CE QUI COMPTE N’EST PAS L’ÉTIQUETTE

Dites-moi, c’est bien un PN ? 

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C’est une question qui revient souvent en consultation. Que ce soit par mail, par téléphone, ou en rendez-vous, je reçois les demandes de personnes affaiblies, fatiguées, usées, apeurées, cherchant à comprendre, cherchant à répondre au « Pourquoi ? », cherchant surtout à savoir ce qu’elles doivent faire. Rester, se battre, argumenter, se justifier, partir, fuir, comme entendu ou dit souvent.

Ces personnes connaissent la réponse. Elles sont dans l’attente d’une confirmation, d’un appui, qui leur permettrait de mettre en action ce qu’elles veulent sans oser le faire, par crainte de passer pour lâche, pour égoïste, pour pleurnichard. Par honte de ce qu’elles ont vécu et enduré.

Ce qu’elles attendent tout autant est la confirmation que « l’autre » est un(e) manipulateur pervers narcissique. 

J’admire mes confrères capables d’affirmer après une heure ou deux de consultation que « oui, en effet, il (elle) est PN ». J’admire avec cependant une pointe de méfiance. Comment juger, diagnostiquer si le diagnostic est possible, une personne qui n’est pas face à nous, et dont nous ne savons que ce qui nous est rapporté ? Il faut à mon sens bien plus d’un seul entretien pour pouvoir commencer à reconnaître et affirmer, à 99%, qu’il y a bien perversité narcissique.

La personne qui attend cette réponse n’est pas capable de livrer en quelques minutes tous les éléments de sa vie. Le récit en est souvent trop long. Elle hésite. Elle tremble. Combien de mouchoirs en papier seront nécessaires pour essuyer les larmes qui se mettent à couler ? Combien de silences, de tremblements, de bégaiements, de mèches de cheveux tournées par des doigts fébriles,   de phalanges qui blanchissent en se crispant, vont-ils ponctuer cet entretien ? Combien de fois vais-je entendre : « Vous ne pouvez pas comprendre… je n’ose pas vous le dire … j’ai tellement honte… je m’en veux… »

Si je suis en mesure d’évaluer combien une personne se retrouve détruite et démunie, combien sa vie est semblable à une terre brûlée après le passage d’Attila, combien – ce qui terrible et pathétique par ailleurs – certaines histoires se ressemblent, menant, toutes, à un état de profond traumatisme, d’anxiété, d’handicap, d’isolement ; si, de même, je suis en mesure d’accompagner cette personne dans sa reconstruction, il me faut plus d’un rendez-vous pour pouvoir m’avancer vraiment et dire : « C’est un(e) MPN ».

On peut facilement repérer des comportements manipulateurs. Des comportements pathologiques. On le repère à ce qui est rapporté. On constate surtout un état. Celui de la personne qui y a été ou y est encore confrontée.

Au-delà de ça revient la question : « Je dois vraiment le (la) quitter ? C’est vraiment un(e) PN ? »
C’est alors sur le comportement au quotidien de « l’autre », sur les mois, les années passées, que je fais réfléchir. Est-il absolument indispensable de le (la) qualifier ? Est-ce une personne (si l’on peut les considérer comme des personnes à part entière) que l’on va quitter ou dont on est séparé(e), ou est-ce un mode de fonctionnement destructeur ? Est-ce pour se mettre à réagir contre « l’autre » ou pour commencer à vivre POUR SOI, en adoptant un nouveau fonctionnement qui lui sera dans la construction et la réalisation d’objectifs ?
Tout comme j’amène celles et ceux qui me consultent à ne plus se regarder comme victime, mais comme ayant été victime, aujourd’hui combattant(e) pour reprendre le cours de sa vie  sans ces entraves destructrices, je les amène à ne pas vouloir systématiquement « étiqueter » l’autre, mais à repérer un comportement destructeur. À repérer également dans leurs comportements ce qui a autorisé ou permis la mise en place de cette relation toxique.

