NI MARQUE NI SIGNE, RIEN QUE LA LIBERTÉ

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Etre victime de violence psychologique, connaître les souffrances dues à cette violence, sentir les blessures et les cicatrices qui s’impriment dans la peau, sous la peau, dans l’invisible de la chair et du cerveau, est intime. Et destructeur.
Chaque victime a sa propre histoire, même si toutes ces histoires se ressemblent. Chaque victime mène son propre combat, vit sa propre reconstruction, part à la rencontre d’elle-même. Elle doit se libérer de ses chaînes, casser les murs d’une prison, rompre avec le silence. Mise sous dépendance – sous emprise – pendant des années, parfois pendant une vie, elle doit autoriser une personne avant tout à la croire : elle-même, et trouver sa propre voie, et sa propre voix, pour combattre le bourreau et mettre un terme à l’enfermement.
Elle doit apprendre, accepter, vivre SA liberté. Elle doit la ressentir. Physiquement. Il s’agit de respirer, d’utiliser son corps, son esprit, sa pensée, en toute INDÉPENDANCE. LIBREMENT. Il s’agit d’être SOI.
Il faut aller à la rencontre de cet inconnu, soi-même. Cette rencontre, aussi belle que difficile à faire, peut être aidée par un professionnel. Il est souvent nécessaire de faire appel à un tiers, pour comprendre des schémas destructeurs, pour admettre l’emprise, pour décider d’en finir. Pour s’accepter. Pour s’aimer. Mais aussi pour devenir un adulte responsable, pour se reconnaître des valeurs, des capacités, des compétences. Or, tant qu’une victime est sous emprise, de qui que ce soit, elle est retenue à son état d’enfant.

Les professionnels, tous les professionnels engagés auprès des victimes, devraient agir en ce sens. Ils ont un rôle essentiel tout autant que transitoire. Ils sont un passage, un relai entre un avant mortifère et un après plus serein, et personnel. Et il ne faut pas oublier que la place de l’accompagnant est difficile : porteur d’espoirs, à l’écoute, soutien dans un combat terriblement compliqué, difficile et douloureux, il n’est pas la pour fournir des armes à la victime, il est là pour l’aider à trouver les armes qui lui conviennent. Il n’est pas là pour lui indiquer qui elle doit être, il est là pour lui permettre de découvrir qui elle est. Il ne peut avoir un rôle de maître à penser, de « gourou », de chef de file d’un mouvement qui pourrait se soulever pour aller dans une seule direction, vouée à la gloire de ce faux héros. Le danger est immense pour les victimes : cherchant à se libérer d’une emprise, elles restent dépendantes, d’un nouveau bourreau, d’un usurpateur, d’un escroc qui abuse de leurs faiblesses, de leur fragilité, de leur vulnérabilité. Il est essentiel, fondamental, que la victime se sente ELLE, et ne se retrouve en rien invitée, conduite à adopter un mode de pensée, un fonctionnement, un comportement, et ne serait-ce qu’un signe qui la rattache désormais à son nouveau chef. Il est tout aussi fondamental que le professionnel possède une réelle éthique, qu’il soit capable de s’adapter à chaque personne qu’il va accompagner dans sa reconstruction, qu’il l’autorise à être libre, qu’il ne lui fasse porter aucune marque, aucune attache créatrice de dépendance.

Chaque professionnel qui respecte cette éthique, cette déontologie, ne peut que se réjouir pour une ancienne victime de la voir devenir une personne libre, vivante, à part entière. Il doit à cette ancienne victime un immense respect pour la confiance qui lui a été accordée. Il ne doit en attendre qu’une reconnaissance raisonnable – avoir su écouter et comprendre. Il ne doit se voir que comme un « passeur » – et pour ma part, je me sens parfois presque sage-femme, voyant naître au monde une personnalité qui avait été étouffée.
Et comme un passeur, il laisse la personne suivre son chemin, prendre son envol, et ne doit jamais la marquer d’un signe quelconque, comme on marque du bétail, comme on bague des pigeons-voyageurs afin que, toujours, ils reviennent là d’où ils sont partis, sans jamais être libres de vivre – libres, justement.

