Pourquoi écrire ce livre sur la violence psychologique, alors qu’il existe tellement d’ouvrages traitant du sujet ? Parce qu’il ne parle pas de la violence comme sujet. Le sujet du livre, c’est la victime. Une personne abîmée, détruite, isolée, apeurée, culpabilisée. Une personne sans repère, sans limite, sans confiance en elle.
Une personne que les proches ne comprennent pas, que la justice n’entend pas, que la médecine reconnaît bien peu, que la société ignore.
Parce qu’elle vit la violence sans que cette violence ne laisse de trace visible. Parce qu’elle vit son quotidien comme un enfermement, un isolement. Elle est prisonnière, aveuglée, rendue mutique. Elle est terrorisée, et vit un terrorisme en huis-clos, inexplicable et indicible. Et même lorsque le huis-clos cesse, elle continue de souffrir, car les portes se ferment devant elles, ou l’enferment un peu plus, l’éloignant de la réalité et de la justice.
J’ai été témoin de cette violence pendant des années. J’ai vu ses ravages sur une personne, sur ses enfants, sur l’entourage impuissant. J’ai vu, constaté, l’ignorance de la justice, des avocats et des magistrats, ou l’impossibilité de protéger étant donné les contraintes et procédures administratives lentes, couteuses, éloignées de la réalité. J’ai observé l’ignorance des professionnels et la douleur des victimes.
Dans ma pratique, que ce soit en individuel ou lors de groupes ou de conférences, les mêmes mots et la même douleur reviennent à chaque fois, exprimées avec quelques nuances, mais l’histoire semble toujours identique.
La victime ne sait pas ou plus qui elle est. Elle ne connait ni ses droits ni ses devoirs. Elle semble être seule contre tous, en souffrance et en déshérence humaine.
Elle est malheureuse.
Et oubliée, car on parle de la violence, on parle du bourreau. Mais on ne parle pas d’elle.
C’est à elle que j’adresse ce livre, à elle et à ceux qui veulent la comprendre. A elle, pour l’aider à sortir de son enfer, de son isolement. Pour qu’elle ne soit plus seule, pour que ce livre soit comme un compagnon qui lui parle, sur lequel elle peut s’appuyer, car il lui tend la main, pour transformer ce qui peut et doit l’être en une vie plus sereine.
Entre observations et témoignages, j’ai cherché à permettre au lecteur de comprendre ce qu’est, ce que vit une victime de violence psychologique.
Anne-Laure Buffet
VICTIMES DE VIOLENCES PSYCHOLOGIQUES – DE LA RÉSISTANCE À LA RECONSTRUCTION