L’objectif est de pouvoir partir, ou d’accepter cette séparation, mais aussi de se préparer, de se reconstruire et de se solidifier pour ne pas retomber dans le piège de ces comportements toxiques.

Et là, la question de savoir s’il (elle) est vraiment PN devient secondaire.

@Anne-Laure Buffet

17 réflexions sur “CE QUI COMPTE N’EST PAS L’ÉTIQUETTE

  1. Pingback: J’AI COMPRIS QUE JE NE VEUX PAS ME SUPPRIMER | ASSOCIATION CVP - Contre la Violence Psychologique

  2. Comment procède t on pour differencier le soi de l’image de soi que l’autre a fait naitre? je suis desolée, j’ai vraiment l’impression d’être idiote, les temoignages montrent plus de comprehension de leur situation……

  3. peut-être est ce encore trop récent ? il faut beaucoup de temps pour arriver à penser et vivre comme s’il n’existe plus, même pas un petit peu, je dis bien PLUS DU TOUT.
    Il est normal de passer par des périodes « noires » , parce que nous sommes normales et capables de sentiments . Rassurez-vous, ça va guérir peu à peu. Ayez confiance en vos enfants, ils vous le rendront mille fois.
    Courage

  4. comment reprend t on le cours de sa vie sans les entraves destructrices alors que « l’autre » met en place tout ce qu’il peut pour entraver votre vie, que ce soit directement « contre » vous ou par le biais des enfants? (une fois séparé j,entends)
    Comment arrive t on a reprendre confiance, a arreter de douter, a connaitre ce qui est normal de ce qui ne l’est pas, ce qui est de notre responsabilité et ce qui ne l’est pas?
    Pour ma part, je n’avance pas….

  5. L’aide d’un psy doit amener à prendre la décision ; mais aussi à l’accompagner. A assurer que des protections et des défenses se mettent en place pour éviter un schéma de répétition. Il ne s’agit pas que de psychanalyse permettant de comprendre ce qui a autorisé la mise en place de cette relation d’emprise. Il s’agit aussi d’agir dans l’accompagnement en assurant une présence et une réactivité pour permettre à celui ou celle qui a été victime de se retrouver et de reprendre confiance… entre autres

  6. @isabelle millou
    aucune personne au monde ne peut vivre à notre place, la décision d’en sortir n’appartient qu’à nous seule, l’aide d’un psy doit nous amener à cette décision.
    Vous avez raison, on est toujours seule, armée ou désarmée, il faut choisir.
    Et nous avons besoin d’armes, c’est un vrai combat.

  7. Isalou, au sein de CVP nous n’effectuons pas ce genre de suivi, comme vous dites. Nous sommes dans l’action, la reconstruction, la projection dans le futur. C’est une démarche active, dans laquelle nous nous engageons aux côtés de ceux qui nous font confiance.
    Et l’accompagnement, le suivi, ne se limite pas aux heures de rendez-vous.
    Nous sommes disponibles. Particulièrement au début du suivi. Il est douloureux de briser ce que des années ou des mois de manipulation ont instauré. Alors nous sommes là, si besoin, pour accompagner et aider à se relever en cas de chute.
    Anne-Laure Buffet

  8. Pas de haine,mais beaucoup de regrets de ne pas avoir su réagir plus tôt, avant l’intolérable . PN ou pas PN, on s’en fout, l’important, c’est la réalité de ce qu’on a vécu ou de ce qu’on est en train de vivre . C’est très douloureux de l’exprimer, même des années plus tard . Les consultations, quand on a enfin le courage, de s’y résigner, ce n’est que « cautère sur jambe de bois », les psy vous écoutent avec bienveillance, et empathie, puis ramassent le montant de leur performance médicale, et après, on se retrouve seul(e), dans la rue, en proie à nos pensées, et nos chagrins, non résolus . Alors, ce genre de suivi, bonjour, avec en prime des anti-dépresseurs, entre autres,, pour aider à gérer la situation, on est bien soutenu …Nous sommes vraiment bien peu de chose …
    ISALOU

  9. je vois plutôt des témoignages de personnes désespérées, peut-être n’avons nous pas les mêmes lunettes…

