Sa fille avait 18 mois quand elle s’est séparé de son père fin 1998. N’étant pas mariés, et pensant que la séparation se passerait bien, Patricia décide d’un accord mutuel pour les droits de visite. « Au début, tout se passait bien. Ma fille vivait avec moi, son père la voyait ». Et puis le père a entamé une procédure devant le juge aux affaires familiales pour formaliser le droit de visite et d’hébergement. Face à l’état d’esprit « procédurier », Patricia a réclamé une pension alimentaire. L’étape suivante a été la demande du père de faire adjoindre son nom de famille à l’identité de sa fille. Puis, parti vivre à Rouen, il a demandé une garde alternée. Ces dernières demandes ont été refusées par la justice. « Il a cherché à manipuler son monde, adressé une lettre anonyme aux services sociaux pour dénoncer une maltraitance psychologique que je faisais vivre à ma fille ! Ce qui me dérangeait le plus, c’est que je savais que sa compagne du moment avait pris ma fille sous son aile, comme si c’était la sienne. Quand ma fille était en week-end là bas, elle lui montait la tête. Elle lui disait que j’étais une mauvaise mère. »
À l’été 2010, Marie part normalement chez son père, qui a entre temps emménagé près de Lille avec sa compagne. « Ma fille n’est jamais rentrée. Non seulement je ne l’avais pas vu venir, mais je me suis également rendue compte, a posteriori, que c’était prémédité. Ma fille avait pris tout son argent de poche, on n’avait pas parlé, contrairement aux autres années, des professeurs qu’elle aurait à la rentrée… Alors en faisant le film à l’envers, j’en ai déduit que tout avait été prévu à peu près depuis les vacances de Pâques précédentes. »
Faire appel à la gendarmerie, Patricia l’a évidemment envisagé. Mais ces derniers ne pouvaient « rien faire » ; Marie menaçait de se suicider, selon les déclarations du père, si elle était amenée à revenir vivre avec sa mère. Plus de nouvelles. Jusqu’à ce que le père de Marie demande à la justice d’établir sa résidence chez lui, à Lille. Marie a alors 13 ans, et son avis compte. Patricia Coradel ne pouvait rien faire. « Je n’ai pas voulu faire de forcing, je me suis dit que ma fille se rendrait compte de son erreur et allait revenir toute seule. Au téléphone, j’avais droit à des « je ne veux pas te parler ». Après, les liens ont été véritablement rompus. Plus rien, on n’a plus eu aucune communication. »
Ce n’est finalement qu’en janvier dernier, donc, que Patricia obtient le droit de voir sa fille dans les conditions décrites plus haut. « Différents sujets étaient bannis, je ne pouvais pas parler du décès de son grand-père, mon père, survenu peu avant… Une distance de sécurité de 4 m, et un quart d’heure seulement. C’est son père qui avait réclamé ça. Finalement, elle m’a parlé elle-même de son grand-père, et on est resté ensemble une demi-heure. » Arrivée au centre spécialisé, Patricia a trouvé « des psychologues contre moi, elles avaient seulement la version du père. On m’a même dit, une fois : « Vous savez, votre fille, elle est très bien, sa belle-mère aussi, il n’y a pas vraiment de raisons qu’elle revienne ». J’ai donc fait un courrier à la juge pour expliquer que je n’appréciais pas une telle attitude. Maintenant, c’est une nouvelle équipe, plus professionnelle, plus neutre. L’intérêt n’est pas de prendre parti pour l’un ou l’autre. Dans tous les cas où les enfants deviennent l’enjeu d’une séparation qui se passe mal, c’est l’enfant et l’enfant seul qui doit être pris en compte. Lors du deuxième rendez-vous (en juin, ndlr), Marie est arrivée souriante. J’ai évoqué quelques souvenirs communs, ça n’avait pas l’air de lui déplaire. »
Et le comble, c’est que Patricia est persuadée que sa fille ne vit même pas avec son père, mais chez sa belle-mère. En refaisant l’histoire du père de Marie, bien avant qu’elle ne le rencontre, Patricia a trouvé des éléments qui tendraient à prouver sa capacité à abandonner ses propres enfants à d’autres. Mais aujourd’hui, Patricia, qui cherche à faire entendre aussi le fait que dans l’exclusion parentale, il n’y a pas que les hommes qui soient concernés, a senti que quelque chose avait changé en voyant sa fille il y a quelques semaines. « C’est vrai, ça c’est mieux passé. Mais on m’a quand même volé une partie de ma vie, on m’a volé l’amour de ma fille, on m’a volé trois ans. Notre relation est un peu fichue quelque part, je ne pourrai jamais retrouver de lien véritable avec ma fille car il y aura toujours cette cassure, irrattrapable. Maintenant, tout repose sur elle. Mais quelque part, elle a été bien trop manipulée pour avoir une vision claire. » Pendant trois ans, Patricia avait un objectif : revoir sa fille. Elle y est parvenue, mais quelque chose s’est envolé en même temps.
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