NOUVELLE MISE AU POINT

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Je vois fleurir ici ou là de plus en plus d’articles, d’informations, de reportages et de commentaires concernant les pervers narcissiques.
Sur les réseaux sociaux, les pages, groupes, posts concernant les PN sont pléthores.

Au sein de CVP – Contre la Violence Psychologique, ou en demande d’accompagnement et de psychothérapie, je reçois de nombreux mails et appels me demandant de déterminer si le (la) conjoint(e), le parent, l’enfant est ou non PN. J’entends demander très souvent : « maintenant que je sais qu’il est PN … parce que j’ai lu des articles… que dois-je faire ? »

Aussi je reviens sur ce diable des temps modernes, ce vampire assoiffé, ce monstre quotidien, le (la) PN.

Je suis POUR l’information. POUR la médiatisation. POUR la protection et la défense des victimes. POUR accompagner leur reconstruction.
Je suis CONTRE les amalgames. CONTRE les déductions simplistes. CONTRE les présupposés. CONTRE les étiquettes.

D’une part il m’est impossible lorsque je suis consultée de définir clairement, à 100 % et sans risque d’erreur si untel ou unetelle est ou non MPN. Tout simplement parce que je n’ai pas la personne en face de moi. Je peux estimer des attitudes, des faits, des comportements… Mais je ne vais pas poser de diagnostic définitif après un quart d’heure, ou une heure, d’entretien. Tout comme un médecin soignera la personne qui le consulte, et non par procuration, je ne porterai pas d’avis par procuration.

D’autre part, et à mon sens, conforter qui que ce soit en disant « en effet c’est bien un(e) MPN » n’est pas lui rendre service. Constater un état de victime, une dégradation de la confiance en soi, une perte de reconnaissance, une situation matérielle détériorée voir détruite est tout à fait possible. Recevoir les plaintes, entendre et comprendre les agissements d’une personnalité toxique, évaluer l’ampleur d’une situation dans ce qu’elle a de catastrophique pour celui ou celle qui la vit est bien évidement faisable. Pour autant mon objectif, et mon quotidien, sont de permettre à ces personnes de se reconstruire, d’être informées des démarches possibles, de mettre en place des barrières psychologiques pour se protéger.
En revanche je ne suis pas St Michel et je n’irai pas pourfendre l’horrible dragon qui s’est abattu sur leur vie.
Dire à qui que ce soit : « Ah oui en effet c’est affreux, vous êtes face à un(e) MPN » peut avoir une terrible conséquence : la satisfaction inconsciente d’être effectivement victime, et l’incapacité psychologique et matérielle de s’en relever.

De plus, je tiens tout de même à rappeler que TOUT COMPORTEMENT TOXIQUE EST NOCIF, VOIR DESTRUCTEUR, POUR CELUI OU CELLE QUI LE VIT. Savoir qu’il est le fait d’un(e) MPN n’apporte à l’affaire que peu d’éléments, si ce n’est la conviction à acquérir qu’il est quasi impossible de le (la) faire changer, que ce n’est pas une pathologie, ou pas reconnu comme tel, et qu’en tout état de cause il n’existe pas de traitement médicamenteux ; que devant la justice, les victimes sont peu ou pas entendues ; que leur défense est difficile ; que nombre de professionnels sont trop mal informés – quand ils le sont.

Mais je veux tout de même insister sur un point : la douleur ressentie ne sera ni plus ni moins forte que vous soyez face à un(e) MPN ou pas. Ce qui détruit, c’est le comportement toxique, tout autant que ce qui a permis l’installation de cette relation toxique. Je me permets de rappeler que les MPN se retrouvent également face à des personnes qui ne seront pas sensibles à leurs agissements, car elles ne sont pas construites pour être réceptives. Le (la) manipulateur(trice) choisit sa proie, et avec raison : il (elle) choisira celui ou celle capable de le satisfaire, et cette satisfaction ne peut pas être apportée par tout le monde.
Ce qui compte est d’évaluer la présence d’un comportement toxique et de ce fait d’une relation destructrice. Déterminer – ensuite – si le « coupable » est MPN ou non a alors un sens. Mais ce ne doit pas être le but premier.

Enfin, je tiens à rappeler que la victime d’un(e) MPN ne s’en rendra compte que tardivement. Pour qu’un fonctionnement pervers narcissique fonctionne pleinement, il faut du temps. Le (la) MPN est patient. Il ne se révèle, quand il se révèle, qu’une fois l’emprise totale, et la proie dans une situation qui l’empêche de  s’échapper, ou avec de grandes difficultés.
Une relation toxique de quelques mois peut être très destructrice… Je doute cependant qu’elle soit le fait d’un(e) parfait(e) MPN, celui « structurellement accompli » en tant que MPN. Il faut souvent de nombreuses années, une relation dite stable et durable, une vie aux apparences parfaites, un cadre très normatisé (par le/la MPN), pour que la prise de conscience intervienne.

Encore une fois, je préfère de très loin parler de personnalités toxiques, et réserver la catégorie MPN a des cas particuliers, plutôt que de généraliser, au risque d’effrayer des personnes affaiblies par une vie sous contraintes. Je préfère évoquer des comportements toxiques et destructeurs, et accompagner en thérapie pour mettre en place un système de défense, de protection, et de réaction, plutôt que de focaliser sur « Est-ce ou non un(e) MPN ? ».
Ma première interrogation est : « Le comportement subit est-il « normal » selon vous, ou destructeur ? Quel intérêt à le qualifier avant de s’en défaire ? Un(e) jaloux(se) pathologique vous satisferait-il plus qu’un(e) MPN ? Pourriez-vous continuer de vivre ainsi si je vous disais : ce n’est pas un(e) MPN mais juste un dépendant affectif / paranoïaque / casse-pieds ? »

Dernière chose… je lis beaucoup « mon », « ma » MPN… Ne vous l’appropriez pas, MPN ou toxique ou quoi qu’il(elle) soit. DÉTACHEZ-VOUS, en premier lieu par le choix lexical. « Mon », « ma » reste possessif. Il, elle, vous appartient, en tant que bourreau. COUPEZ CETTE CHAÎNE. Coupez vous de ce boulet.
Une de mes patientes parle du « caillou ». C’est bien suffisant, comme l caillou dans la chaussure. Elle ne dit pas « mon ». Elle dit « le ». Elle ne le nomme plus. Elle s’en est détachée.

©Anne-Laure Buffet