  10. Palissa, je retiens entre autres ceci de votre commentaire : C’est pour ça que je l’appelle aujourd’hui « bourreau », car c’est juste ce qu’il est. Et même ça je trouve que c’est encore trop pour lui, car finalement aujourd’hui il est presque désincarné pour moi.
    Il n’est encore dans ma vie que parce que nous avons encore un fils en commun et des biens matériels qu’il me confisque.
    J’ai été sous son emprise, j’ai été empoisonnée par lui… Aujourd’hui j’ai repris ma vie en main. Comme je ne suis plus une victime, il n’est plus mon bourreau, c’est pour ça que pour moi, il n’est plus rien, si ce n’est une tâche nauséabonde dans ma vie passée.

    Merci
    Et bravo à vous

  11. Lorsque je me suis mise à fouiner sur le Net pour mettre un nom sur mon bourreau, j’ai réalisé que ce qui m’a le plus aidée ce n’était tant lire ce que je trouvais à propos de lui, mais ce que je trouvais à lire à propos de moi. C’était mettre un nom sur ma posture de victime plutôt que sur la sienne de bourreau. Me rendre compte que je n’étais pas une demeurée, une naïve, une crétine, une minable comme il me l’a laissé entendre depuis toutes ces années, mais juste un jouet entre ses mains.
    C’est pour ça que je l’appelle aujourd’hui « bourreau », car c’est juste ce qu’il est. Et même ça je trouve que c’est encore trop pour lui, car finalement aujourd’hui il est presque désincarné pour moi.
    Il n’est encore dans ma vie que parce que nous avons encore un fils en commun et des biens matériels qu’il me confisque.
    J’ai été sous son emprise, j’ai été empoisonnée par lui… Aujourd’hui j’ai repris ma vie en main. Comme je ne suis plus une victime, il n’est plus mon bourreau, c’est pour ça que pour moi, il n’est plus rien, si ce n’est une tâche nauséabonde dans ma vie passée.
    Comme un microbe qui m’aurait affaiblie durant 10 ans, je me guéris en le chassant de mon corps, de mon cœur, de mon âme. Et quand je serai à nouveau vaillante, je pourrais reprendre ma vie là où je l’avais laissée.
    Certes il aura causé des dégâts, pour certains hélas irréparables, mais c’est ce que souvent la vie nous fait, non ? Qui avance sans casse ? Sans souffrance ? Sans échec aucun ?
    Finalement lui donner un nom ou un qualificatif, ce serait lui faire trop d’honneur.

  12. bonjour,
    idem, il a fallut des années avant que je me rende au CMP , et enfin j’ai rencontré un service où il me semble que, pour une fois, rien ne les étonne dans ce que je raconte.
    Le médecin psychiatre que j’y ai rencontré est vraiment un pro de la victimologie.
    Je peux enfin décrire tous mes maux et y mettre un nom.
    Quand je luis dis, je dors très peu, cauchemars, douleurs, violence étouffée, il me répond : je sais, c’est normal.
    Que dire de plus ?

  13. je suis d’accord avec vous..le récit de ce que vous vivez au quotidien permet de déceler si le comportement de votre conjoint est toxique ou pas..mais en ce qui me concerne, quand j’ai vu le médecin parce que ma fiile avait des troubles du sommeil, et que je lui ai raconté ce que je vivais tous les jours, ce médecin m’a dit tout de suite sans avoir plusieurs entretiens; »vous avez épousé un pervers » et m’a orienté tout de suite vers un psychothérapeute victimologue..ce victimologue m’a dit la même chose; « fuyez vite … » car j’avais mentionné que mon conjoint avait pris un couteau de cuisine et avait lascéré tous les tableaux de peinture que j’aimais bien..il s’était mis dans une colère noire parce que j’étais jalouse..c’est vrai que je l’étais..mais c’est pas une raison pour prendre un couteau..son comportement m’avait interpelé mais comme je l’aimais je lui avais donné une excuse..et puis je me suis même dit que j’étais la cause de son emportement..je me suis culpabilisée..

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