GLAMOUR, NOVEMBRE 2015.
ENQUÊTE : PERVERS NARCISSIQUE, FAUX MALADE OU VRAI SALAUD ?
Et là, la catastrophe. Une interview, pour autant qu’on puisse appeler cela une interview, d’un psychanalyste. François Perlmutter. Je ne le connais pas, certes. Mais à la lecture des quelques lignes en encadré, je n’ai aucune envie de le connaître.
Je ne revendique pas l’existence des pervers narcissiques. J’ai déjà écrit plusieurs fois qu’il ne fallait jamais abuser de ce terme. Jamais. Même si les médias le font. Parce que ça empêche les victimes de se positionner, d’être défendues, entendues. Parce que les tribunaux débordent de dossiers remplis de pervers narcissiques, vrais, faux, exagérés. Parce que tous les conflits de couples, tous les enfants abimés ne le sont pas par un pervers narcissique. Mais il existe, bel et bien. Des psychiatres, psychanalystes, des professionnels ont largement écrit sur le sujet, de Racamier à Hirigoyen. Ils ont fait un travail remarquable. Ils ont permis à de nombreuses victimes de comprendre, de travailler sur leur relation, sur elles. De s’en sortir et de se reconstruire.
Et puis, cet article. Qui lui aussi souligne certains abus du terme avec raison. Qui veut informer et mettre en garde. Jusqu’à cet encadré, cette interview. Que je ne vais pas reproduire en entier ici, bien qu’elle soit courte. Mais quelques lignes suffisent… Il y a cependant ceci que je retranscris :
« Dès qu’il croise une femme structurée, il se déballonne ou elle le quitte… Comme pour les femmes d’alcooliques ou d’hommes violents, on est dans une complémentarité névrotique.
– C’est-à-dire ?
– La fille qui aime un petit sadique tombe toujours sur le même profil d’homme et n’a pas réglé son enfance avec des parents réducteurs ou autoritaires. Elle répète inconsciemment sa maltraitance. Elle a souvent un profil d’hystérie victimaire : elle a besoin d’être victime pour exister et préfère se plaindre plutôt que de se demander pourquoi elle reproduit le scénario… »
Donc, à lire ce psy, que je dénonce ici comme injurieux vis-à-vis de victimes – et pas que de femmes, alors qu’il parle de « fille » de manière outrageante, les victimes, ces « filles » ne sont ni plus ni moins que des pauvres choses mal construites, sans réflexion, sans raisonnement, sans objectif si ce n’est celui de se faire plaindre aux yeux de tous, de se complaire dans une forme de souffrance, d’aller à la rencontre de celle-ci, de la réclamer et de s’en nourrir.
Dès lors, il leur interdit le droit à la compassion, à l’écoute, à la reconstruction. Il refuse d’entendre la réalité. En voit-il ? En écoute-t’il ? Des femmes, des hommes réduits à néant, bousillés, détruits, ayant perdus toute confiance en eux, tout repère, tout espoir ?
Oui, ces femmes, ces hommes, ont pu être maltraités enfants. Pas tous, loin de là.
Oui, ils constatent leur souffrance. Ils peuvent se dire victimes. De là à en conclure qu’ils en tirent une gloire, une fierté … Certainement pas.
Qu’il vienne à un groupe de parole de l’association. Qu’il se déplace à un petit-déjeuner; Qu’il participe, en auditeur, à une conférence de CVP. Ou de bien d’autres associations. Il risque d’avoir un choc, ce monsieur qui parle de « filles » comme de pauvres hystériques. Il rencontrera des êtres humains, dignes, respectables, respectueux, parfois silencieux, parfois dans le dialogue, l’échange. Il ne verra ni cris, ni pleurs hystériques, ni revendication au droit à être consolée parce-que-la vie-c’est-trop-dur.
Ces hommes et ces femmes cherchent justement à comprendre et à ne jamais reproduire, contrairement à ce qu’il sous-entend. Ces hommes et ces femmes sont avides de vivre, même s’ils ne s’en sentent pas la force. Ces hommes et ces femmes cherchent des réponses, mais surtout cherchent et veulent avancer. Ils ne se concentrent pas sur « qui est l’autre, le pervers narcissique », mais sur eux. Ils sont prêts à tout entendre, sauf le dénigrement, l’injure, le fait d’être à nouveau rabaissés, traités comme des ignorants, des inaptes, des incapables de vivre.
Il est scandaleux qu’en aussi peu de lignes les victimes se retrouvent à nouveau mises à terre.
Il est honteux que des « professionnels » tiennent de tels propos sans aucune distance.
Il est dangereux de les laisser faire sans s’opposer.
Je m’oppose à un tel dénigrement, un tel mépris. Je m’oppose à ceux que des victimes se voient ainsi bafouées. Je m’oppose à cette nouvelle violence psychologique, pour les victimes.
