30 CARACTÉRISTIQUES DU MANIPULATEUR DÉCRYPTÉES

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En 1997, Isabelle Nazare Aga établit une liste de 30 caractéristiques permettant de repérer un manipulateur, homme, ou femme.
Cette liste a permis à bon ombre de personnes de comprendre une situation personnelle, d’essayer d’y faire face, de se déculpabiliser.
Depuis, 20 ans ont passé. Ces caractéristiques sont toujours aussi valables. Mais aujourd’hui, elles sont utilisées, disséminées un peu partout sur Internet, sans prise de recul, sans analyse. A la moindre friction dans un couple, ou dans n’importe quel type de relation, il est devenu courant d’y recourir, ou de proposer de les lire, afin de se demander si – oui ou non – nous avons affaire à un manipulateur. Ce qui entraîne des excès, des abus d’interprétation. Ce qui nuit à l’approche objective du travail d’Isabelle Nazare Aga, à la prise de distance qu’elle propose. Au-delà de cette liste, il faudrait une question, à laquelle seul le lecteur peut répondre : Suis-je en danger ?
Et pour aller plus loin : Suis-je une victime ? Mon comportement est-il celui d’une victime de manipulateur ?

Afin de mieux comprendre ces 30 caractéristiques, et les conséquences de chaque caractéristique sur les victimes, je vous en propose un petit décryptage.

Et avant tout, une mise en garde : Chacun peut, exceptionnellement, se comporter ainsi. C’est la répétition – la presque quotidienneté – qui fait de tel ou tel comportement un comportement manipulateur. C’est également le refus d’admettre l’existence de ces comportements qui les rend manipulateurs. Une personnalité bienveillante acceptera d’entendre qu’elle a mal agi, ou admettra qu’elle avait un objectif précis à un moment précis, mais que le comportement auquel il est fait référence ne fait pas partie de ses valeurs et de ses principes.

Enfin, on dit « le manipulateur », ce qui ne veut pas dire qu’il est forcément un homme. Le manipulateur est un homme, une femme, un individu dénué de toute reconnaissance de l’autre et ne servant qu’une seule personne : lui-même.

1 Il culpabilise les autres au nom du lien familial, de l’amitié, de l’amour, de la conscience professionnelle.

Il culpabilise, oui. Mais les mots utilisés ne sont pas forcément entendus comme culpabilisants. Les injonctions peuvent être dissimulées sous de faux compliments. Ex : « Tu es tellement jolie, tu mérites bien mieux et notre famille aussi qu’untel ou untel… »

Conséquence : la victime place ces notions avant tout, cherchant à ne les trahir en rien, et jamais. Elle s’observe, s’analyse et se critique en permanence, se sentant tenue par un devoir de loyauté considérable et devant être sans faille. Le moindre mot, le moindre geste qui n’irait pas dans le sens d’une de ces notions seraient alors vécus comme une trahison. Et la culpabilité ressentie serait d’autant plus forte.

2 Il reporte sa responsabilité sur les autres, ou se démet des siennes.

Il le fait en ayant toujours une bonne raison, un bon argument, qu’il semble impossible de contredire. Et ce bon argument, cette bonne raison vont, de plus, prendre appui sur une réalité objective non réfutable.

Ex : « Je t’ai laissé régler les questions concernant les enfants, puisque tu as fait le choix de ne pas travailler pour t’en occuper. Je pensais, en toute sincérité et en toute confiance, que si tu avais un souci tu m’en parlerais. Je n’y suis pour rien si tu préfères te taire. »

Conséquence : la victime va constamment chercher à savoir si elle fait bien, si elle pense bien, si elle comprend bien, si elle agit bien. Elle se croit tenue de « gérer » le quotidien, de régler toutes les difficultés. Elle est obligée, c’est-à-dire dans l’obligation de faire et de comprendre, sans jamais se tromper, sans aucun manquement possible. Son mode de pensée peut être résumer ainsi : « Si il m’a été confié telle mission, telle responsabilité, c’est que j’en ai la capacité ? Si je n’y arrive pas, c’est que je ne suis pas à la hauteur ou que j’ai fait croire quelque chose de faux. Je suis donc menteur, vantard, et incapable. C’est ma faute »

3 Il ne communique pas clairement ses demandes, ses besoins, ses sentiments et opinions.

Il ne le fait pas, car il n’en a pas, si ce n’est de surpasser tout et tous, et de détruire ce qui pourrait lui faire de l’ombre. Cependant il sait que cette absence est a-normale. Aussi, il invite, imite, et laisse son interlocuteur dans l’embarras et le flou.

Ex : « J’aimerai beaucoup partir enfin en vacances ». Oui, mais où ? Quand ? Comment ? Avec qui ? A l’interlocuteur de deviner et d’anticiper. Et s’il ne le fait pas, le couperet va tomber… car, par amour ou amitié pour le manipulateur, il devrait savoir, sans qu’il soit besoin de lui dire.

A noter, le « enfin », qui est prononcé sur un ton de reproche, comme si l’interlocuteur – la victime – empêchait les vacances ou ne savait pas s’en charger.

Conséquence : la victime va constamment se demander ce qui pourrait satisfaire le manipulateur. Elle ne va avoir de cesse de proposer, d’organiser, de prévoir, y consacrant un temps infini, concentrant ses pensées uniquement sur ce qu’elle imagine faire plaisir au manipulateur. Bien sûr, elle ne peut y arriver, le manipulateur prenant un malin plaisir à changer de goût, d’avis, d’opinion, pour ne jamais être contenté. Pour ne jamais avoir à dire merci. Pour conserver le contrôle de la pensée de sa victime. Pour l’empêcher de penser à quoi que ce soit ou qui que ce soit d’autre.

