PARLER DE L’INCESTE : UNE URGENCE SOCIALE ET INDIVIDUELLE

Inceste : Relations sexuelles entre un père et sa fille, une mère et son fils, un frère et une sœur.

L’inceste, lorsqu’il est mis en actes dans une famille, résonne comme la mort psychique des membres qui la composent. Analogue à un crime de sang pernicieux, le meurtre incestueux anéantit l’esprit et la pensée de la victime. L’enfant victime d’inceste est comme l’objet sacrificiel symbolisant le parjure d’une passion dévorante et destructrice. C’est au sein de la filiation entre les générations que s’installe la confusion de langue et de culture. Entre l’enfant et son parent  » inces-tueur « , l’énigme du non-sens engendre un grand désarroi, une incompréhension et une indicible souffrance. (De la séduction traumatique à la violence sexuelle – Yves-Hiram Haesevoets)

Concernant l’inceste, La seule étude de référence date de l’an 2000. A l’époque, 11% des femmes se disaient avoir été victimes de viol un jour dans leur vie. La moitié d’entre elles évoquaient des faits remontant avant leurs 18 ans. Aujourd’hui, nous nous basons sur une enquête de l’Association internationale des victimes d’inceste (AIVI) qui, en 2009, a estimé à deux millions le nombre de victimes en France avec l’aide d’un sondage Ipsos. A partir de ces différentes études et en extrapolant, on considère qu’au moins un enfant sur vingt-quatre est ou a été victime d’inceste. Cela signifie que dans chaque classe, il y a un enfant victime. (extrait de l’article de 20minutes.fr, du 21 janvier 2014)

Selon un sondage Harris interactive de décembre 2015, 6% des Français auraient été victimes d’inceste. 27% des personnes interrogées déclarent connaître au moins une victime dans leur entourage.

Les victimes ont besoin de parler du traumatisme, de nommer les faits. Toute l’ambiguïté c’est qu’on n’ose pas parler des choses, de la réalité. L’inceste ne doit pas être considéré comme un concept mais comme un fait, au même titre qu’un viol est un fait et non un concept.

Pour les victimes, l’inceste est une dure réalité dont le traumatisme laisse souvent des stigmates à vie. Sentiment fréquent de culpabilité, déni, mauvaise estime de soi… Les personnes qui ont subi un inceste sont beaucoup plus vulnérables. Elles sont plus exposées à un certain nombre de pathologies : risque accru de TCA (troubles du comportement alimentaire), risque de dépression, tentative de suicide…

Pour sortir de cette spirale infernale, il est important d’en parler et de se faire accompagner. Il s’agit pour les professionnels de santé d’identifier les victimes d’inceste en posant des questions précises aux patientes.

 

Quel est aujourd’hui l’encadrement juridique de l’inceste ? Pourquoi vouloir l’inscrire dans le code pénal ?
(Combattre l’inceste et le silence qui l’entoure. Institut pour la justice)

L’inceste a été supprimé du code pénal en 1791. Il était considéré comme un trouble à l’ordre public ; cette suppression était donc un pas en avant. Maintenant, l’inceste est puni sous trois chefs d’accusation : le viol, l’agression sexuelle ou l’atteinte sexuelle par ascendant ou personne ayant autorité. cela pose problème car, contrairement aux idées reçues, l’inceste ne se limite pas aux relations père lle. Le deuxième agresseur est le frère par exemple, et ce dernier n’est pas forcément considéré comme une personne ayant autorité. c’est au juge d’en décider. Même problème pour le cousin, oncle, tante, bref, le reste de la famille. De plus, que ce soit un viol ou une agression sexuelle, l’inceste est un crime de lien avant d’être un crime physique, il ne peut pas être éclaté dans notre loi de cette façon. D’ailleurs, qu’il y ait pénétration ou attouchements, l’échelle de gravité ne se situe pas là mais dans la trahison que l’enfant va vivre pour sa vie entière. Tous ses repères vont s’écrouler, la con ance en ceux qui devaient le protéger aussi, le traumatisme prend place au niveau psychique et non physique.

Mais le pire est la notion de consentement de la victime. pour qu’un viol ou une agression sexuelle soit quali és, il faut prouver la menace, violence, contrainte ou surprise, soit le non consentement de la victime. Malheureusement, la plupart du temps, l’acte incestueux est commis sous emprise, le statut de l’agresseur suf t à pétri er l’enfant qui ne dira rien. Il peut alors être considéré comme « consentant ». Il faut en nir en inscrivant dans notre loi en positif qu’un enfant ne peut pas être consentant à l’inceste.