©Anne-Laure Buffet

MARRE DES INTERPRÉTATIONS STUPIDES ET DESTRUCTRICES

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GLAMOUR, NOVEMBRE 2015.
ENQUÊTE : PERVERS NARCISSIQUE, FAUX MALADE OU VRAI SALAUD ?

Et là, la catastrophe. Une interview, pour autant qu’on puisse appeler cela une interview, d’un psychanalyste. François Perlmutter. Je ne le connais pas, certes. Mais à la lecture des quelques lignes en encadré, je n’ai aucune envie de le connaître.

Je ne revendique pas l’existence des pervers narcissiques. J’ai déjà écrit plusieurs fois qu’il ne fallait jamais abuser de ce terme. Jamais. Même si les médias le font. Parce que ça empêche les victimes de se positionner, d’être défendues, entendues. Parce que les tribunaux débordent de dossiers remplis de pervers narcissiques, vrais, faux, exagérés. Parce que tous les conflits de couples, tous les enfants abimés ne le sont pas par un pervers narcissique. Mais il existe, bel et bien. Des psychiatres, psychanalystes, des professionnels ont largement écrit sur le sujet, de Racamier à Hirigoyen. Ils ont fait un travail remarquable. Ils ont permis à de nombreuses victimes de comprendre, de travailler sur leur relation, sur elles. De s’en sortir et de se reconstruire.

Et puis, cet article. Qui lui aussi souligne certains abus du terme avec raison. Qui veut informer et mettre en garde. Jusqu’à cet encadré, cette interview. Que je ne vais pas reproduire en entier ici, bien qu’elle soit courte. Mais quelques lignes suffisent… Il y a cependant ceci que je retranscris :

« Dès qu’il croise une femme structurée, il se déballonne ou elle le quitte… Comme pour les femmes d’alcooliques ou d’hommes violents, on est dans une complémentarité névrotique.
– C’est-à-dire ?
– La fille qui aime un petit sadique tombe toujours sur le même profil d’homme et n’a pas réglé son enfance avec des parents réducteurs ou autoritaires. Elle répète inconsciemment sa maltraitance. Elle a souvent un profil d’hystérie victimaire : elle a besoin d’être victime pour exister et préfère se plaindre plutôt que de se demander pourquoi elle reproduit le scénario… »

Donc, à lire ce psy, que je dénonce ici comme injurieux vis-à-vis de victimes – et pas que de femmes, alors qu’il parle de « fille » de manière outrageante, les victimes, ces « filles » ne sont ni plus ni moins que des pauvres choses mal construites, sans réflexion, sans raisonnement, sans objectif si ce n’est celui de se faire plaindre aux yeux de tous, de se complaire dans une forme de souffrance, d’aller à la rencontre de celle-ci, de la réclamer et de s’en nourrir.
Dès lors, il leur interdit le droit à la compassion, à l’écoute, à la reconstruction. Il refuse d’entendre la réalité. En voit-il ? En écoute-t’il ? Des femmes, des hommes réduits à néant, bousillés, détruits, ayant perdus toute confiance en eux, tout repère, tout espoir ?
Oui, ces femmes, ces hommes, ont pu être maltraités enfants. Pas tous, loin de là.
Oui, ils constatent leur souffrance. Ils peuvent se dire victimes. De là à en conclure qu’ils en tirent une gloire, une fierté … Certainement pas.
Qu’il vienne à un groupe de parole de l’association. Qu’il se déplace à un petit-déjeuner; Qu’il participe, en auditeur, à une conférence de CVP. Ou de bien d’autres associations. Il risque d’avoir un choc, ce monsieur qui parle de « filles » comme de pauvres hystériques. Il rencontrera des êtres humains, dignes, respectables, respectueux, parfois silencieux, parfois dans le dialogue, l’échange. Il ne verra ni cris, ni pleurs hystériques, ni revendication au droit à être consolée parce-que-la vie-c’est-trop-dur.
Ces hommes et ces femmes cherchent justement à comprendre et à ne jamais reproduire, contrairement à ce qu’il sous-entend. Ces hommes et ces femmes sont avides de vivre, même s’ils ne s’en sentent pas la force. Ces hommes et ces femmes cherchent des réponses, mais surtout cherchent et veulent avancer. Ils ne se concentrent pas sur « qui est l’autre, le pervers narcissique », mais sur eux. Ils sont prêts à tout entendre, sauf le dénigrement, l’injure, le fait d’être à nouveau rabaissés, traités comme des ignorants, des inaptes, des incapables de vivre.