4 Il répond très souvent de façon floue.

La clarté et l’évidence sont dangereuses pour le manipulateur car non négociables. Un « oui » ou un « non » fermes ne laisse aucune porte de sortie, aucune liberté de manœuvre au manipulateur. Aussi, il va répondre par des formules à la fois alambiquées et mystérieuses, laissant planer l’incertitude.

Ex : « Je verrai plus tard » (mais le « plus tard » est indéfini), « Pourquoi me poser cette question, tu connais la réponse » (et l’interlocuteur se voit contraint de se taire, fouillant chaque centimètre de son cerveau en espérant trouver cette réponse qui est censée s’y trouver – et ne la trouvant pas, se sent de plus en plus bête)

Conséquence : la victime attend. C’est d’ailleurs part commune chez les victimes : elles attendent. Elles attendent un geste, un mot, un compliment, une critique, un encouragement. Elles attendent et finissent par ne plus rien faire, ne sachant que faire. Et lorsqu’à force d’attendre, elles ne font vraiment plus rien, se sentant inutiles, sans envie et sans projet, elles se le font reprocher, de plus en plus vertement.

5 Il change ses opinions, ses comportements, ses sentiments selon les personnes ou les situations.

Non seulement il est caméléon, et s’adapte en fonction du profit à tirer de son ou ses interlocuteurs, mais n’ayant aucun sentiment, il va servir à celui ou celle qui l’écoute ce qu’il devine être le plus profitable, à l’instant. Ainsi, dans la même journée, il sera athée puis pratiquant, plutôt de gauche, ou plutôt de droite, plutôt réservé ou plutôt prolixe. Et jamais il ne posera de manière tranchée une opinion, ce qui lui permet ces volte-faces constants, qu’il ne remet pas en cause, mais dont il se sert pour expliquer à sa victime qu’elle « ne comprend rien et n’a le sens ni de la mesure, ni de la nuance. »

Conséquence : la victime ne sait plus quoi penser. Elle ne sait plus si elle a vraiment entendue, vraiment compris, et mieux encore, si elle sait aimer vraiment celui sur lequel elle semble se tromper, encore, puisqu’elle n’a pas compris, pas saisi ses vrais sentiments.

6 Il invoque des raisons logiques pour déguiser ses demandes.

Comme il est gentil, le manipulateur, à ne vouloir n’y s’imposer, ni obliger, ni gêner son interlocuteur ! C’est souvent ainsi qu’il explique pourquoi il ne demande pas clairement ce qu’il souhaite ou désire. Mieux encore, il ira jusqu’à dire qu’il laisse ainsi son libre-arbitre, sa faculté de penser à son interlocuteur. Certes. A condition de penser comme lui, de vouloir comme lui, de faire comme lui.

Le terme « demande » devrait d’ailleurs être remplacé ici par « ordre ». Car une demande qui n’est pas assouvie ne devrait pas entraîner de conflit. Un ordre non respecté crée une tension. Ce que le manipulateur appelle demande n’est rien de moins qu’une injonction – et c’est ainsi que les victimes l’entendent, mais déguisée par des formules de politesse, par de l’obséquiosité, par de la flatterie, qui endorment la vigilance et la capacité de refus des victimes.

Conséquence : la victime se remet en cause. Il lui est laissé le choix de décider ; si elle se trompe, c’est qu’elle ne sait pas faire, n’est pas à la hauteur, n’a pas de goût, pas d’idée, pas d’imagination.

7 Il fait croire aux autres qu’ils doivent être parfaits, qu’ils ne doivent jamais changer d’avis, qu’ils doivent tout savoir et répondre immédiatement aux demandes et questions.

Et pour mieux le laisser croire, il va d’abord séduire et flatter. Puis, lentement, remettre en cause. Enfin, il critiquera, reprochera, et détruira.

Conséquence : la victime devient ultra perfectionniste sans savoir définir ce qu’est la perfection. Elle va s’épuiser, aller au bout de ses forces physiques et intellectuelles, se critiquer avant même d’avoir entrepris la moindre action, déjà convaincue de ne pas pouvoir y arriver, et mieux encore de ne pas pouvoir satisfaire les attentes, et enfin de décevoir celui qui lui fait tellement confiance…

8 Il met en doute les qualités, la compétence, la personnalité des autres : il critique sans en avoir l’air, dévalorise et juge.

Ainsi, il tient à l’écart, sème le doute, se met en valeur et en avant, et isole la victime. Le manipulateur n’admet que la lumière, la puissance et la gloire. Tout ce qui peut être un obstacle ou un frein doit être éliminé.

Ex : « Ce dossier est pas mal. Mais le travail n’a pas été confié à la bonne personne. C’est dommage, une fois de plus elle ne se montre pas à la hauteur, alors qu’elle pouvait saisir sa chance. »

Conséquence : la victime se met à juger sans s’en rendre compte ses proches, ses collègues de travail. Pour justifier les propos du manipulateur et ne pas le critiquer ou s’opposer à ce qui est dit, elle va se taire, couper court à la communication avec ses proches, s’en éloigner, ou chercher en eux la moindre faille qui conforte ce qui lui est dit par le manipulateur.

