Il a encore frappé. Cette fois, ce n’est pas la table qui a pris. Les verres sont intacts. Les assiettes ne sont pas brisées. Seule sa chaise a bougé. Et puis, cette main qui se lève, et s’abat. Sur vous. Votre visage.
Vous reculez. Surprise. Stupeur. Peur. Douleur. Dégoût. Honte.
Honte, car incapacité à réagir.
Vous étiez certaine que ça n’arriverait jamais.
Les mots, les regards, vous pensiez pouvoir les encaisser. Vous vous pensiez épargnée du reste. De cette violence que vous voyez dans les feuilletons, ou dans les films que vous pouvez encore – parfois – regarder. Vous n’imaginiez pas finir en faits divers. Vous en devenez un, sans avoir rien fait pour. Vous vous dites que les paroles ne sont rien. Vous ne comprenez pas la portée de ces coups. Vous ne les ressentez pas. Pourtant, votre cerveau, votre âme, votre coeur souffrent à chaque fois.
Il va y avoir ce bleu sur votre joue, sur votre pommette, à dissimuler. Il va y avoir la douleur qui résonne dans la tempe. Longtemps. Vous n’avez plus mal, mais vous la sentez encore. Il va y avoir les tremblements, à chaque fois qu’il vous adressera la parole. Il va y avoir l’incapacité à parler. Les sons se bloquent dans votre gorge et vous étranglent. Vous étouffez.
Vous ne savez pas à qui parler. Vous ne savez pas si vous devez en parler. Vous ne savez pas que faire. Si vous portez plainte, vous craigniez sa réaction. Si vous vous taisez, vous redoutez qu’il recommence.
…
Rassurez-vous. Tous les MPN ne deviennent pas violents, physiquement.
Inquiétez-vous. Ils peuvent le devenir.
Rassurez-vous. Vous pouvez agir.
Inquiétez-vous. Vous devez agir.
Rassurez-vous. Ils ont souvent peur des traces qu’ils laissent ; une voix n’en laisse pas. Un coup, toujours.
Inquiétez-vous. Vous êtes déjà battu(e). Même si vous ne sentez pas les claques, votre corps les reçoit, votre cerveau les entend.
Les femmes aussi peuvent devenir violentes. La violence est asexuée. Elle s’empare d’un esprit pour en soumettre un autre. Pour laminer. Pour détruire.
Vous avez droit à d’autres fleurs qu’aux chrysanthèmes. Faites-vous aider, avant. Et pour commencer, parlez.
©Anne-Laure Buffet