Si tu peux honnir ton père
En portant ton mépris sur ses gestes et ses mots
Et le critiquer jusqu’à le mettre à terre,
Jusqu’à lui cracher en plein milieu du dos ;
Si tu peux chérir et désirer ta mère
Sans jamais respecter l’image de la femme
Et chercher encore ce coupable adultère
Qu’aurait ton corps avec son âme ;
Si tu peux convoiter sans jamais partager
Et inventer, toujours, sans jamais construire
Si tu peux désirer, jalouser, critiquer,
Et sans honte et sans frein aller jusqu’à détruire ;
Si tu peux être froid et pleurer de fausses larmes
Sur l’épaule de celui qui ne te connaît pas,
Le faisant ton allié, et lui confiant tes armes
Pour qu’il porte à ta place le poids du combat ;
Si tu peux être laid, être sot, être sale,
Être vil, arrogant, fier ou présomptueux,
Si tes pensées t’emportent là où sévit le Mal
Et que tu maudisses ce qui rend l’autre heureux ;
Si tu crois que l’amour n’est rien qu’une illusion,
Un prétexte pour nourrir l’abîme de ton cœur
Et que tu te serves des feux de la passion
Pour tromper amante, amie, ou même sœur ;
Alors les Rois, les Dieux, la Chance et la Victoire
Seront selon toi tes esclaves soumis,
Et, ce qui vaut bien moins que les Rois et la Gloire
Tu seras un monstre, mon fils.
©Anne-Laure Buffet
Ce texte est très librement inspiré du célèbre « If » de Sir Rudyard Kipling
très beau détournement… et effectivement, il est douloureusement adapté à nos histoires.
Bonsoir Malissa
Merci de votre réponse elle m’a donné des frissons et j’ai imaginé votre détresse (encore suis-je sûrement en dessous de la réalité puisque je ne fais qu’imaginez) envoyant votre fils frappé à coups de pied C’est vrai que là on ne trouve rien et que tout ce qu’il vous a fait subir est en effet monstrueux Je ne peux qu’espèrer qu’un jour lui et ses semblables auront un éclair de lucidité et de repentir Ainsi ils ne seont pas tout à fait des monstres J’espère que vous et vos enfants avez réussi à vous rétablir dans une vie plus sereine et paisible
Pour me défaire de ma peine, j’écris parfois des lettres que je me garde d’envoyer aux responsables. Aujourd’hui, j’en ai écrite une à « mon » PN. http://troppleindotcom.wordpress.com/2013/12/09/pn/
Je suis allée lire ce matin le « Si » traduit en français de Kipling.
Ici pour ceux que ça intéresse : http://ralph.davidovits.net/tu-seras-un-homme/mon-fils.html
Une œuvre magnifique que j’avais lue il y a bien trop longtemps sans que j’en saisisse la valeur et qui m’a parue si belle aujourd’hui… Car justement, tout le long de cette description que fait l’auteur sur les qualités essentielles à l’homme, j’y ai vu en contrepoint tout ce qui fait qu’un homme peut ne plus en être un et devenir ce monstre dont nous avons fait les frais.
S’il fallait choisir un vers qui m’a le plus touchée dans votre adaptation, parmi tous qui sont pourtant parfaits, je choisirais celui-ci :
« Si tu peux être froid et pleurer de fausses larmes
Sur l’épaule de celui qui ne te connaît pas,
Le faisant ton allié, et lui confiant tes armes
Pour qu’il porte à ta place le poids du combat »
Je suppose qu’il représente dans mon parcours personnel, le verrou le plus solide. Le plus solide encrage. Ce qu’il m’a fallu résoudre de plus douloureux.
Je traverse une période difficile dans ma reconstruction, et votre poème n’a pas ravivé les souffrances ! Non, il m’a éclairée sur des zones d’ombres encore trop puissantes.