9 Il fait faire ses messages par autrui.

Incapable de dire clairement les choses, il se sert de la technique dangereuse du téléphone arabe. Les messages sont forcément tronqués, déformés, et il a ensuite tout loisir pour dire que tel message ne vient pas de lui, que tel autre n’est pas vrai, que tel autre encore est une interprétation, pas la réalité.

Conséquence : la victime ne sait plus distinguer le vrai du faux. Elle ne sait plus si ce qui lui est dit par un tiers est exact. Elle doute de ce qu’elle entend, de ce qu’elle comprend, et même du tiers.

10 Il sème la zizanie et crée la suspicion, divise pour mieux régner.

Si la situation est classique, malheureusement, en entreprise, elle est encore plus classique dans des familles ou l’un des parents – parfois les deux – manipule. Pour mieux contrôler la fratrie, et parfois l’autre parent, le parent manipulateur va glisser des petites phrases, des petites remarques, de façon anodine, mais qui s’infiltrent comme du poison dans l’esprit de ceux qui les entendent. Ainsi, la rivalité entre sœurs, le rejet d’un parent par ses enfants, la cruauté d’un enfant envers les autres… prennent leur source dans ce venin, qui fait naître suspicion, doute, jalousie, tristesse, rancœur…

Conséquence : même si la victime peut trouver que ces remarques sont anodines, ou exagérées, elle aura à force de les entendre – car la répétition œuvre dans le sens du manipulateur – une méfiance, une défiance vis-à-vis des autres. Elle va se tenir à distance, se taire et s’éloigner, ou faire le jeu du manipulateur en cherchant à se défendre ou se protéger.

11 Il sait se placer en victime pour qu’on le plaigne.

D’ailleurs rien n’est jamais de sa faute. Il aurait tellement aimé que les choses se passent autrement. Et il est tellement malheureux… En public, il est capable de pousser à bout – à mots couverts – sa victime, pour la mettre en colère, pour l’obliger à se montrer sur la défensive, à donner une fausse image d’elle-même.

Il va user de tous les moyens possibles, jusqu’aux procédures, se glissant dans la peau d’un saint de vitrail blessé et malheureux.

Conséquence : la victime doit se justifier en permanence. Aux yeux des tiers, elle est responsable ou coupable, et se sent comme telle. Elle est dénigrée, ou croit l’être. Et à trop se justifier, elle en perd toute crédibilité. Elle-même finit par ne plus se croire. Elle-même finit par penser qu’elle est coupable.

12 Il ignore les demandes même s’il dit s’en occuper.

Tout autant, il promet énormément mais ne fait jamais rien. C’est une fabrique de belles paroles sans jamais qu’elles soient suivies d’effet.

Conséquence : non seulement la victime doit faire ce que le manipulateur avait promis, mais elle ne se sent ni écoutée ni vue. Elle se sent perdre en intérêt, se convainc de ne pas en avoir, ou de ne pas savoir dire ou faire. Elle se sent inutile, vide. Transparente.

13 Il utilise les principes moraux des autres pour assouvir ses besoins.

Et ce pour une raison bien simple : lui-même n’en a pas. Ni principe, ni valeur, ni sens du bien et du mal. Ou plus exactement, il connaît le sens du bien et du mal à la condition que ce soit son bien, son mal. Le reste ne le concerne en rien, et ne le touche pas. En revanche, il sait d’instinct que la morale permet d’organiser une relation, un système. Il observe et s’en sert pour les appliquer aux autres.

En résumé, le manipulateur est l’incarnation du « Faites ce que je dis, pas ce que je fais ».

Conséquence : la victime est soumise à des sermons et des rappels à l’ordre perpétuels. Elle vit aux côtés d’un censeur, d’un inquisiteur, qui, tel un Torquemada de salon, va chercher à la corriger, ou la punir en permanence.

14 Il menace de façon déguisée, ou pratique un chantage ouvert.

Ainsi, il instaure une ambiance de peur, de stress, permanents. Ce qui lui permet d’installer et de développer son contrôle sur sa victime. Il met en dépendance, de manière malsaine, et oblige à la soumission, par crainte de représailles verbales, ou physiques.

Ex : « Il vaudrait mieux que tu comprennes ce que je te demande sans que j’ai besoin de le répéter », ou encore : « Si tu ne suis pas mes conseils, ce sera la preuve que tu n’en n’as rien à faire de moi… »

Conséquence : la victime s’interdit de réfléchir. Elle est conditionnée à obéir. Au premier chantage, elle n’en tient pas compte. Le manipulateur va lui faire payer, car c’est pour lui une rébellion. Au deuxième chantage, présenté insidieusement, elle se pliera. Au troisième, elle perd déjà en personnalité.

15 Il change carrément de sujet au cours d’une conversation.

Toujours dans la nécessité d’entretenir le doute et le flou, ou encore pour ignorer sa victime, le manipulateur coupera court à une conversation entamée, s’imposant dans la discussion, et obligeant à parler d’autre chose.

Conséquence : la victime se sent là encore invisible, sans intérêt. Elle pense n’avoir aucune idée, aucune intelligence. Elle perd l’habitude de parler pour ne pas être à nouveau interrompue – elle entend alors qu’elle n’a jamais rien à dire, qu’elle est stupide. Elle perd en capacité et envie de s’exprimer, en privé, et en public. Elle devient mutique.

16 Il évite ou s’échappe de l’entretien, de la réunion.

S’il le fait par lâcheté, ce ne sera jamais présenté ainsi. Il fera croire à un rendez-vous plus important – ce qui dénigre l’intérêt du rendez-vous qu’il manque, à une urgence dont il ne peut parler, ajoutant du secret à son absence, à un souci personnel (santé, famille…) obligeant les autres à le plaindre.

