UN PRIX FÉMININ, POÉTIQUE ET ENGAGÉ : LE PRIX A.RIBOT

Le 11 juin prochain, au marché de la Poésie, place St Sulpice (75006 Paris), sera remis à 17h le 2eme prix A.Ribot. Anne-Laure Buffet présidera le jury qui décerne ce prix.
C’est non seulement en tant que femme, mais aussi en tant que présidente de l’association CVP, qu’elle préside et participe avec passion à ce prix.

13256011_10154188593449932_3390308326947404561_n

Il sera remis cette année exclusivement à des femmes qui, toutes, au travers de leurs oeuvres mais également dans leurs actions militantes, humaines, quotidiennes, ont entrepris de lutter contre le sexisme, contre les discriminations, contre les injustices, contre la violence latente et nourrie par une société bien peu consciente de ses valeurs.
Quatre femmes qui usent avec passion de leurs talents pour porter des messages, pour être des voix, pour s’opposer, pour ramener aussi, là où il le faut, et quand il le faut, de la tendresse, de la douceur, de la poésie.
Alors que l’actualité, chaque jour, nous rappelle la violence sourde qu’est le harcèlement, la violence encore plus sourde qui s’enferme dans des huis-clos familiaux, la nécessité de réveiller encore et toujours des esprits étriqués, enfermés dans des principes datant d’autres siècles, ce prix est une ouverture tant sur le plaisir des belles lettres et des beaux arts, que sur la triste réalité du quotidien.
C’est pour ces diverses raisons qu’Anne-Laure Buffet a encouragé et accepté de présider ce deuxième prix A.Ribot.

« La poésie est une arme chargée de futur. » (« La poesia es un arma cargada de futuro »), titre d’un poème de Gabriel Celaya

Ces quatre femmes – artistes sont :

Claudine Bertrand : Poète, essayiste et pédagogue, née à Montréal, Claudine Bertrand a publié  une œuvre importante doublée d’une forte activité éditoriale – Femme engagée, marquée par la pensée féministe et humaniste, elle est considérée comme l’une des ambassadrices de la poésie à l’étranger. Son écriture voyageuse nous mène sur plusieurs continents, cherchant à s’ancrer dans un univers lumineux.

Extrait de MEMORY
elle 
assise par terre
à l’orientale
très asiatique comme toujours

une pièce rose
un miroir
une musique en cage

après elle lira un roman allongée de très loin

la folie de l’inceste
quelque chose que
je n’avais
jamais vu dans la langue

Cécile A.Holdban : Après avoir grandi en France, elle décide à l’adolescence, de rejoindre, en Bavière, un internat dédié aux enfants de la diaspora hongroise. Elle entreprend des études de paysagiste, s’essaie aux Beaux-Arts, avant de suivre, pendant quatre ans, des études de linguistique (hongrois, finlandais et quechua) à l’École des langues orientales. En 2016, paraît son troisième recueil, Poèmes d’après suivi de La Route du sel (Arfuyen) : « Une voix parle, singulière, étrange même, mais c’est limpide, sans artifice, sans bavure. […]Avec ce livre une nouvelle voix est née dans la grande galaxie des Edith Södergran, Kathleen Raine, Karin Boye, Janet Frame, Sylvia Plath, Pierre-Albert Jourdan, Loránd Gáspár et Sándor Weöres. » Elle a également traduit un choix de poèmes d’Attila József (Le mendiant de la beauté)

Mère, j’ai quitté les ténèbres de ton ventre
pour les fruits et le sucre de l’été
le soleil blanc, long comme le fleuve de nos ancêtres, coulait.
Je n’eus pas à apprendre le sourire, qu’inscrivit sur moi
l’éblouissement du jour.
Dans le jardin, les pins tendaient leurs aiguilles
comme de minuscules ennemis
que sans cesse il fallait repousser
pour ne pas qu’ils pénètrent dans le royaume lumineux
de mes yeux et de ma bouche.
Les paons du jour et les piérides protecteurs
voletaient dans les rayons :
alors les aiguilles retournaient à la nuit des arbres.

Valérie Rouzeau : Valérie Rouzeau est une poétesse extrêmement reconnue dans le monde des lettres, depuis le bouleversant Pas revoir, qui est l’un des livres les plus justes écrits sur l’expérience du deuil. Rouzeau dit (et, en le disant, implicitement le blâme) ce monde qui étouffe les individualités pour les clouer à l’impératif du paraître, duquel nous ne pouvons sortir qu’en étant aussitôt déconsidérés par nossemblables. Valérie Rouzeau s’inscrit dans le présent le plus présent, dans le quotidien le plus quotidien, composant des sonnets qui sont des instantanés de trajets, de rendez-vous…, d’événements infimes qui font toute la circulation du sang d’une journée…, et qui, en tant qu’instantanés, se veulent le plus justement possible proches de ce dont ils parlent.

Orpheline Innombrable Orpheline.
J’ai sept ans Je me sens Comme petite vieille en fleur.
De quoi les rêves sont-ils faits
Quelqu’un m’a-t-il jamais aimée.

