Y’A RIEN DE PIRE QUE L’INDIFFÉRENCE POUR UN ÊTRE HUMAIN

H..,

Nos vingt-deux ans passés ensemble, qui feront sans doute la moitié de notre vie d’adulte valent bien une lettre. Je veux te dire combien j’ai été désespérée de vivre à tes côtés sans que jamais tu ne t’ouvres à moi et que tu ne cesses de faire preuve d’indifférence. Je me suis toujours souvenue de notre rencontre si heureuse. J’ai tourné autour de toi, je t’ai supplié à maintes reprises, j’ai pleuré, j’ai menacé de te quitter, j’ai essayé de prendre un amant, je me suis noyée dans le travail, avec toujours la même interrogation en tête : pourquoi m’a-t-il autant draguée à l’origine ? Que voyait-il en moi ? Qu’ai-je fait ? Une fois eu les trois enfants, tu étais fermé, indifférent, méchant, désagréable, violent, injurieux. Je me souviens encore de la brusque dégradation de nos relations alors que je portais notre dernier fils. Tu avais commencé comme ça : « tu pues ». A partir de là, pas un jour sans une scène. Tous les prétextes étaient bons : les courses qui ne t’allaient pas , les chaussures qui traînaient, je n’allais pas assez vite, j’avais égaré quelque chose. Pas un jour sans un soupir, sans une mine excédée. Pas une geste d’apaisement : t’allumais la lumière quand je dormais, me parlais quand je téléphonais, « Le bonheur, ça n’existe pas » affirmais-tu. Pas un jour sans signe de rejet. Sans un « tu pues, tu ronfles, t’es grosse, t’es mal habillée, tu travailles tout le temps, t’es rien qu’une professionnelle, t’es pas sportive, tu ne joues pas encore dans la cour des grands, t’es rien pour moi, tu n’existes pas ». Sans « putain, merde, fais chier », « c’est moi qui fait tout ici » « pousse-toi » « dégage » . Pas un jour sans me rabaisser, me parler sans politesse, m’agonir de consignes, sans détruire mes amis. « C’est un thon », « je ne veux pas qu’il vienne à la maison sinon je lui casse la gueule », « elle est moche ». Pas un jour, sans quémander de l’argent, toi qui gagnais ta vie cinq fois plus que moi : « paie ». Tout était organisé à 50% -50%, pas de compte en commun. La prise en charge de la baby-sitteuse, de la femme de ménage, les courses me revenaient et celles de la gestion de la maison. J’ai compris plus tard que tu ne payais que sur facture pour garder des justificatifs de ce que par hasard tu déboursais. Et j’ai découvert des années plus tard, que tu voulais annihiler toute possibilité d’épargne chez moi, mieux, m’endetter.