Ainsi, il échappe à la confrontation, au risque de mis en échec ou d’être critiqué, à l’opposition. Si son discours tient face à un interlocuteur, il est en danger face au groupe, car dans le groupe il peut toujours se trouver une personne qui ne le croira pas et pourra le déstabiliser.

Conséquence : la victime « reste sur sa faim », doit se soumettre à des horaires et un changement perpétuel d’organisation et d’emploi du temps. Elle a de la compassion, elle surinvestit ce qu’elle doit réaliser, au risque de s’épuiser, pour soulager celui qui semble soudain en difficulté.

17 Il mise sur l’ignorance des autres et fait croire en sa supériorité.

Son discours transformera ignorance en incompétence. Il ne proposera jamais un enseignement sain, permettant à sa victime d’apprendre et de fait de développer ses propres compétences, il va la rabaisser, l’obligeant à se mésestimer. Il utilisera un discours compliqué, des phrases vides de sens mais complexes, faisant penser à ses interlocuteurs qu’ils ne comprennent rien. Excellent orateur, le manipulateur « s’écoute parler », et ne supporte aucune interruption.

Ex : « Je pensais que tu connaissais le sujet, il est tout à fait simple à comprendre, et nous aurions pu échanger toi et moi sur certains points. Il est bien dommage de ne pas pouvoir le faire mais je suis certain(e) qu’avec un peu de travail, tu seras bientôt à la hauteur pour pouvoir en discuter. »

Conséquence : la victime est peu à peu convaincue de ne rien savoir, et que cette absence de connaissance est de sa faute, tant il semble évident de savoir. Si dans un premier temps elle essaie d’apprendre, de s’informer, ce ne sera jamais assez, et elle se décourage au point de ne plus chercher à apprendre. Elle taira également ses connaissances, n’en sera plus sûre, et finira à nouveau par penser qu’elle est stupide.

18 Il ment.

Le mensonge n’est pas permanent mais régulier. Les vérités sont déformées, exagérées, enjolivées en fonction de ses besoins. Il invente des histoires, en les sachant fausses, par seul intérêt. Il sait qu’il ment.

Conséquence : la victime ne peut plus distinguer le vrai du faux. Elle passe des heures à analyser pour se rapprocher de la vérité. Mais quelle vérité ? puisqu’aucune ne semble vraiment vraie.

19 Il prêche le faux pour savoir le vrai.

Tout comme il divise pour mieux régner, le manipulateur est un parfait avocat du diable. Il sera alors tout sourire, tout sucre et tout miel, et la victime va se laisser berner et séduire.

Conséquence : la victime va lui livrer les informations recherchées sur un plateau et sans méfiance. Et avec ce qu’elle a fourni comme information, elle se fera écraser peu de temps après.

20 Il est égocentrique.

Le manipulateur sait parfaitement où se situe son nombril et l’entretien avec passion. Rien d’autre ne l’intéresse. Il est centré uniquement sur lui, sa réflexion, ses gestes, ses actes ont pour seul intérêt de nourrir ce « nombril ». Il est le nombril du monde, et tout doit tourner autour de lui et être fait dans son unique intérêt.

Conséquence : la victime doit se dévouer entièrement et exclusivement à cet être supérieur. Elle n’a pas le choix. Ce qui n’est pas fait pour lui sera jugé comme étant contre lui, et de ce fait rejeté, ignoré ou méprisé.

21 Il peut être jaloux.

Plus exactement, il peut se montrer jaloux. Car jaloux, il l’est intrinsèquement. Des autres, de ce qu’ils ont, de ce qu’ils sont, de ce qu’ils font. Il ne l’exprimera que s’il a un intérêt immédiat à le faire. Il sera alors dans la possession, et la destruction, par la parole, ou par le geste. Ce qui ne le sert pas ne doit pas exister et doit immédiatement être détruit.

Conséquence : la victime va couper les ponts avec ce qui était son passé. Sa famille, ses amis, ses études, son métier, ses goûts sont laissés de côté, abandonnés, pour ne pas permettre au manipulateur de soupçonner la moindre trahison, le moindre secret ; pour ne jamais être « pris en faute » ou à défaut.

22 Il ne supporte pas la critique et nie les évidences.

La remise en cause est impossible. C’est un crime de lèse-majesté qui doit immédiatement être puni. Le manipulateur n’admet pas la moindre opposition car il sait. Son pouvoir serait moindre s’il n’était pas omnipotent et omniscient. Aussi s’opposer à lui revient à se mettre en danger à l’instant même.

Conséquence : la victime accepte tout. Elle ne critique rien, ne juge rien, n’émet aucune idée contraire, approuve même ce qu’elle sait être faux, immoral, inutile.

Elle perd l’usage du « non », du refus, et développe une peur du conflit qui la maintient dans le silence et l’acceptation.

23 Il ne tient pas compte des droits, des besoins et des désirs des autres.

Tout simplement parce que l’autre n’existe pas ou uniquement pour le servir. L’altérité est une notion parfaitement opposée au fonctionnement manipulateur. L’autre est un objet, qui sera jeté ou détruit quand il ne sera plus utile. L’autre ne peut pas avoir d’idée, de sentiment, d’envie, de projet.

