Et toi, face à tout cela, que vas-tu faire ? Agiter cette prison dorée dans laquelle tu me retenais, détenteur des clés, et du sésame ? Crier et t’insurger, pleurant comme un gosse, comme tu l’as fait il y a peu de temps, face aux trois robes noires qui écoutaient notre vie, devant d’un trait sur un papier en décider ? Pleurer quand tu vois ta fragile muraille s’écrouler, et en appeler à la pitié de ceux qui veulent bien te croire « À vot’bon cœur m’ssieurs-dames, ayez pitié d’un monstre qui vous donne une belle image, qui fait semblant d’être gentil. » ? Et que feras-tu après ? Te faut-il une défense avec effets de manche ? « Ce n’est pas sa faute, Mesdames, Messieurs les jurés. Mon client dès son enfance était déjà condamné. Par la société, cette société qui est la vôtre mais refusait de l’entendre. Il n’a pu que reproduire ce que si mal on lui avait appris. Il a reçu trop d’amour, de cet amour maternel et infernal qui se trompe, qui mêle tendresse et proximité, impudeur et distance. Il a reçu trop de violence et de cruauté, d’un père incapable d’aimer. Reconnu malade. Il n’y est pour rien. Alors, pour lui, pour la justice, pour l’honneur, pour le cœur dont vous ne pouvez manquer, je vous demande la grâce… »
Oui, que vas-tu faire ? Dire ô combien tu me gâtais ? Elle avait tout ce qu’elle voulait… Et c’est vrai, je ne manquais de rien. J’avais tout. J’avais trop. Je n’avais pas ce qui fait vivre, ce qui fait respirer, ce qui rend un cœur battant, vivant, espérant, joyeux. Il n’y avait pas de poésie. Il n’y avait pas de souffle. Il n’y avait pas de rire. Il n’y avait pas le chant des oiseaux le matin, celui qui réveille et rappelle que la nature, toujours, elle seule, peut rester belle. Il n’y avait pas l’attente impatiente du soir où l’on se retrouve, où les doigts se serrent, désespérés d’avoir été éloignés ne serait-ce qu’une journée.
Il y avait un vague baiser, parce que par convention on donne un baiser. Par convention. Habitude. Ou pour ne pas entendre qu’on ne l’a pas donné.
Un vague baiser et le silence. Le poids de ce qui n’est pas. Quand le poids était trop lourd, quand tu commençais à craindre que ce baiser soit le dernier, il fallait vite, bien vite, me rassurer. Me rattraper. Me convaincre que tout va bien, malgré tout. À combien de cadeaux ais-je eu droit quand il était presque trop tard ? Dans combien de restaurants sommes-nous allés – pour ne pas me fatiguer à cuisiner – quand tu réalisais que je m’éloignais ? Et tu savais t’y prendre. J’avais un cadeau. J’avais surtout ce regard d’enfant apeuré, d’enfant terrorisé, craignant de ne plus être aimé. Sentant qu’il est allé trop loin, et que la punition pourrait tomber. Quelle punition ? Celle que tu aurais eue si j’avais repris ma vie, repris mes droits, plus tôt. Je serais partie, et tu serais resté là, maugréant, chouinant, te rongeant un peu plus tes ongles déjà dévorés. Je les revois encore, ces moignons qui me frôlaient quand je te laissais faire. D’ongles, il n’en restait que le nom. Est-ce à force de les manger que tu as gonflé ainsi, ou est-ce ta suffisance sans limite qui fait de toi cette baudruche ?
Un enfant, voilà qui j’ai épousé, voilà à côté de qui j’ai essayé de vivre. Un enfant qui sait qu’il peut tout dire, tout faire, avoir toutes les colères, sa mère pardonnera toujours. Il n’y a rien de plus immense, de plus riche, de plus nourri de pardon que l’amour d’une mère. Mais tu as confondu. Je ne suis pas ta mère. Je ne l’ai jamais été. Tu aurais aimé peut-être. Tu as confondu, sûrement.
©ALB
oui , effectivement, ça c’est sûr, c’est exactement ça …. c ‘est utile d’analyser les choses objectivement sans affects ou désirs de possession parce que parfois l’orgueil peut jouer de mauvaises surprises , autant raisonner … bonne chance pour la suite en espérant que ce malheur puisse lui servir , même si c’est dommage, dans tous les cas .