J’étais décérébrée. Tu feignais l’indifférence pour me voir quémander des rapports sexuels, je suppose. Service minimum en masquant tout signe d’attirance, pour détruire le moindre signe de joie. Jamais de remise en cause, de demande d’excuses. Je répondais si possible en dissimulant ma tristesse, bien loin d’avoir tes dons. A l’intérieur, j’étais un torrent de larmes. Ton regard était vide. Tu avais confié à notre fils, cynique : « y a rien de pire que l’indifférence pour un être humain ! ». Je ne comprenais pas cette haine de moi, ce n’était pas dans mon caractère de te répondre. J’avais l’impression d’être entrée en résistance, d’être obligée de faire le gros dos pour survivre. De toute évidence, ton sadisme était d’une constance incroyable, tu étais vraiment sans pitié. Ton amie Laurence m’avait dit : « il est sadique. Comme son père. Le père courait après les minettes à la Mairie ». La seule chose qui te faisait reculer était l’idée de me perdre, cela faisait baisser un moment la tension. Et puis, il y avait la présence d’amis, qui te faisait changer. Les amis étaient une bonne protection pour moi. J’ai souvent repensé à ton ex, dont tu disais que tu ne l’aimais pas et que tu te disputais très souvent avec elle…. Elle-même m’avait confié combien ton égoïsme était maladif , la faisait souffrir et déclenchait des vagues de révoltes. Je comprenais comment tu provoquais si bien ces disputes avec elle pour mieux te victimiser ensuite. « Oh, c’est horrible toutes ces disputes ! Je n’en peux plus! Lydie devient folle»
Tu peignais le monde sous son angle le plus dégoûtant : des gens intéressés, qu’on pouvait tous acheter « pour pas grand chose », des cons partout, des directeurs tordus, des polytechniciens débiles que tu affublais de surnoms avilissants, une famille odieuse, une mère folle, un beau-frère idiot. Selon toi, nous étions « à ta charge », car tu ne reculais devant rien pour te grandir. Tu me faisais payer le quotidien, pendant que tu thésaurisais sur mon dos. Bien sûr, tu quêtais chez moi le trouble, les larmes, la crispation, le désespoir, tu t’en nourrissais et je ne l’ai pas compris tout de suite. Puisque j’avais trois enfants, je me suis concentrée sur eux, ca m’a aidée à tenir. Je me suis recroquevillée.
De temps en temps, je te suppliais de t’ouvrir et je revenais bredouille , incapable de me projeter avec toi qui semblait me détester pour des raisons que j’ignorais. J’avais bien compris que tu faisais allusion à ton passé : à ton père absent et indifférent lui- même, à ta mère en quête de domesticité. Pas un baiser spontané en 22 ans, pas de prise dans les bras. Quand par hasard, je laissais aller ma tête sur ton épaule au cinéma, tu me repoussais. Mais dans la rue, devant les voisins, tu me prenais pas la main. Le désert affectif pour moi qui suis une affective, quoi. Lentement, s’insinuait en moi l’idée d’un suicide. J’avais l’intuition que s’il m’arrivait une crise cardiaque, tu me laisserais mourir avant d’appeler les secours. Quand je tombais dans l’escalier, tu te déplaçais excédé : « T’as rien ! » .
Souvent, je me suis dit que tu étais un astre noir. Que si le diable existait sur terre, il avait ton visage. Que l’enfer avait les atours de la vie que tu nous faisais dans cette banlieue chic. Malgré une apparence de confort. La pourriture, le cloaque derrière le confort bourgeois. J’entendais les enfants dire « notre père est incapable d’aimer » et notre fille qui souffrait et notre fils qui disait tristement : « notre père détruit tout , même si c’est contre son intérêt », et notre autre fils qui disait : « si tu te sauves, ne te retourne jamais ». Je n’avais pas compris à quel point ils souffraient avec moi, de ta tyrannie, de ton indifférence, de ta violence, de tes hurlements, de ton besoin de rehausser à notre détriment à tous, de souligner discrètement nos faiblesses pour te faire reluire et paraître plus grand, toi qui a une si piètre opinion de toi. Je n’ai pas compris à quel point tu avais besoin de jouer ton film de patriarche, avec les enfants comme acteurs et madame en figurante. Cela te donnait le rôle que tu n’avais jamais eu. Jamais aucune confidence sur toi, sur ce que tu ressentais et qui nous aurait permis d’échanger. Le vide intersidéral de la personnalité. La simulation des émotions. Les rictus de temps en temps. L’appareil photo prêt à l’emploi lorsque je pleurais.