Le documentaire :  offre le regard de victimes et de professionnels sur le drame de l’inceste, le tabou qui demeure, le silence qui tue encore la victime, la nécessité de l’écoute, de la prise en charge, de la plainte.

 

 

 

 

RECONSTRUCTION OU NOUVELLE CONSTRUCTION ?

Si chaque victime est une personne différente qu’il faut écouter, comprendre et accompagner individuellement, elles ont pour autant entre elles un certain nombre de caractéristiques communes – conséquences de manipulation, harcèlement et comportements destructeurs. Parmi ces caractéristiques, la peur.

La peur qui non seulement maintient dans une contrainte et sous l’emprise de la personnalité toxique, mais qui de plus provoque un effet paradoxal.

– peur de ce que la personnalité toxique va « encore » faire, dire, inventer, imaginer…
– peur de ce qu’elles vont vivre en quittant cette personnalité toxique.

Les victimes en viennent à ne plus pouvoir se projeter dans un quelconque avenir sans la personnalité toxique. Le quotidien d’une vie équilibrée et saine leur étant interdit depuis des années, pour certaines depuis l’enfance, elles ne peuvent concevoir une réalité sans l’emprise. C’est-à-dire sans contrôle et remise en cause permanents, sans reproches et critiques.

Le travail d’accompagnement et de reconstruction porte entre autres sur ces points : permettre à la victime de franchir le pas après la prise de conscience. Lui donner le droit de s’autoriser à être. À être vraiment. Non pas cette personne forgée au long des années par des comportements manipulateurs, mais celle qui se tait, qui se trouve enfouie sous un amoncellement de craintes, de doutes, de culpabilité et de honte. Il s’agit donc d’aller à la rencontre d’une inconnue. De reprendre possession de ce qui est interdit, à commencer par l’usage du « je ». « Je n’ai pas envie », « je ne veux pas », « je n’aime pas » paraissent si difficiles à prononcer bien souvent… pourtant ils n’expriment pas une opposition à ce qu’est « l’autre », mais une affirmation de ce que l’on est soi.Cette affirmation justement interdite pendant si longtemps.

Pendant le travail d’accompagnement, la victime qui se reconstruit va partir à la rencontre d’une personne inconnue. Elle-même. Qui est cette inconnue ? Comment peut-elle se comporter ? Que peut-elle dire ou faire ? C’est également sur ces quelques points (et tant d’autres) qu’il faut être présents auprès des victimes.

Aussi, je préfère parler aujourd’hui non pas de reconstruction, mais de nouvelle construction. Car il ne s’agit pas de reconstruire sur un terrain miné. Il s’agit de mettre en lumière un nouveau terrain, de nouvelles fondations, de nouveaux piliers. De construire une personne qui a été totalement empêchée. Il s’agit de permettre à la victime non seulement de ne plus l’être, mais de devenir elle, et non la marionnette – bien malgré elle –  de comportements toxiques.
Il s’agit de lui donner le goût et l’envie de vivre.

 

©Anne-Laure Buffet

 

L’ESPT ET LE SYNDROME D’ÉVITEMENT

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ESPT. État de stress post traumatique. Une des conséquences pour les victimes d’avoir vécu en étant soumises à un comportement toxique. L’état de stress post traumatique, connu pour les victimes d’attentats, de guerre, de prises d’otages, de catastrophes naturelles, aériennes… commence à être pris en compte pour les victimes de personnalités toxiques et de pervers narcissiques.

L’État de stress post-traumatique (ÉSPT) est un trouble anxieux se caractérisant principalement par le développement de symptômes spécifiques faisant suite à l’exposition à un événement particulièrement stressant ou à un événement traumatique extrême qui a impliqué la mort, une menace de mort, des blessures graves et/ou une menace à l’intégrité physique de la personne et/ou à celle d’autrui.

L’état de stress post traumatique, en fait, c’est l’impossibilité de contrôler des sentiments, des comportements, des réactions. C’est ce que provoque, entre autres, la « mauvaise madeleine ». Les victimes souffrant d’ESPT sont en souffrance. Elles peuvent être victimes pour avoir directement vécu le trauma ou pour en avoir été témoin.

