VICTIME OU COMPLICE ?

Hier, France 5, diffusion de l’émission Amours toxiques. Depuis, les commentaires vont bon train. Très bonne émission… On n’y apprend rien… Guerre de psys… Questions orientées… Victime, coupable, complice, pervers narcissique, prédateur, vampire affectif… Tant de mots, de termes, de témoignages, d’interventions, qui informent au risque de désinformer.

Qui regarde ces émissions ? Bien sûr, en premier lieu, les personnes concernées. Parce que victimes, ou anciennes victimes (quoi que, pour beaucoup, une fois la page définitivement tournées, elles ne replongent pas dans l’enfer du passé en regardant ces reportages), entourage, proches, familles et amis. Les personnalités toxiques aussi, parfois. Elles y trouvent des sources d’information, de nouvelles armes, de nouveaux mots à adresser aux victimes.

Ces reportages sont à caractère informatif et non curatif. S’il suffisait de se mettre devant son poste de télé pour aller mieux… Ils permettent de comprendre, de réagir, mais une fois le programme terminé, le mal, certes parfois mieux appréhendé, demeure. Et les doutes, le questionnement, les peurs des victimes avec.

Donc, la justice ne peut pas grand chose…
Donc, les thérapeutes, entre eux, ne sont pas d’accord…
Donc, quand on est victime, on est face à un mur…

Comme il est souvent dit, la justice est une arme pour contrer les agissements d’une personnalité toxique. À condition de pouvoir proposer un dossier qui lui convienne. Attaquer, contre-attaquer pour se défendre face çà une personnalité toxique est souvent risqué. La justice – je le répète encore – est souvent mal informée, trop prudente voir peureuse, les dossiers ressemblent ou sont lus comme des conflits mal réglés entre parents revanchards, la souffrance des enfants est peu mise en avant, les victimes elles-même n’osent pas ou non plus la force de réagir, lorsque les pervers constituent des dossiers bien ficelés remplis d’attestations et de témoignages les plus divers, mensongers, et diffamatoires possibles.

Cette émission, Amours toxiques, comme toutes les autres, comme tous les ouvrages sur le sujet, doivent également souvent affronter une critique, de la part des victimes elles-même.

Victime ? OUI ! Mais complice… NON ! Le a ainsi du répondre à de nombreuses critiques lui reprochant de qualifier la victime de complice.

Or, au risque de me fâcher avec beaucoup, le terme de « complice » n’est pas inexact. Il faut lui retirer la part de culpabilité volontaire, la part « meurtrière ». Il n’est pas dit que la victime a voulu, choisi, désiré ce qu’elle a vécu. Mais un PN, une personnalité toxique, ne peut agir sans l’existence d’une relation. 
La victime entre dans cette relation. Parce qu’elle est attirée, séduite, « hypnotisée ». Parce que les mots, les gestes, qui lui sont offerts, correspondent à ce qu’elle attend, à ce dont elle a besoin. La personnalité toxique observe sa victime au jour le jour, comme au microscope, et sait s’adapter pour lui offrir exactement ce qu’elle attend… afin de mieux développer son emprise. Mais c’est parce que la victime est prête pour cela. Non pas prête en l’ayant décidé, voulu… Personne ne va volontairement à l’échafaud ! Mais parce que sa construction mentale, ses acquis, sa personnalité, l’y prédisposent.
Si elle n’a pas les armes pour se défendre, si elle se retrouve donc sous emprise, c’est parce quelle ne peut faire autrement. Et lorsqu’elle sent que « ça ne va pas », il est déjà trop tard. Elle n’a pas les moyens de se protéger et de se retirer de ce qui s’apparente à un meurtre prémédité.

Je crois qu’il faut entendre le terme « complice » dans le sens où une relation, aussi perverse et destructrice soit elle, ne peut exister sans l’interaction entre deux personnes. Un voleur peut être voleur dans son âme, il ne passe à l’action que lorsqu’il a à voler. Un meurtrier n’est meurtrier que lorsqu’il assassine. Un enseignant ne peut enseigner s’il n’a pas d’élève. Un magicien sans spectateur gardera ses tours et ses illusions pour lui seul.
Le PN, qui peut à la fois être enseignant (quel enseignement…), voleur, meurtrier, illusionniste, ne peut pas l’être seul puisque, par définition, il se nourrit de l’autre. Certaines personnes sont naturellement ou structurellement protégées contre la manipulation, et, inconsciemment, savent s’en défendre. D’autres sont des proies prédestinées. Dire de celles-ci qu’elles n’ont pas la construction mentale pour se protéger ne les accable pas, n’en fait pas par définition des êtres faibles et incompétents. C’est mettre le doigt sur une relation nécessairement à deux (au minimum), dans laquelle le premier, le PN, va chercher à se nourrir et détruire l’autre, tandis que le second, la victime, va se soumettre peu à peu, par désir de plaire, par désir d’aimer et d’être aimé, par peur de l’abandon, de l’échec, par culpabilité, se sentant obligée de répondre positivement à toutes les demandes qui lui sont faites, de peur de blesser. Lentement, le piège peut alors se refermer.

Alors, le terme « complice » peut choquer. Il faut sans doute aussi blâmer la langue française, si riche et parfois si pauvre, qui n’arrive pas à trouver un autre terme pour qualifier la victime. Et quant aux victimes, il est indispensable, quand elles sont – enfin – conscientes de ce qu’elles vivent et mettent en oeuvre tout, et bien plus, pour en sortir, de se faire accompagner. Pour prendre du temps pour elles, pour penser à elles, pour essayer de déterminer ce qui, dans leur personnalité, les a conduites à accepter cet emprisonnement mental. Et pour ne pas être, plus tard, à nouveau, victime d’une autre personnalité toxique.

http://pluzz.francetv.fr/videos/amours_toxiques_,83087422.html

ATTENTION : il ne s’agit pas de blâmer les victimes, ni de défendre les personnalités toxiques. Il s’agit d’un constat, et un constat fondé, entre autres, sur un vécu, celui de l’auteur de ce blog.