Merci. Merci beaucoup. Même si mon but n’est jamais de raviver des souffrances, bien au contraire, j’espère que vous vous en doutez
L’image du yo-yo est bonne 🙂
Heureusement, il arrive un moment où on parvient à rompre la corde et le bourreau n’a plus de pouvoir sur nous.
Nous roulons encore un peu à terre, le temps de disparaître de sa vue… Et ensuite, on réapprend à vivre notre vie… à notre rythme.
Bonne soirée Rénouka
Et bien merci Anne-Laure, c’est superbe et ce poème m’a bouleversée.
Bonsoir Annajosi
Je comprends votre réticence à employer ce mot et sûrement qu’il y a encore quelques temps j’aurais eu la même réserve que vous.
Mais voilà, mon mari à qui j’ai donné tout mon amour, m’a durant des années, volée, violée, battue, menti, malmenée, insultée, étouffée… il a volé l’héritage de sa propre fille qu’il a ensuite traité de sale pute et frappé à coups de pieds son fils autiste de 9 ans le soir de noël.
Dites-moi donc où se trouve son humanité ? Son étincelle de bonté ?
Je trouve quant à moi que monstre est un mot qui lui va comme un gant et je n’ai qu’un regret, c’est de n’avoir pas su le voir avant.
Oui ce texte fait froid dans le dos et je comprend que cela résonne fortement sur ceux ou celles qui ont profondément souffert à cause d’une personne toxique amis quand même monstre à la fin c’est fort C’est nier presque l’humanité de l’individu même mauvais Et dans chaque être humain il y a une étincelle de bon
A reblogué ceci sur runglaz.
Et je crois qu’il est important de préciser, comme vous le faites justement, que l’emprise peut être également en amitié.
Le dossier du nouvel Obs de cette semaine consacré aux personnalités toxiques le dit très justement
C’est moi Malissa. Anne-Laure Buffet.
Mais il faut aussi que je précise que c’est pure fiction, pure invention inspirée par M.Kipling qui, je l’espère, me pardonnera d’avoir ainsi détourné son « If ».
C’est pour prendre la parole de cette « voix » qui semble structurer, transformer, et guider l’enfant petit vers le bourreau que devient l’être manipulateur.
Tu as bien raison Malissa, »Quand on se libère petit à petit de ce rôle de sauveur dont il nous a affublée… »
J’ai l’impression d’avoir été une marionnette ou un yoyo entre les doigts d’une » grande amie ». Me mettre à terre et me ramener à elle, inlassablement…
Un texte juste et percutant.
Je viens régulièrement prendre ici un rappel de vaccin !
Il est dit que ce texte est inspiré librement de Kipling.
Savez-vous qui l’a adapté ainsi ?
C’est poignant. Je le lis, le relis… Et je frissonne.
Comment quelque chose d’aussi sombre peut porter autant de beauté ?!
C’est la puissance de l’art.
Ça me glace les sangs 😦
Mon Dieu, oui, parfois… Parfois je le vois comme ce monstre.
Lorsque enfin on sort de cette emprise qui consiste à le voir comme victime…
Quand on se libère petit à petit de ce rôle de sauveur dont il nous a affublée…
Quand enfin on le regarde en face, pour ce qu’il est…
Alors le monstre apparaît.
Tout doucement…
Tout doucement la colère légitime monte en moi et remplace la nostalgie malsaine de ce qui n’a pas été, car je vois tout ce qu’il a détruit, sciemment.
Je vois cette destruction lente et minutieuse de tout ce qui aurait pu être beau, pour y mettre à la place son arrogance, son dédain, son mépris… sa noirceur.
Je vois la plaie béante en mon âme, remplie de son vomi, de ses excréments, de sa lubricité.
Et je me retrouve aujourd’hui, les bras ballants, à me demander comment je vais la nettoyer, la remplir de ce qui est à moi, et la refermer, doucement… lentement.
Tristesse ce soir…
Tristesse et solitude.