Et, pour reprendre le mot de Zola, j’accuse de nombreux « professionnels » de se faire de la pub, en réduisant en quelques lignes la victime à un être qui ne va pas chercher plus loin que le bout de son nez, et a trouvé, dans la souffrance, une raison de vivre.
©Anne-Laure Buffet
a
J’espère surtout que vous allez (re)trouver de la sérénité, et vous sentir dans tous les sens possibles plus libre d’être vous ! Bon courage et bonne soirée
Bonjour, Bravo pour votre réponse, quelle détermination, vous êtes formidable ! Ça m aide énormément ! J attends toujours avec grand plaisir vos commentaires, articles car je suis sur arles cette année et avec la spondyl arthrite et les petits je me fais une raison de ne pas venir aux conférences, cela viendra ou se développera en France, à Lille ou j espère faire ma vie près de ma famille et mes racines… Merci cordialement Séverine hogedez
Merci de votre mise au point! Moi aussi, je l’ai entendu souvent avec douleur ce » c’est que tu y as des avantages » qui renvoie dans les cordes de la culpabilité… J’ai parlé de cette situation passé la trentaine, je pense que les réactions incrédules, disqualifiantes et méprisantes, je n’aurais pas pu les supporter avant, je me demande toutefois comment je savais que ce serait la réaction principale que j’aurais en retour de mes demandes d’aide … et grâce à toutes ces méchancetés, je me suis rendu compte que beaucoup ne peuvent entendre pour leur survie, pour leur confort … quant aux professionnels qui ne sont pas aptes à l’écoute, ils m’ont permis de voir que j’étais simplement trop gentille pour soupçonner une telle méchanceté, une telle perversion … Mais toutes ces douleurs m’ont bien appris à détecter sans faille les méchants à fuir …
Ceux qui sont passés par là savent bien que la phase séduction du PV est puissante et trompeuse. La phase de mise en confusion pour un esprit construit et sain est un monde relationnel inconnu, surprenant, incohérent. Les grandes défaillances seraient sans doute le manque d’égoïsme, la générosité, la bienveillance, l’honnêteté. Autant de portes ouvertes à l’agression.
Votre part est bien partagée, quant à la misogynie qui transpire ici. Pour le reste, oui, il faut comprendre ce qui cause cette relation et les éventuelles répétitions; Mais faire des victimes des coupables irresponsables, dans le sens dénuées de raison… certainement pas.
Bravo, pour votre réprobation ouverte d’un discours que ce professionnel n’est pas le seul à tenir. La plupart des psy m’ont tenu ce genre de propos mettant mon témoignage en doute et me faisant porter la responsabilité de tous les malaises de la famille sous emprise. Ces psy sont parfois manipulés par le PV mais choisissent de ne pas s’en rendre compte car il faut dire que la solution toute faite présentée par le PV vis à vis d’une grande souffrance, le rejet sur l’autre de toute responsabilité est plus simple à appliquer.
ça m’a l’air assez réducteur
ce que je perçois qu’il veut dire, bien qu’on ait pas l’entièreté du propos c’est un fait hautement avéré
si quelqu’un répète inlassablement un même schéma en se retrouvant toujours victime des mêmes personnes (qu’il ne dédouane pas). Alors, il y a de fortes probabilités que la victime doive aussi chercher en elle les raisons et les moyens pour que ça n’arrive plus, qu’elle guérisse les démons intérieurs
et ça, malheureusement, il n’y en a pas assez pour le dire. Malheureusement car l’intérêt de ces victimes, c’est quand même que la violence s’arrête et que donc elles évitent les personnes qui leur font du mal.
Il est vrai que la description du profil type de la victime est exagérée, et je pense qu’il existe chez les psys un vrai débat sur la jouissance que peut apporter le statut de victime. Je pense comme vous que ce statut n’apporte aucun plaisir mais seulement de la souffrance, cependant, et en tant que victime à plusieurs reprises de personnalités toxiques (dans ma vie privée et dans mon parcours d’étudiante en psychologie), il me semble qu’une prise de conscience quant à la répétition de ces mauvaises rencontres est nécessaire, là où mon avis diffère est que cette répétition aurait pour fonction d’alerter le sujet (par la voie inconsciente) et non pas de lui permettre « d’exister ». Le danger de cette « stigmatisation » de la victime est bien sur qu’il engendre chez elle un sentiment de honte (la « double peine »), mais le travail que la victime peut faire sur elle est déterminant pour la suite, comprendre l’agresseur permet de ne pas se sentir responsable, et se comprendre soi permet de ne plus se laisser duper. Vous avez raison de dénoncer les raccourcis absurdes que fait ce mauvais psy, et j’ajouterai pour ma part que ces propos sont complétement misogynes,