Niveaux d’état de stress post traumatique ESPT aigu = symptômes persistant moins de 3 mois ESPT chronique = symptôme persistant 3 mois et plus ESPT avec survenue différée = au moins 6 mois se sont écoulés entre l’événement traumatique et le début des symptômes .

Noter que les symptômes et l’importance relative de la reviviscence ou réexpérience (revivre l’événement traumatisant), de l’évitement, de l’hyperactivité neurologique et de la détresse peuvent varier dans le temps. La durée des symptômes est variable avec une guérison complète survenant en trois mois dans environ la moitié des cas alors que de nombreuses autres personnes ont des symptômes qui persistent plus de douze mois après le traumatisme, voir même, durant plusieurs années. Tant et aussi longtemps que la personne ne prendra pas la décision de se prendre charge et aller consulter pour recevoir l’aide nécessaire à son rétablissement.

Le syndrome d’évitement est consécutif de l’ESPT. Syndrome d’évitement : Comportement qui consiste à éviter la confrontation avec l’objet, la situation, la personne ou l’animal phobogène, la simple anticipation déclenchant une réaction anxieuse importante.

Ces comportements, qui font partie intégrante de la névrose phobique, peuvent devenir très invalidants, le patient refusant de sortir de chez lui de peur d’être confronté à sa phobie. Ils permettent de lutter contre l’angoisse, mais celle-ci est susceptible de réapparaitre à la simple idée d’avoir à affronter la situation phobogène. À un degré moindre, chez les personnalités anxieuses ou évitantes (dites classiquement phobiques), l’évitement de toute relation propre à impliquer des engagements d’ordre affectif, sexuel ou agressif, se traduit par des comportements de timidité, d’inhibition et de trac. Un traitement psychothérapique est indiqué.

Le syndrome d’évitement constitue une sorte de « zapping » des pensées, images, sensations et des situations rappelant ou symbolisant les circonstances du traumatisme initial. Parfois, le traumatisé lutte contre le sommeil pour éviter les cauchemars. Cela peut devenir un réel handicap social Les conduites d’évitement ne sont pas des phobies, car là aussi il s’agit d’éviter une situation bien précise en rapport avec un événement récent bien identifié. (1) La conduite d’évitement dissimule souvent le refus du conflit, fréquent pour les victimes souffrant d’ESPT.

Pour exemple, ces témoignages :  » Je sursaute pour un rien, je suis très solitaire, souvent sur mes gardes, je suis toujours très anxieuse, j’évite d’aller faire mes courses aux heures de pointe, je n’ai pas de vie sociale ou si peu… »  » Je pleure pour un rien, j’ai peur d’aller me coucher, je suis comme une enfant, il me faut de la lumière. Et un doudou… »  » Dès que l’on me fait une remarque, je la prends comme un reproche, je me renferme et ne sais jamais quoi dire ou comment réagir… »  » Je ne supporte pas qu’on me demande mon avis. Il va être jugé ; je vais être jugée. »

Pour les personnes qui n’ont pas été soumises à un trauma, il est difficile de comprendre l’ESPT. Pourquoi un évènement anodin, pourquoi quelque chose d’aussi simple que d’aller ou acheter du pain ou répondre au téléphone, entraîne des blocages, de l’anxiété, cette « paralysie » du mouvement et de la pensée ? Les victimes, confrontées au trauma puis à la souffrance, sont en plus exposées au jugement extérieur et aux difficultés à se faire entendre et comprendre. Déjà confrontées à l’isolement, elles s’enferment de plus en plus sans savoir comment se sortir de cette impasse complète.

Guérir de l’ESPT est heureusement possible, en se faisant accompagner par des thérapies adaptées et des professionnels formés à la victimologie ou / et à la souffrance des victimes. Il faut en premier lieu identifier le trauma. Or le trauma tel qu’exprimé par la victime ne sera pas toujours le trauma ayant causé l’ESPT. Identifier la cause permet d’évaluer la conséquence. Pour pouvoir identifier cette cause et de ce fait travailler en thérapie sur le comportement d’évitement et le trouble anxieux, il est indispensable que la victime se sente en confiance, écoutée et comprise, sans jugement extérieur. « Le travail que j’ai fait avec vous m’a aussi beaucoup aidée ces derniers temps, peut-être parce que vous vous êtes spécialisée dans le suivi des victimes et il me semble (mais je demande rarement à un psychanalyste son CV… ) que c’est la formation qui manque souvent aux psy traditionnels qui ne sont pas des « victimologues »… »

 

(1) Institut de Victimologie

©Anne-Laure Buffet

INVISIBLE VIOLENCE – EGLANTINE LHERNAULT

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Le 15 mars 2014, lors du groupe de parole, nous accueillions Eglantine Lhernault.

