ou mentaux, qui, habituellement, sont réunis et communiquent. Le schizophrène voit ou sent des choses dans une zone psychique inaccessible à sa raison, l’amnésique ne communique pas avec une partie de sa mémoire (qui pourtant reste présente), une personnalité multiple ne communique pas avec les autres personnalités qui cohabitent dans son psychisme.
Aujourd’hui, on a identifié plusieurs pathologies dissociatives qui sont différentes de la schizophrénie.
Sur le plan fonctionnel, la dissociation est un processus mental complexe permettant à des individus de faire face à des situations douloureuses, traumatisantes ou incohérentes (exemples donnés ci haut.) Elle est caractérisée par une désintégration de l’ego. En d’autres termes, cet état de dérèglement émotionnel peut être si intense qu’il peut produire, dans les cas extrêmes, une « dissociation ». La dissociation est un écroulement de l’ego si intense que la personnalité est considérée comme littéralement cassée en morceaux. Il ne fat pas confondre dissociation psychique et fugue psychotique. Nous allons donc aborder cette notion dans la partie suivante.`
Les symptômes peuvent concerner trois sphères différentes :
« Je n’ai pas de nom, j’ai tous les âges, le fluide éternel qui coule dans mes veines ; de l’or ; je vois ce que vous pensez, j’ai un troisième œil qui tourne dans mon cerveau. Je sais que vous voulez m’appauvrir, comme les totems qui hurlent, mais vous ne m’aurez pas car je sais me liquéfier. »
Lorsqu’il est aussi prolixe, le langage des schizophrènes comporte une forte consonance poétique (sans doute l’aspect hermétique qui fascine) ; le délire n’est jamais loin.
Le terme a été créé en 1911 par le psychiatre suisse Eugen Bleuler dont la sœur souffrait du trouble et qui l’a isolé de l’ensemble nosologique que son confrère allemand Emil Kraepelin avait appelé la « démence précoce ». Pour Bleuler, c’est la notion de « dissociation » ou de « dislocation » (Spaltung) des fonctions psychiques qui forme le cœur de la description clinique – ce que rend le choix du terme grec « schizo », signifiant « la coupure« . On retrouve encore les grandes lignes des descriptions de Bleuler dans la dixième Classification internationale des maladies (CIM-X) et dans la quatrième édition révisée du Manuel diagnostique et statistique de santé mentale (DSM-IV). La première parle de « schizophrénies » au pluriel, la seconde conserve le mot au singulier. En fait, les chercheurs reconnaissent un faisceau continu de symptômes, plus ou moins individualisés chez les patients.
Des manifestations dissociatives, délirantes et autistiques
Parmi les principales manifestations de la schizophrénie, dans sa forme typique, on note un syndrome dissociatif, unsyndrome délirant et un syndrome autistique :
– une pensée désorganisée (qui se traduit le plus souvent dans le langage, par l’impossibilité de tenir un discours suivi et cohérent, mais aussi dans des troubles de l’attention, de la concentration et de la compréhension) ;
– un comportement désorganisé (de nature très variée, stupeur et rigidité catatoniques, excitation extrême, tenue vestimentaire excentrique, manières grossières et obscènes, vociférations injurieuses…) ;
– des idées délirantes (persécution, mégalomanie, pensées volées ou intrusives, conceptions invraisemblables et excentriques, croyance en un sens caché de certains phénomènes, etc.) ;
– des hallucinations (auditives dans la grande majorité des cas, avec une ou plusieurs voix discutant ensemble au sujet des pensées du patient, mais aussi bien visuelles, olfactives, tactiles ou gustatives) ;
– un ensemble de symptômes dits « négatifs » (émoussement progressif de l’émotivité, de la communication verbale et de la volonté, tendant vers un comportement de plus en plus isolé, inerte et insensible au monde environnant).
La schizophrénie est la plus répandue des psychoses chez l’adulte. Selon les pays, elle concerne entre 0,5 et 2 % de la population, la prévalence la plus souvent retenue étant de 1 %. L’incidence annuelle se situe autour de 2 pour 10 000. En France,400 000 malades environ sont concernés. Les schizophrènes représentent, dans notre pays, 20 % des hospitalisations psychiatriques à temps complet et 1 % des dépenses totales de santé.
Le sex-ratio de la schizophrénie semble équilibré, même si certaines études concluent à une prévalence légèrement plus forte chez les hommes ; en fait elle est sensiblement plus précoce et plus invalidante chez l’homme. L’âge du premier diagnostic des schizophrènes se situe en moyenne entre 15 et 25 ans. Il s’agit donc d’un trouble mental caractéristique des jeunes adultes, mais pouvant frapper les adolescents, voire les enfants. Dans 35 % à 40 % des cas, la schizophrénie se manifeste par des débuts aigus, avec bouffées délirantes.
Une base génétique, mais des facteurs déclenchants encore inconnus
Les travaux de génétique ont établi l’existence d’une vulnérabilité du trouble schizophrénique. Dès 1972, le psychologue américain Irving I. Gottesman avait montré l’existence de cette susceptibilité génétique sur la base d’une étude de jumeaux. Ces résultats ont été confirmés par la suite. Ainsi, le risque de développer la pathologie est proportionnel au degré de proximité par rapport au sujet (1 % dans la population générale, environ 10 % chez les apparentés au premier degré, environ 50 % chez les jumeaux monozygotes) et l’héritabilité de la schizophrénie semble assez forte (de l’ordre de 0,6). Toutefois, dans un cas sur deux, un seul des jumeaux monozygotes développe le trouble, ce qui montre l’importance des facteurs d’environnement. Les facteurs précipitants ou protecteurs de l’apparition du trouble au cours du développement de l’individu sont encore mal connus. Par ailleurs, compte tenu de la diversité des symptômes cliniques, il est difficile d’établir des phénotypes cohérents de la maladie pour en étudier ensuite un éventuel arrière-plan génétique commun. Les études d’héritabilité les plus importantes des dernières années ont été menées dans le cadre de l’International Schizophrenia Consortium, avec des cohortes incluant plusieurs milliers de patients et leurs apparentés.
Il existe des cas de rémissions complètes (environ 20 % des patients) ou au contraire de résistance et de persistance des symptômes (20-30 %), mais la schizophrénie évolue plus souvent de manière tantôt continue, tantôt épisodique (par accès psychotiques). À l’origine, l’évolution défavorable était considérée comme un des symptômes permettant le diagnostic : le schizophrène semblait inexorablement sombrer dans un état d’hébétude. Les progrès de lapharmacologie et de la prise en charge clinique et sociale ont néanmoins permis une amélioration du pronostic dans certains cas. Il existe toutefois une très grande diversité dans l’évolution des cas. Il est à noter que le risque de mortalité par suicide est élevé chez les schizophrènes (20 % de la mortalité par suicide seraient associés à la pathologie). Les facteurs de bon pronosticsont le sexe féminin, une situation sociale, professionnelle et familiale installée lorsque se déclenche le premier accès psychotique, une conscience du trouble et la volonté de coopérer avec les médecins. Les facteurs induisant en revanche un pronostic plus réservé sont le sexe masculin, l’isolement social et le célibat, les antécédents familiaux, l’absence de symptômes positifs et la rapide progression des symptômes négatifs (retrait), un QI faible, une longue période de négligence avant les premiers soins.
Voir le site de l’INSERM pour une approche plus complète