COUPÉ EN DEUX – TÉMOIGNAGE

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Il y a deux jours, je postais cet article : « COUPÉ EN DEUX« .
Le sujet de cet article est la déchirure, le conflit interne, la lente destruction mentale, que vit un enfant emporté dans la tourmente d’un conflit entre ses deux parents – un parent manipulateur et un parent victime. Conflit dont il devient l’objet sans le vouloir et sans pouvoir s’y opposer.
Certains enfants tombent alors dans un piège encore plus fort : le SAP, notion fortement contestée (comme le montre cet article de décembre 2012 publié sur Mediapart) mais bien réelle, quelle que soit le nom qu’on lui donne.

Suite à l’article « Coupé en deux », plusieurs commentaires, sur le blog ou par mail, dont celui ci-dessous.

Et qui confirme la nécessité de protéger les victimes, et les enfants. Car, SAP, ou nom qu’on veut lui donner, ils n’en sortent jamais indemnes.

Remarquable description du conflit de loyauté (dans le meilleur des cas), pouvant trop facilement mener au SAP – malheureusement – lorsqu’un des parent est PN.

J’ai eu la chance immense de tomber sur une JAF qui partageait cette intelligence avec Salomon. Elle a très vite compris où était l’intérêt des enfants.
Depuis, je ne dis pas que la vie est cependant facile. Malgré le SAP développé par ma fille, je crois encore qu’elle s’en sortira. En tout cas la fratrie l’aidera lorsqu’elle sortira de l’emprise et réalisera le gouffre où elle se débat aujourd’hui. C’est mon énergie qui s’investit dans ce combat aux accents amers et frustrants. Ses frères sont horrifiés autant par les nombreuses attitudes et leurs suites que par le fait qu’elle utilise la boîte à outils de sa mère, de leur mère.
Je crois que dans leur liberté, ils gardent toute latitude et se forment peu à peu leur propre jugement. C’est là que se trouve leur issue. Le chemin de la liberté passe par leur rapport à la responsabilité. En plein SAP, ma fille rejette toute responsabilité. Je pense que ce critère est essentiel, car en refusant d’assumer quoi que ce soit elle joue le jeu du parent PN, telle une munition dans l’arme du prédateur impuissant et morbide.

COUPÉ EN DEUX

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Voyant deux femmes se battre et se déchirer un enfant, le Roi Salomon mit un terme à cette querelle en proposant de couper l’enfant en deux. L’une des deux accepta, lorsque l’autre refusa, préférant abandonner son bébé que le voir mourir.

Le PN est comparable à cette femme qui coûte que coûte voulait l’enfant, quitte à n’en avoir qu’une moitié, quitte à ce qu’il meure. Son intérêt n’est pas l’enfant. Son intérêt est de posséder ce que l’autre n’a pas, ce qu’il jalouse, ce qu’il considère lui revenir de droit. Il fait passer l’intégrité physique et morale de l’enfant au second, pour ne pas dire au dernier, plan. Sa seule obsession : avoir, pour empêcher l’autre d’avoir.

Dans les cas de séparation d’avec un PN, les conjoints, victimes, se retrouvent parfois dans cette situation. Pas tous – certains mènent un combat pour sortir des griffes du vampire leur progéniture, et le combat est rude – mais il arrive que trop écrasées par le Pn, trop affaiblies ou apeurées, elles préfèrent laisser leurs enfants au bourreau, pensant qu’ainsi eux au moins seront protégés.
C’est un choix légitime et qu’il ne faut ni blâmer, ni critiquer, ni contester.
Le pervers narcissique a su tendre tant de pièges et a tellement amenuisé les forces de sa victime qu’elle ne peut plus réfléchir, elle ne peut plus savoir ce qui est bien, de ce qui ne l’est pas, voir de ce qui est dangereux.

Ainsi, certains enfants se retrouvent chahutés entre un père et une mère, l’un des deux étant prêt à tout pour avoir leur garde, quel que soit les coups à donner.

Plaçons-nous maintenant du côté de l’enfant.
Il sait au fond de lui qu’il est la source de pressions, de chantages, de violences. Il porte ce poids. Il s’en sent responsable, et ce sentiment est dû à l’amour naturel qu’il porte à chacun de ses parents. Il ne veut blesser ni l’un ni l’autre. Il n’est pas assez solide ni assez construit pour arriver à se protéger. Et la protection normale que les parents doivent apporter à leurs enfants, il ne la reçoit plus.

Il va alors entrer dans un schéma paradoxal. Il va vouloir se protéger et protéger dans le même temps ses deux parents. Ce qu’il va vivre chez l’un, il le taira chez l’autre, non pour faire des secrets, mais en pensant éviter à ses parents des souffrances supplémentaires. Il va apprendre à se taire. Ce n’est pas une volonté de dissimulation, c’est une nécessité de se créer une bulle qu’il pense infaillible, dans laquelle ses parents n’entrent pas et à l’intérieur de laquelle rien ne pourrait l’atteindre.

Or, et particulièrement lorsqu’un des ex conjoints est PN, la communication est totalement rompue entre les deux parents. Il devient impossible de savoir ce qui est décidé, choisi, voulu, pour les enfants. Le parent déjà victime se retrouve à découvrir, mais une fois que la chose est faite, un déménagement, un changement d’école, une activité extra-scolaire, un choix de médecin, une destination de vacances… Il lui reste alors soit à se soumettre, soit à se battre si la décision prise ne lui convient pas. Spontanément, il va demander à son enfant de l’informer, parfois va lui reprocher de ne pas l’avoir fait. Il transforme alors l’enfant en porteur de messages, ce qui n’est pas son rôle et lui crée une charge supplémentaire à affronter.
Pire encore, ce peut être le PN qui dira à son enfant de faire passer les messages, lui laissant entendre que, d’une part, toute communication est impossible avec l’autre parent qualifié d' »obtus », de « borné », de « destructeur ». D’autre part, le parent qui recevra de cette manière un message devra contenir sa colère devant son enfant, qui n’a pas à la supporter – colère que le Pn espère car elle justifie ses propos accusateurs de folie ou d’hystérie.

Au milieu de cela, quel modèle reçoit l’enfant ? Comment se construit-il ? Quelle confiance peut-il avoir en lui, et en ses parents ? Quel sens prennent les mots « vérité », « mensonge », « adulte », « communication » à ses yeux ?
L’enfant, enjeu d’une séparation, en devient également la première victime.

Voir aussi : le déni parental, et la parentalisation de l’enfant.

©Anne-Laure Buffet