Il est scandaleux qu’en aussi peu de lignes les victimes se retrouvent à nouveau mises à terre.
Il est honteux que des « professionnels » tiennent de tels propos sans aucune distance.
Il est dangereux de les laisser faire sans s’opposer.
Je m’oppose à un tel dénigrement, un tel mépris. Je m’oppose à ceux que des victimes se voient ainsi bafouées. Je m’oppose à cette nouvelle violence psychologique, pour les victimes.
Et, pour reprendre le mot de Zola, j’accuse de nombreux « professionnels » de se faire de la pub, en réduisant en quelques lignes la victime à un être qui ne va pas chercher plus loin que le bout de son nez, et a trouvé, dans la souffrance, une raison de vivre.

©Anne-Laure Buffet
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SOUFFRANCES IGNORÉES

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L’association CVP a pour vocation de fournir entre autre par le biais de son blog de l’information sur les violences psychologiques au sein de la sphère privée.
Des groupes de parole sont proposés une fois par mois, à Boulogne Billancourt.
Des petits-déjeuners – débats sont également proposés une fois par mois.

À regret, l’association CVP ne peut proposer de consultations individuelles gratuites.

L’association CVP – comme beaucoup d’associations destinées à l’aide et l’accompagnement des victimes – ne bénéficie d’aucune aide ni subvention. L’état et les diverses instances gouvernementales ou réglementaires semblent faire peu de cas de l’avenir des victimes, de la construction des enfants en souffrance, de l’insertion des personnes en difficultés, de l’accompagnement psychologique et économique de celles et ceux ayant eu à subir la violence psychologique, physique, économique.
De même, les victimes sont montrées du doigt comme étant un « coût » pour la société. Mais quel coût ? Celui, précisément, d’une société qui manque d’humanité, qui développe l’individualisme, l’égoïsme et le narcissisme. Qui scinde en plusieurs groupes ses membres, oubliant que les enfants d’aujourd’hui seront les adultes – souvent en souffrance – de demain.
Parce que la souffrance et le malheur font fuir et dérangent, la souffrance individuelle est souvent ignorée, au coeur des familles comme au coeur de notre société.
Et cela au nom du « Chez nous, ça n’existe pas. »

Anne-Laure Buffet

AUCUN DIPLÔME À LA CLÉ

977928_6_34bb_ludmilla-tcherinaPhoto de Ludmilla Tcherina

Alors que les mois de février et mars ont été consacrés aux enfants en souffrance, alors que avril et mai reviennent sur l’emprise, la violence psychologique, et l’éventuel pardon, il me semble essentiel une fois de plus de dire que l’objet de CVP est de se consacrer aux victimes de violences psychologiques, et aux potentielles victimes, aux proies, en informant, en dénonçant, en tenter de prévenir et en accompagnant lors de de la (re)construction de la personne en souffrance.

Pour ma part, il n’est pas question de délivrer un diagnostic sur l’auteur des violences. Diagnostic qui ne peut être que tronqué, l’auteur desdites violences ne se présentant jamais comme auteur. S’il vient à parler, c’est bien pour se victimiser, et faire accuser l’autre. Aussi, dire : « En effet, untel ou unetelle est sans conteste un(e) manipulateur pervers narcissique » est à la fois difficile et dangereux.

Difficile, ainsi que ce vient d’être dit, car porter un diagnostic sans avoir reçu la personne « à diagnostiquer » va à l’encontre de toute déontologie. Un avis, une opinion, est possible. Les faits, paroles, actes rapportés fournissent un faisceau d’indices à partir duquel il devient possible, de considérer qu’il y a en effet violence psychologique, comportements destructeurs, intentionnels ou non. De même, il faut prendre en considération la souffrance de la personne reçue et entendue. Il faut être capable d’appréhender un état de stress post traumatique, un état d’anxiété généralisée, une dissociation, des troubles qui se développent, comme la claustrophobie, l’agoraphobie, les intentions suicidaires.