Un supérieur n’échange pas avec ses subordonnés. « Homme vraiment très bien, sans vouloir me vanter » avait tu écris sur meetic pour te présenter. J’étais désespérée car j’avais toujours pensé que je pouvais te réparer. J’avais vu au fond de toi un petit enfant apeuré qui faisait tout ça pour se faire aimer pour coller à une image parfaite qu’il voulait donner de lui à l’extérieur. Une image de superman alors qu’il était bien loin d’être un superman ! Et tu le savais puisque tu te servais de mes sentiments pour me maintenir en place. Je ne comprenais pas pourquoi tu t’acharnais à me détruire, puisque je t’aimais. Je me taisais. La moindre trace d’affection de ta part m’aurait tiré des larmes, mais il n’y avait que le désert affectif. Nous nous nous étions transformés en agences de voyages pour passer le temps. Il n’y avait plus trace d’oxygène depuis longtemps. Toute vie était partie dans ton univers glacial. Tu régnais sur nous tous , écrasant nos rêves, nos envies, nos joies, nos tristesses, faisant la chasse à la moindre trace de sourire, riant de façon sardonique, pleurant avec des larmes de pacotille pour nous impressionner, faisant croire à tes enfants qu’ils devaient être parfaits. « Parle plus fort, j’entends plus rien… » simulais-tu en faisant signe de surdité. Nous étions des pions à ta disposition. « Ca c’est mon fauteuil ».« Maintenant que t’as fait ton job …tu sers plus à rien » m’as-tu dit un jour…« Tu n’es rien pour moi et les enfants non plus, ne leur dis pas ». « J’ai plus envie de me faire chier ». La grossièreté au service de la perversion.
Aujourd’hui, bien évidemment, tu me susurres au téléphone que si tu as été si méchant avec moi, c’est que je suis coupable. Coupable de ne pas t’avoir aimé à ta juste mesure…Coupable de ne pas avoir apprécié le saigneur qui dormait en toi, de ne pas avoir reconnu mon maître, ce tyran domestique qui a besoin de haïr pour exister.

Tu es inversé. Là où les gens normaux s’intéressent aux autres, tu ne t’intéresses qu’à toi et à tes propres intérêts.
Ta maladie a fait énormément de dégâts autour de toi. Elle a permis de détruire insidieusement le cœur de nos enfants, de me pousser vers le suicide, tout cela sans laisser de trace.

Même lorsque tu me téléphones aujourd’hui, tu continues de me raccrocher au nez, de me couper la parole pour ne pas m’écouter, de jouer à cache- cache pour ne pas discuter. Toute remise en cause t’est impossible. L’important chez toi est toujours d’avoir le dessus, de dominer, de cacher tes failles pour écraser. De m’assécher de se servir de l’argent dans un incessant rapport de force, de m’intimider en privé. « Je veux pas faire mon De Ligonnès, mais… Je te ruinerai, tu veux la guerre, tu auras la guerre» .Le tout sans témoin pour ne pas que ça se voit. Tu n’as rien compris à la vie Henri. Tu es mort à toi-même et mort au monde. Tu as refusé toute émotion de crainte de laisser apparaître ta très grande fragilité. J’ai au fond de moi la même fragilité, mais j’ai choisi de m’ouvrir aux autres. Tu n’as rien vécu. Tu n’as pas vu la beauté des êtres qui t’entouraient, celle des amis, des enfants, de tous les êtres humains, la beauté des sentiments qui te transcendent. Tu n’as pas été heureux. « Les pervers ne cherchent pas le bonheur, ils s’en foutent » indiquent les psychiatres. Pourtant, le bonheur était sur le chemin. Tu n’as rien vu car tu es mal construit. Je ne peux rien faire pour toi. Tu joues un rôle, tu n’as pas de sentiments.

Lorsque je t’ai quitté, tu as trouvé en une semaine une nouvelle victime, qui s’est à son tour sauvée.

Tu es comme un enfant autoritaire, devant lequel tout aurait ployé depuis qu’il est né. Pauvre tyran qui a fait le vide, autour de lui et qui projette son mal-être sur les autres en les croyant détestables à l’image de ce qu’il est. Tu auras traversé la vie sans rien donner de toi, de peur d’avoir mal, de laisser sortir ton immense souffrance. Je ne peux rien faire pour toi.

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