Conséquence : la victime va chercher à dire ce dont elle a besoin, ce qu’elle aime, ce qui lui plaît. Ses demandes et ses envies ne seront jamais écoutées et encore moins satisfaites. Là encore, elle va peu à peu perdre en personnalité. Elle va ignorer ses propres envies, et ses propres besoins, les croyant sans valeur et sans intérêt. Elle ne va plus s’écouter. Elle va s’oublier, totalement, au seul profit du manipulateur.

24 Il utilise souvent le dernier moment pour ordonner ou faire agir autrui.

Le manipulateur fonctionne et fait fonctionner dans l’urgence. Il déguisera ses demandes sous de faux compliments, ou au contraire en commençant par dénigrer et reprocher : « Vous auriez pu y penser avant ! Il faut toujours que je fasse tout tout seul… »

Conséquence : précipitation, stress, erreurs, conviction d’avoir tort… la victime pense qu’il lui appartient de répondre, tout de suite, parfaitement, et qu’elle est coupable de ne pas avoir anticipé une demande … qu’elle ne pouvait imaginer. La victime est privée de toute capacité de recul et de jugement. Elle vit dans l’instant présent, finit par tout accepter, est téléguidée, comme un automate. Elle possède une fonction marche – arrêt, et celui qui appuie sur le bouton, c’est le manipulateur.

25 Son discours paraît logique ou cohérent alors que ses attitudes répondent au schéma opposé.

Le manipulateur sait parler. Il est éloquent et convaincant. Il a toujours les bons arguments. Il semble même rassurant, et sécurisant… « on » lui fait confiance. Dans la pratique, il est désordonné, confus, désorganisé, imprécis, instable ; Mais le discours bien servi dupe ceux qui l’entendent. Ils s’y réfèrent et n’ont plus l’analyse nécessaire pour juger les actes. Ils s’en tiennent aux paroles, hypnotisés.

Conséquence : la victime tente de rapprocher les paroles des faits. Les paroles ayant une logique, elle va se reprocher de trouver un manque de logique aux faits, ou encore va se dire que l’action n’est pas terminée, que quelque chose d’autre va être mis en place. Elle est placée en situation d’attente, d’immobilisme. Ce que le manipulateur ne tardera pas à lui reprocher, comme il va lui reprocher son manque d’initiative, son incapacité à prendre des décisions, à mettre en place une action. L’accumulation des reproches pèse sur la victime comme des enclumes, et elle s’enfonce de plus en plus dans cet immobilisme mortifère.

26 Il flatte pour vous plaire, fait des cadeaux, se met soudain aux petits soins pour vous.

Séducteur un jour, séducteur toujours…Aucune manipulation ne fonctionne sans séduction. Elle en est l’origine et le fondement, et revient sans prévenir, souvent aux moments les plus critiques, pour rassurer, apaiser, et tromper un peu plus.

Conséquence : la victime croit en ce qu’il est commun d’appeler « la lune de miel ». Epuisée par les reproches, les critiques, le chantage, l’ignorance, elle se sent re-vivre. Elle s’imagine à nouveau vue, reconnue, aimée. Elle se rassure en se disant qu’elle s’est trompée. Qu’elle a sans doute mal analysé une situation. Qu’elle a sa part de responsabilité. Que chacun, pendant une période, peut être tendu, difficile, désagréable. Elle finit par penser que c’est de sa faute, qu’elle est trop exigeante, trop incohérente, trop « méchante ». Elle cède à la séduction. Elle se fait enfermer dans un schéma de violence psychologique, espérant ces lunes de miel, de plus en plus rares et brèves.

27 Il produit un sentiment de malaise ou de non-liberté.

Le manipulateur sème le doute, le flou, la confusion. Il oblige au contrôle, à l’hyper vigilance, à l’anticipation. Rien n’est naturel. Il absorbe l’oxygène, rend l’atmosphère pesante, oblige à raconter ses faits et gestes et jusqu’à dévoiler son jardin secret, de peur de se faire dire qu’il y a mensonge et dissimulation.

Conséquence : la victime n’est pas « à l’aise ». Elle vérifie chacune de ses paroles, chacun de ses actes, pour ne pas contrarier. Elle s’excuse, en permanence, de peur de déranger. Elle s’exprime de manière mesurée, redoutant d’être considérée comme agressive ou idiote. Elle respire moins bien. Son corps devient douloureux à force de se contracter ; La souffrance devient physique.

28 Il est parfaitement efficace pour atteindre ses propres buts mais aux dépens d’autrui.

Le manipulateur n’accepte que la gloire, la puissance et les sommets. Son objectif est de dominer, d’être puissant, seule valeur qu’il reconnaisse. L’autre n’existant pas ou uniquement à son profit, il sait s’en servir, comme d’un barreau d’échelle ou d’une marche d’escalier, pour continuer d’avancer et de grimper, sans se soucier des conséquences pour celui qu’il écrase.

Conséquence : la victime est petit à petit dépossédée de ce qu’elle est, de ses talents, de ses compétences. Utilisées uniquement afin de servir le manipulateur, elles s’amenuisent et la victime n’est plus à même de les considérer objectivement, puisque, aussitôt utilisées, aussitôt critiquées. En effet, si la victime savait se les attribuer réellement, elle pourrait en faire usage pour elle-même et de ce fait mettre en danger les rêves de grandeur du manipulateur. La victime est exploitée, et lorsque cette exploitation n’a plus de raison d’être, rejetée.

29 Il nous fait faire des choses que nous n’aurions probablement pas fait de notre propre gré.

Séducteur, convaincant, ou menaçant, il empêche la victime d’avoir le moindre libre arbitre. N’ayant ni valeur ni morale, il cherche son propre plaisir ou sa seule réussite, sans prendre en compte ce que d’autres vont transgresser pour lui. Il ne voit que le résultat, le moyen ne compte pas.