Eglantine rejoint le groupe. C’est la première fois qu’elle y participe. Intimidée, comme tous ceux qui viennent la première fois, elle s’assied, écoute, observe, hésite à prendre la parole. Elle a peur de la sienne, elle a peur de celle des autres. Elle ne craint pas le jugement, elle ne se sent pas coupable, elle n’a pas honte. Ce qu’elle redoute, ce sont ces souvenirs, cette vie qui pourrait être réveillée lorsqu’elle nous livrera son témoignage. Son parcours. Elle redoute que la blessure ne soit pas refermée – l’est-elle un jour complètement ? Elle redoute d’avoir mal à nouveau.

Mal comme un enfant qui reçoit les coups. Mal comme l’enfant qu’elle a été, qui prenait des coups. Mal comme l’enfant qu’elle est encore, qu’elle sera, toujours… Mais enfant construite dans la violence. La violence qu’on ne voit pas, qu’on tait, qu’on ne palpe pas et qu’on ne comprend pas.
L’invisible violence.

Eglantine a raconté son histoire. Elle l’a écrite. Elle vient nous parler d’elle. Elle vient nous parler de ce livre-témoignage dans lequel elle raconte, sans compassion, sans complaisance, sans exhibitionnisme, son enfance, son adolescence. Un père pervers narcissique. La violence et le silence, quotidiens. Jusqu’à ce qu’elle fasse le choix de vivre.

 

« Ma mère a épousé son psy et me voici. Ou, plutôt, mon père a épousé sa patiente et me voici. Ce sera ça l’histoire.

Une histoire qui pourra sembler banale. Ordinaire.

D’une à qui on n’a rien demandé. D’une qui s’interroge trop.

D’une qui souffre et qui se tait. D’une qui a appris à aimer la vie, malgré les nœuds dans la tête et les bâtons dans les roues.

Mais derrière le banal, il y a l’innommable. Le monstre que l’on ne peut pas montrer. La vérité invisible et indicible. »

Ce roman nous invite à suivre un regard, celui d’une enfant née de l’union d’un psychiatre et de l’une de ses patientes ; enfant à la fois témoin et victime de violence psychologique au sein d’une famille extérieurement normale. Ce regard d’enfant, puis d’adolescente, est parfois étayé par celui de la jeune adulte, parfois laissé à sa naïveté première et à l’étrangeté du monde sur lequel il se pose.

Inspiré de faits réels, forts et déstabilisants, mais racontés avec pudeur, ce texte intime résonne de façon universelle, car il porte sur un sujet à la fois actuel et intemporel. Douloureux monologue, le cri silencieux de cette enfant broyée par les enjeux inextricables d’une situation de violence invisible et de harcèlement moral nous bouleverse.

 

Invisible violence, Eglantine Lhernault. Ed. Les 2 encres. Un témoignage à lire.

Pour en découvrir les premières pages, c’est ICI.

LA FINALITÉ DE SON PLAN, C’EST LA MORT

Le quotidien d’Alexandra est celui d’une femme traquée. Son ex-mari, père d’un de ses quatre enfants, la menace de mort depuis des années. Il vient de bâtir sa nouvelle maison juste en face de celle de son ancienne épouse, séparée par seulement quelques mètres. Et le harcèlement ne s’arrête pas là : l’homme lui a récemment envoyé un de ses propres doigts coupés, et a fait construire dans le cimetière voisin une pierre tombale à son nom, et un caveau pour deux personnes.

« Il y a eu des courriers dans lesquels il nous a menacés de mort en nous disant qu’il ne fallait surtout pas le croiser en voiture parce qu’un accident était vite arrivé », raconte Alexandra au micro de RTL. La mère de famille est inquiète. « On sent vraiment que la situation est dangereuse, qu’il va y avoir un passage à l’acte à un moment donné mais il n’y a aucun rappel à l’ordre« , confie-t-elle. « La finalité de son plan, c’est la mort. »

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