Sapho : Sapho est née à Marrakech. Issue d’une famille juive, elle passe son enfance et son adolescence dans ce pays jusqu’à l’âge de 16 ans, date de la décolonisation du Maroc. Avec ses parents, elle part pour la France. Militante depuis maintenant de nombreuses années pour le rapprochement israélo-palestinien, Sapho se produit en mars 98 à Gaza, territoire palestinien occupé par Israël. La situation est tendue et les conditions dans lesquelles se déroule le spectacle sont difficiles. Pourtant la chanteuse est déterminée. Le succès qu’elle rencontre à cette occasion, ne fait que confirmer ses sentiments et ses opinions.

La page tentante
Le silence
Le temps blanc

S’abstenir ?

Non
Aucun homme ne s’abstient

Un prix spécial sera remis à la maison d’édition Janus et à ses deux éditrices, Luce et Eléonore James, pour un recueil – collectif  : « Dehors, recueil sans abri », conçu à l’intention et au profit d’une association humanitaire d’aide aux sans abri.

Capture d’écran 2016-05-15 à 16.54.22

ET QUAND L’AUTRE PARAÎT…

422661_238628236226312_1194536488_n

… Il est souvent trop tard.

Il n’est pas question ici de philosopher. Qui est l’autre ? Qui est mon autre ? Qui est cet autre, derrière l’autre…? Le sujet n’est pas là.

Concentrons-nous sur la personnalité manipulatrice. Telle Janus, elle a deux faces, ou deux visages. Celui qu’elle montre, et celui qu’elle dissimule. Celui que l’on est à même de voir, mieux encore de percevoir, et celui qui n’est que façade. Celui que l’on aime, et celui qui détruit.

La personnalité manipulatrice, toxique, n’exhibe que l’un des deux. L’affable, le séduisant, le charmeur, le tendre, le compréhensif. À l’écoute, et prêt à recevoir vos confidences. Toutes vos confidences. Pour mieux vous connaître. Pour mieux s’en nourrir. Pour ls transformer à volonté quand il en aura l’utilité. Pour inverser vos propos, en modifiant parfois simplement une virgule. Si l’on s’amuse, parfois, des jeux grammaticaux sur l’emplacement des virgules, et sur le sens des phrases, la personnalité toxique manipule les phrases et les tournures de style comme un acrobate de haut vol. Et Vol est bien adapté : il vous vole vos pensées sans que vous puissiez vous en rendre compte, il les aspire, les broie, et vous les renvoie, en vous accablant.

La personnalité toxique ne le fait pas tout de suite… Nombreuses sont les victimes qui disent – hurlent – Quelle idiote j’ai été ! Quel imbécile je fais ! Je suis faible, je suis nulle, j’aurais pu m’en rendre compte. À cela il ne m’est possible de leur apporter qu’une seule réponse : non.

Non, vous ne pouviez ni le voir ni le deviner. Non, vous n’êtes ni nul, ni faible, ni stupide, ni malade. Vous avez été séduit par l’essence même de cet individu qui aujourd’hui vous détruit, peu ou prou. Par son charme. Par sa séduction. Par cette générosité dont il s’est emparé, pour mieux vous convaincre qu’il était là, pour vous, uniquement pour vous. Parce que ce que vous êtes, même si vous l’oubliez, il en a un besoin vital. Il lui faut le posséder pour exister. Et uen fois qu’il le possède, il lui faut vous détruire, pour vous punir d’avoir existé.
C’est le cheminement trop classique, effroyablement classique, de l’emprise.

Et cette même personnalité qui reste si charmante, si agréable, si sympathique aux yeux de tous… Vous en cessez de vous remettre en cause face à cette ambivalence. Pourquoi ne serait-il (elle) monstrueux qu’avec vous ? S’il se comporte ainsi, c’est bien que vous l’avez cherché. Que vous le méritez. Chaque jour on vous le dit : « Ton mari est un homme bien, tu as de la chance. Ta femme est merveilleuse, c’est une mère parfaite… Tu exagères sans doute, tu es fatigué(e) en ce moment… »

Oui, vous êtes fatigué(e).
D’essayer de comprendre. D’essayer d’être à la hauteur de ses attentes, que vous ne comprenez pas. D’essuyer échecs et déceptions, reproches et mises à l’écart. Vous vous fatiguez, pourtant l’autre, lui, ne change pas. Il, elle, demeure le même aux yeux de tous.
Vous vous épuisez.
Si « tous » pensent la même chose, c’est que vous avez tort.
Pourtant, vous le sentez, ce visage inconnu de « tous ». Ce visage que vous en cherchez plus à décrire de peur que l’on vous rit au nez ou que l’on vous fuit. De peur de passer pour malade… vous l’entendez suffisamment ainsi. De peur, tout simplement. De cette peur à laquelle on est conduit lorsque la réalité, l’absolue réalité, nous échappe.

Alors, qui est cet autre ? Celui (celle) qui dissimule ses traits et ne les affiche que pour vous, ou celui (celle), écrasé(e) au fond de vous, rendu(e) muet et seul(e) face à sa culpabilité et ses souffrances ?

 

©Anne-Laure Buffet