LE REPAS DE L’OGRE

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Contrairement à ce que l’on pourrait imaginer, le pervers narcissique n’a pas la tête d’un diable. Il n’utilise ni vulgarité, ni grossièreté, en tout cas pas en public. Il ne se donne pas en spectacle. Il est souriant et même joyeux. Il n’est pas particulièrement exubérant ou dispendieux dans sa façon de s’exprimer. Il peut se montrer discret.
Les femmes perverses narcissiques savent séduire, mais ne sont pas provocatrices, ou « allumeuses ». Elles dégagent un charme qu’elles entretiennent.
Le ton de la voix est souvent posé. Le (la) PN ne crie pas, ne menace pas, ne s’énerve pas. EN PUBLIC.

Et puis, la porte se referme.

Vous êtes face à lui (elle) ; et vous êtes seul. L’air est subitement plus froid. La lumière plus crue, ou au contraire plus opaque. Pas tamisée. Opaque. Chaque seconde de silence a le poids d’une enclume. Chacun de vos gestes semble lié. Est épié. Chacune de vos paroles est décortiquée.

Imaginez. Vous êtes une pince de crabe. Il est le casse-noix. Il est la pique, la petite fourchette. Il vous casse, il vous émiette, il vous brise. Vous volez en multiples et minuscules éclats. Qui est capable de reconstituer une pince une fois qu’elle est cassée ? Il retire votre chair. Il s’en délecter. Et lorsqu’il aura fini les plus gros morceaux, il ira encore creuser, chercher, fouiller, pour ramasser ces petits filaments, ces petites fibres encore intactes, dissimulées dans les parties les plus fines et les plus fragiles de la pince.

Il va le faire tel un gourmand, un goinfre. Il va bâfrer. Et son plat unique, c’est vous.
Il va le faire en prenant son temps. Chaque bouchée, il va la déguster. Il déglutira avec application et plaisir. Se nourrir de vous est une réelle jouissance.

Lorqu’enfin le gueuleton prend fin, il ne reste rien de vous. Ou si peu, qu’il s’empresse de repousser l’assiette et de mettre les derniers débris à la poubelle. Il referme le couvercle. Il jette le sac. Et il commande un autre plat.