Conséquence : humiliations, compromissions, soumission, acceptation des abus… la victime est là aussi comme « télécommandée » et accepte, ou croit accepter, ce qui est contraire à ses valeurs. Que ce soit d’ordre matériel, financier, spirituel, physique, sexuel, la victime ne dit jamais non. Et comme elle ne dit jamais non, il est encore plus simple pour le manipulateur de lui faire penser et croire qu’au fond d’elle, elle était d’accord, elle avait dit oui.

30 Il fait constamment l’objet des conversations, même quand il n’est pas là.

Le manipulateur devient indispensable. Tout tourne autour de lui – c’est le but recherché – et consacrer du temps à autrui ou autre chose est interdit. Lorsque l’entourage sent ou comprend la dangerosité du comportement, il continue d’en parler, cherchant à comprendre un peu plus, à se justifier, à excuser ou à critiquer. Et tout ce temps, qu’il soit présent ou non, est autant de cadeaux qui lui sont faits, puisqu’il interdit que quoi que ce soit existe sans lui.

Conséquence : la victime croit trahir en ne pensant pas au manipulateur, en n’agissant pas pour lui, en ne parlant pas de lui. Elle est obsédée, se sent obligée d’en parler constamment, en vient à lasser les autres, et les trouve irrespectueux ou méchants de ne pas avoir la même dévotion. Quand elle prend conscience, elle n’a de cesse de se justifier, ou d’en parler pour être rassurée et confortée, pour ne pas se sentir injuste, cruelle ou ingrate.

La victime n’existe plus qu’au travers du manipulateur.

©Anne-Laure Buffet

JOURNÉE GUERRE ET PAIX DANS LES FAMILLES – RÉSUMÉ DES INTERVENTIONS

Le 25 novembre, l’Espace Famille 92, présidé par Jean-Michel Jamet, organisait à Boulogne Billancourt sa troisième journée d’étude:  « Guerre et Paix dans les familles, ou comment les violences délitent les liens ».
Avec le centre Flora Tristan et l’association CVP

Cette journée s’est déroulée avec le soutien de la mairie de Boulogne Billancourt, de son Maire adjoint à la santé, monsieur Morand, et de son maire adjoint à la parité et au Droit des femmes, madame Defranoux.

Monsieur Jean-Michel Jamet a présenté les interventions de la journée, en concluant par ce que disait Edgar Morin : l’homo erectus est devenu homo sapiens – homo sapiens sapiens, puis homo sapiens démens, laissant naître la violence.

Deux conférences ont eu lieu durant la matinée.

La première : « Violences conjugales – Repérer – Agir »  fut animée par mesdames Françoise Toutain, directrice du centre Flora Tristan 92 et Guilaine Pineau, psychologue clinicienne. 
Elles ont présenté l’accueil, l’accompagnement, les possibilités d’hébergement, de mise en sécurité et de soutien des centres Flora Tristan et l’Escale, situés dans les Hauts de Seine.
Au cours de cette intervention, elles ont projeté le court-métrage ANNA, réalisé par la MIPROF. Ce court métrage montre une jeune femme victime de violences conjugales, son déni, sa peur et sa culpabilité, sa honte, jusqu’au repérage et à la prise en charge par un professionnel de santé. La vocation de ce film est d’être formatif et informatif pour tous les professionnels destinés à recevoir et écouter des personnes victimes de violences au sein de la sphère privée.

Au cours de l’année 2014, le centre Flora Tristan a reçu sur son numéro d’appel plus de 1800 appels, demandes d’aide et de secours. Il a hébergé et ainsi mis à l’abri de violences 250 femmes et enfants. Les séjours y sont généralement de 48h, avant de trouver un lieu d’hébergement sur, à l’abri, et afin de mettre en place les mesures juridiques de protection pour les victimes.
Cette intervention a rappelé le cycle de la violence :

Les violences conjugales durent parce qu’elles s’installent progressivement.

La victime perd alors ses repères, sur ce qui pourrait paraître normal dans une vie de couple (quelques disputes ou crises passagères)  et ce qui n’est pas normal (une emprise et une destruction de la personne). Elle perd aussi ses forces et croit qu’il est de son devoir de « tenir bon », pour préserver la famille ou les enfants, parfois aussi pour protéger son mari, dont elle perçoit des faiblesses derrière sa violence.

L’escalade : au début, dans le couple, tout va bien, puis petit à petit, s’installe la tension dans la relation. Sous prétexte que… La salière est mal placéeles enfants le fatiguentelle a trois minutes de retard, elle démontre trop de plaisir en compagnie de…, surcroît de travail, alcool, stress, chômage, maladie, …
Le prétexte devient le déclencheur de l’incident : pour éviter une scène, la victime tente par tous moyens d’abaisser la tension de son partenaire. Elle devance et se plie à ses exigences. Elle a peur, est paralysée, tétanisée. Elle se fait toute petite.

L’explosion : l’épisode violent aura lieu, quelle que soit la forme de violence utilisée, l’auteur donne l’impression de perdre le contrôle de lui-même, il dit « qu’il ne peut pas s’en empêcher » La victime se sent démunie, détruite intérieurement.