Dangereux, car le diagnostic une fois porté, celui-ci peut plonger la victime dans divers états :
– convaincue d’être victime d’un « PN » (terme trop médiatisé qui empêche tout recul), elle peut focaliser sur ce terme, justement, et ne pas arriver à effectuer pour elle le travail nécessaire de deuil et de reconstruction. Elle devient victime « par définition » et consacre sans s’en rendre compte son énergie à lutter contre le (la) PN, ou à vouloir faire entendre que l’autre est un monstre. Ce qu’elle fait essentiellement, si son psychisme ne se détache pas de « l’autre », c’est continuer de lui consacrer et son temps, et son énergie, et sa vie.
– elle peut également se mettre à chercher comment prouver que l’autre est « PN ». Comment le prouver aux yeux de son entourage, mais aussi comment le prouver devant la société et en justice. Là encore, elle se consacre à « l’autre ». Pas à elle, la victime. Elle se plonge dans un combat presque perdu d’avance en justice. S’il est vrai que devant un juge on peut aujourd’hui arguer de la violence psychologique subie, des conséquences et du traumatisme, et qu’il est même possible de prouver cette violence, il est bien plus risqué et hasardeux de vouloir montrer que « l’autre » est PN, psychopathe, fou et dangereux, et souvent tout à la fois. La justice jugera sur des faits. Sur des éléments concrets.
C’est le travail des avocats, c’est aussi celui de la victime, c’est enfin celui de celles et ceux qui accompagnent la victime, que de lui permettre d’ordonner des faits chronologiquement, de mettre en avant l’intention de nuire, de montrer la répétition de comportements destructeurs.
Et contrairement à ce que pensent de trop nombreuses victimes, c’est possible.
En outre, cette réflexion permet de se recentrer sur « soi », de s’attacher à ce qui est concret, et de se détacher de « l’autre », le bourreau.
– il ne faut pas oublier non plus que si certaines personnes peuvent dire : « je suis victime d’un PN », et le démontrer, d’autres n’en sont pas encore là dans leur parcours, n’arrivent pas encore à prendre pleinement conscience de leur vécu, à le « ressentir », ou à l’exprimer. Parfois, la mémoire occulte des faits, des moments, des périodes. C’est au thérapeute de permettre à la victime de retrouver un accès à ses émotions et à son vécu. Mais tant qu’elle ne le peut pas, la victime va considérer que « finalement ce que j’ai vécu c’est pas si grave que ça, je dois pas être vraiment victime… »

Se rattache à cela un autre élément à prendre en considération : le terme « pervers narcissique » est devenu tellement médiatisé, sur employé, commercialisé et demeure si contextuel, que se développe aujourd’hui une méfiance presque légitime face à l’utilisation de ce « présupposé ». La décision de justice ne sera pas plus lourde pour le bourreau, que le juge développe une intime condition de la perversion narcissique (ou non) de celui qui en est accusé. Et le suremploi du terme aurait même tendance à rendre les magistrats d’autant plus prudents et défiants. « Tiens, « encore » un cas de PN… ». Car aujourd’hui, ils sont pléthore…

En revanche un dossier détaché de l’affect lié, qu’on le veuille ou non, au terme de « PN », un dossier reposant sur des comportements destructeurs et sur la mise en place d’une relation fondée sur la violence psychologique, donc, de fait, une relation où il y a abus, maltraitance, dénigrement de l’individu… est entendu devant la Cour.

Mener un combat pour se faire entendre, mener un combat pour être reconnu(e) victime – ce qui est un état et non un statut, mener également un combat personnel pour sortir de cet état de victime pour faire reconnaître sa souffrance et ses conséquences, mener en somme un combat pour être validé(e) comme individu à part entière et non objet d’un autre, et réhabilité(e) dans son droit à être, est essentiel.
Mener un combat pour entendre que effectivement, l’autre est PN, est secondaire. Encore une fois, c’est continuer à lui consacrer du temps. Or, la seule personne qui compte, c’est celle en souffrance. C’est lui permettre de dire : « Je suis victime, j’ai été victime de violences ». C’est l’amener sur la voie d’une vie libérée de ces contraintes, de ces incompréhensions, de ces violences. Une vie faite de vie, et non d’inexistence.

