– Avec toutes ces sautes d’humeur, il est forcément bipolaire…
– Il est … quoi ?
– Bipolaire. Maniaco-dépressif, si tu préfères. C’est pareil.
– Ah bon, t’es sûr ?
– Ben oui, si je te le dis…
– Et elle, elle est quoi ?
– Maniaco-dépressive.
– Ah. Donc, bipolaire ?
– Oui, à quelque chose près…
– Je croyais que c’était pareil ?
– C’est pareil. À quelque chose près…
La vulgarisation de termes médicaux désignant certaines pathologies autorise, outre leur connaissance et une meilleure approche de chaque trouble, une généralisation qui va de pair avec le droit que certains néophytes s’accordent de juger ou de qualifier leurs proches – et moins proches.
Or, seuls des professionnels sont en droit et en mesure de déterminer l’existence d’une pathologie chez un individu, et de la qualifier.
De plus, l’utilisation trop facile de certains termes entraîne des confusions. Ainsi, comme l’écrit Sarah Chiche, « On lit souvent que le trouble bipolaire est la nouvelle manière de nommer la psychose maniaco-dépressive (PMD). Pourtant, la notion de « trouble bipolaire a complètement évacué l’apport psychanalytique sur la compréhension de la manie et de la mélancolie. La psychanalyse relit la théorie de l’humeur sous l’angle libidinal et pulsionnel. »
La manie est la manifestation, pendant au moins une semaine, d’exubérance, d’euphorie, d’irritabilité extrême, compromettant le fonctionnement de la personne. L’énergie et l’activité sont en augmentation, les pensées partent dans tous les sens, la concentration diminue. La personne dort peu, ou pas, et sans ressentir de fatigue ; elle surestime ses capacités. L’optimisme et l’estime de soi sont exagérés. Elle va prendre des risques (alcool, tabac, drogue, sexe, conduites addictives et dangereuses). Elle peut devenir agressive. Dans le cas de manies graves, il peut y avoir hallucinations, idées délirantes, d’où le fait qu’on puisse penser à de la schizophrénie.
La mélancolie est en psychanalyse un état de dépression très grave. La personne ressent un état de profond désespoir, avec des pensées morbides et suicidaires, pouvant aller jusqu’au passage à l’acte. On observe une baise ou une augmentation importante de l’appétit, du sommeil, de l’intérêt en général pour des activités normales pour cette personne.
Il existe des états mixtes correspondant à la présence sur la même période d’éléments de la série maniaque et de la série dépressive.
Pour le mélancolique, son « moi » est vide.
Dans Deuil et Mélancolie, Sigmund Freud explique que la Verstimmung (déshumeur) est liée à un rapport particulier à l’objet.
Toujours selon Sarah Chiche, « le deuil et la mélancolie sont deux réactions à la perte d’un objet d’amour ou d’un idéal, la libido se désinvestissant de l’objet perdu… Mais dans le deuil, il n’y a ni abaissement du sentiment de soi via l’autoaccusation, ni attente délirante de la punition… Le maniaque, lui, va tenter de résoudre cette ambivalence en niant la perte de l’objet. Ce que croit le maniaque, c’est qu’il peut triompher de la perte, du manque et de la mort. »
Pour plus d’informations sur la bipolarité, voir le dossier de Sciences Humaines, de mars 2013.
Juste une petite erreur amusante d’est glissée dans votre article : « On observe une baise ou une augmentation importante de l’appétit, » Bien à vous