Le transfert : l’auteur tente d’annuler sa responsabilité dans la crise qu’il a déclenchée, le prétexte devient l’excuse utilisée pour transférer cette responsabilité à la victime.  La victime intériorise cette responsabilité, elle le connaît bien, il n’aime pas  qu’elle  s’habille comme ça, travaille, parle avec ses amies… c’est de sa faute. Elle en oublie sa colère, pour que cette violence cesse, elle pense que c’est à elle de changer de comportement… La victime endosse la responsabilité de l‘épisode violent, elle devient la coupable, les rôles sont inversés, l’auteur reprend très rapidement une vie normale.

La lune de miel : après la crise, l’auteur qui craint de perdre sa compagne commence à exprimer des regrets tout en minimisant les faits et justifiant son comportement. Il veut se réconcilier, il demande pardon, supplie de tout recommencer “à zéro”. Il redevient très amoureux, achète des cadeaux, partage les tâches ménagères, l’éducation des enfants, il promet qu’il ne recommencera plus, qu’il se soignera si cela est  nécessaire… De son côté la victime espère, pardonne, elle veut y croire, elle redécouvre l’homme qu’elle a aimé.
Plus est forte l’emprise de cette violence sur la victime, plus s’amenuisent les périodes de lune de miel, qui vont peu à peu disparaître. L’auteur n’en a plus besoin pour la retenir, les conséquences sur sa vie, sa santé, sont telles qu’elle ne croit plus pouvoir y échapper. Le seuil de tolérance à la violence s’élève.

C’est pendant la période de lune de miel, croyant que tout peut changer, que la victime retire sa plainte, revient au domicile, rompt toute relation avec l’entourage.

C’est également pendant cette période du cycle que, souvent par manque de connaissance du processus de cette violence et de son emprise sur les victimes, les amis, la famille, les voisins, les collègues, ne comprennent plus. Ils se sentent impuissants, ils sont déçus de l’attitude de la victime, ils se promettent de ne plus intervenir. Les professionnels qui n’ont pas reçu de formation spécifique, qu’ils soient médecins, avocats, travailleurs sociaux ou policiers, réagissent de même.

Françoise Toutain et Guilaine Pineau ont insisté sur le rôle des professionnels et sur la nécessité de leur formation afin de pouvoir repérer et en prendre en charge les victimes de violence. Françoise Toutain est revenue sur le terme « victime », souvent décrié car dénigrant pour une personne déjà en souffrance. Elle a rappelé que les anglo-saxons parlent aujourd’hui de « survivor », ou survivantes, pour ces personnes sous emprise psychologique et physique.
Enfin, elles ont l’une et l’autre mis en avant pendant cette intervention que la victime – survivor – est dépersonnalisée, devient object de son bourreau, a souvent peur de fuir, en a rarement le moyens financiers, juridiques, et psychologiques, se retrouve dépossédée d’elle-même.
CONTACT Centre Flora Tristan :  – 01 47 36 96 48

La deuxième conférence était proposée par Anne-Laure Buffet, présidente de l’association CVP, à Bloulogne Billancourt (92). Le thème était : Les conséquences de ces violences sur les enfants. 
Ci dessous, un résumé de ce qui a été dit pendant cette conférence :

Chaque jour, le nombre d’enfants exposés à de la violence et à des négligence graves ne cesse d’augmenter. Ces violences familiales engendrent des problèmes physiques et psychologiques ainsi que de lourdes conséquences à long terme. Outre les effets dommageables produits sur les enfants dans l’immédiat, les mauvais traitements sont associés à des difficultés multiples et qui font surface à l’adolescence et à l’âge adulte. Aujourd’hui nous parlons d’enfant. Nous en parlons sans définir ni son âge, ni son sexe, mais comme d’un individu en construction, dans son rapport à lui-même, et dans son rapport à l’autre, dans son intégration sociale

Cet enfant sera un jour un homme ou une femme. Il sera aussi un citoyen ou une citoyenne, un parent, un individu à part entière. Ce qui se construit aujourd’hui dans son identité et sa personnalité, lorsque cet enfant est victime de violences familiales, c’est son avenir, mais aussi, de manière plus globale, celle de notre société. Ce qui dès aujourd’hui se déconstruit quand il est soumis à la violence familiale, c’est sa place, tant au sein de cette famille, que dans la société.
Un enfant qui voit ses parents se déchirer, qui est pris à témoin et à partie, qui subit directement la violence familiale que ce soit par les gestes, la paroles, les actes, les coups, ne cesse pas d’aimer ses parents. Ce que l’enfant cesse d’aimer, c’est lui-même, car s’il ne reçoit pas d’amour, s’il n’en a pas de preuve, c’est qu’il n’en est pas digne. Or, un enfant qui grandit en ne s’aimant pas et en se sentant indigne d’être aimé va porter une faille narcissique totalement destructrice. Se croyant incapable de recevoir de l’amour, il va pourtant le quêter, le plus souvent en se mettant en danger. Il peut également le fuir. Il peut enfin en venir à se détester et commettre contre lui-même des actes visant à disparaître, parfois définitivement.

Ses repères, ses valeurs sont inexistants ou extrêmement fragiles.
Il ne sait pas vers qui se tourner, ni à qui s’adresser.
Le plus souvent, il n’est même pas conscient d’être en danger.

Un couple qui évolue dans une relation conflictuelle met toujours en péril son enfant. Soit, parce que cette relation conflictuelle se soldera par une séparation, un divorce. L’enfant, et particulièrement l’aîné quand il y a fratrie, porte alors inconsciemment la responsabilité de cette séparation. Il se sent coupable, n’ayant pas pu permettre au couple parental de rester uni.