©Anne-Laure Buffet

LES DANGERS DU VIRTUEL (1) – LA SÉDUCTION

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Premier opus des articles concernant les dangers du virtuel, c’est de séduction qu’il va tout d’abord être traité. 

La personnalité toxique dans une relation de couple en devenir commence toujours par le même procédé : la séduction. Elle enjolive, flatte, console, écoute, « comprend » – car elle se montre volontiers très compréhensive. Elle ne veut pas « précipiter » les choses mais elle « ressent de la douleur, de la souffrance », chez son interlocuteur, la proie. Elle fait mine de s’oublier, elle parle peu d’elle, elle invite en revanche à parler. À se confier, se raconter. Les pleurs et la timidité ne la gênent pas, bien au contraire. Là encore, elle « comprend ». Elle fait montre de patience – déguisement pour mieux dresser ses filets autour de sa proie.

Elle s’adapte à ce qu’elle entend, et répond de façon anticipée aux demandes qui lui sont faites. Elle écoute les blessures qu’on lui livre, y cherche le moyen matériel de les combler, le moyen concret, visible, et en profite.

Par pur intérêt.

Elle va avoir un comportement qui sera en apparence le total contre exemple de ce que sa proie a connu auparavant, et des souffrances ou failles qu’elle doit réparer.

Sur Internet, que ce soit sur les réseaux sociaux ou sur les sites de rencontre, ce comportement est d’autant plus pernicieux. Les premiers contacts sont écrits.  Le téléphone, Skype, les webcam ne sont pas le premier outil utilisé par la personnalité toxique. Bien au contraire elle peut encourager à prendre du temps. « Ne nous pressons pas, laissons-nous le temps de parler, d’échanger… après tout, une voix, un physique, est-ce si important ? «  Rassurant ainsi sa proie qui se sentira loin de tous les dragueurs des bacs à sable et autres malheureux en amour, celle-ci va tomber dans le piège, en pensant simplement qu’elle a enfin trouvé un confident(e), une oreille, quelqu’un sur qui elle peut compter. Il ne faut pas oublier que la proie souffre en général d’un manque évident de confiance en elle, et la fausse assurance soudain donnée par la personnalité toxique devient un miroir aux alouettes dans lequel elle aime à se regarder pour se convaincre qu’elle « vaut quelque chose ».

La proie est séduite, confiante. C’est elle le plus souvent qui proposera le premier échange, la première rencontre « réelle », se sentant totalement hors de danger. « S’il avait une idée derrière la tête, il m’aurait proposé qu’on se voit depuis longtemps… »
Et même en proposant que l’échange soit plus concret, elle n’aura pas toujours droit à une réponse positive. La personne toxique fait trainer. Tous les arguments sont bons, amenant peu à peu la proie à se poser des questions, à se demander si elle est trop entreprenante, à vouloir en savoir plus. Ce comportement de la personnalité toxique développe chez la proie à la fois curiosité, impatience, et doute. Doute sur elle-même : « Peut-être sis-je dit ou fait quoi que ce soit qui ne lui plait pas ? Peut-être que j’en demande trop ? »

C’est au moment où la proie s’y attendra le moins, où elle ne demandera rien, que la personnalité toxique à son tour va demander cette rencontre « réelle ». Et la proie accepte.

Les premières heures, les premières semaines peuvent prolonger le temps de la séduction. Mais que la proie soit prudente, si elle le peut encore – et elle le peut trop rarement. À la première remarque qu’elle osera faire, manifestant une incompréhension, un reproche, une interrogation, elle se fera répondre : « Je ne comprends pas… C’est toi qui voulais qu’on se connaisse. Je t’avais dit que ce n’était pas utile. Qu’on pouvait être amis, juste ainsi, derrière nos écrans. Tu as insisté. J’ai fini par céder. Et aujourd’hui, tu me le reproches… »

Les filets sont resserrés. La proie est prise au piège. Et convaincue d’être responsable de cette situation. Alors, elle baisse la tête, se tait… et se plie aux exigences de son nouveau maître.

©Anne-Laure Buffet