Un témoignage reçu sous forme de fiction.
Merci à elle.
« Un jour de février, d’elle, il ne resta rien. Juste une femme en apparence, une coquille vide.
L’ayant dévorée toute entière, il la chassa de leur maison, il lui interdit les lieux où ils avaient vécu ensemble, il traça d’elle, à leur amis communs, un portrait tel qu’ils lui fermèrent leur porte.
Et parce qu’il ne la voulait plus, elle disparut. Elle devint comme une usine désaffectée, les mécanismes appris tournaient encore mais produisaient à vide ; s’accumulaient les gestes inutiles : les gestes d’amour sans amour, les draps changés pour personne, les légumes épluchés pour personne et les terribles chariots de supermarché où se perd la nourriture des solitaires : une soupe en sachet, trois tranches de de jambon sous cellophane, une pomme…
A trop disparaître, l’on meurt. Il y eût donc tout un hiver où elle fut morte.
Mais au printemps suivant, arrivant de très loin, envoyé par l’enfant magique qu’elle était avant de la connaître, revint timidement le désir d’écrire. Revenant à la vie, elle fut d’abord une main, une main qui traçait des mots, des mots qui se firent chair et qui peu à peu la remplirent. Redevenue dense, compacte et neuve comme un nouveau-né, elle recommença à rire.
De cette graine d’elle qu’il n’avait pu détruire parce qu’il ne l’avait pas trouvée, naquit tout un monde qu’il ne pouvait appréhender : bien plus haut que lui, hors d’atteinte…
Alors, au milieu du jardin suspendu qu’elle avait fait éclore, elle fit de lui un épouvantail dont les oiseaux se moquent. »
A.M L