Quant à l’enfant exposé de manière structurelle aux conflits et à la violence sans qu’un terme n’y soit mis, il est également en danger, n’ayant pour repère que cette communication violente entre ses parents. L’amour, la confiance en soi et en l’autre, le bien-être, la chaleur familiale lui sont étrangers. Le plus souvent, il ignore ces principes qui devraient pourtant être fondamentaux pour sa construction individuelle.

La situation de violence conjugale dont la dynamique est celle d’une prise de pouvoir de l’un des conjoints sur l’autre est encore plus problématique. Les formes de violences en jeu demeurent parmi les plus radicales et les plus intenses.
Qui plus est, comme tout système maltraitant, la relation conjugale violente fonctionne à huis clos, par emprise et assignation au secret. Elle isole, rabaisse, humilie. La victime y risque son intégrité psychique et parfois sa vie.

Les enfants connaissent aussi cette situation : ils se construisent dans une relation d’interdépendance avec des parents massivement absorbés par la relation violente. Le risque majeur les concernant n’est plus seulement celui de la souffrance, mais celui du trauma.

Les professionnels relevant des champs de la justice, du soin, du social, de l’enseignement ou de l’animation sont tous concernés. L’idée n’est pas que chacun occupe tous les rôles dans cette volonté de protéger les enfants en danger, mais que chacun puisse contribuer à une action de prévention et de protection qui s’articule avec celle des autres.

Enfin, les évènements de ces derniers jours, qui viennent en surpoids d’une crise économique et sociale ne peuvent qu’accentuer ces demandes et ces besoins d’aides, d’écoute et d’accompagnements auprès des enfants en danger. Car il en va tant de leur construction individuelle, de leur vie, que de leur avenir, et celui de notre société. L’impact du terrorisme, qui nous effraie tous, et nous concerne tous. Or, la maltraitance psychologique, physique, au sein de la famille, fonctionne comme le terrorisme national.

Un enfant exposé à la violence psychologique peut ne rien dire, ne rien exprimer ni formuler. Aux yeux des personnes non informées, ou non vigilantes, il ne manifeste aucun comportement particulier, alarmant, pouvant justifier d’une inquiétude, d’une prise en charge, voir d’un signalement de situation préoccupante. Or, tous les enfants qui subissent la violence dans le huis-clos familial vont développer à court, moyen ou long terme, divers symptômes, de divers ordres : les symptômes post traumatique, les symptômes visibles et les symptômes invisibles.

1/ SYMPTÔMES POST TRAUMATIQUES

Ce qui crée le traumatisme est la répétition des faits.

Il existe une différence entre blessure et traumatisme : le traumatisme s’installe dans la durée, en aggravant régulièrement la même blessure qui ne peut donc cicatriser.
La violence répétée, physique, verbale provoque de lourdes conséquences. Et plus elle est cachée, plus les conséquences sont douloureuses et s’inscrivent dans le temps.

a) les symptômes d’intrusion qui rappellent l’événement traumatique sous forme de cauchemars, pensées envahissantes, flash-backs (jeux répétitifs chez l’enfant) ;

b) les symptômes d’évitement de tous les stimuli associés au traumatisme (sentiments, conversations, activités, endroits, personnes, etc.) susceptibles de mener au détachement d’autrui et à une restriction des affects ; Ex : Refus de parler, enfant mutique

c) les symptômes neurovégétatifs, tels que les difficultés d’endormissement ou sommeil interrompu, l’irritabilité ou accès de colère, les difficultés de concentration, l’hyper-vigilance, la réaction de sursaut exagéré.

2/ SYMPTÔMES VISIBLES

 a) Problèmes de santé : retard de croissance, allergies, troubles ORL et dermatologiques, maux de tête, maux de ventre, troubles du sommeil et de l’alimentation, plus souvent victimes d’accidents (8 fois plus d’interventions chirurgicales), encoprésie, énurésie

b) Troubles de l’adaptation : phobies scolaires, angoisse de séparation, hyperactivité, irritabilité, difficultés d’apprentissage, troubles de la concentration

c) Troubles du comportement, 10 à 17 fois plus que des enfants dans un foyer sans violence, dont des comportements agressifs vis à vis des autres enfants, 50 % des jeunes délinquants ont vécu dans un milieu familial violent dans l’enfance.

d) Comportements à risque – Comportements suicidaires

 (Rappel : SUICIDE = volonté ou désir conscients et délibérés de se donner la mort => acte volontaire)

 

3/ SYMPTÔMES INVISIBLES

 a) L’instrumentalisation de l’enfant : la double contrainte, le conflit de loyauté, le déni parental, les fausses accusations

–       La double contrainte

On nomme double contrainte (double-bind) une paire d’injonctions paradoxales consistant en ordres explicites ou implicites intimés à quelqu’un qui ne peut en satisfaire un sans violer l’autre.

–       le conflit de loyauté

Conflit intra-psychique né de l’impossibilité de choisir entre deux situations possibles, ce choix concernant le plus souvent les sentiments ou ce que nous croyons en être, envers des personnes qui nous sont chères

Problème pour l’enfant : comment se positionner ?

–       le déni parental

Comportements de l’un des parents qui vise à exclure l’autre parent en tout ou partie de la vie de l’enfant, l’enfant rejetant ce parent sans se rendre compte qu’il est manipulé.

La communication est coupée, il y a refus d’informer sur quoi que ce soit, refus de communiquer adresse, documents administratifs…

En principe le déni parental s’ajoute au conflit de loyauté : le parent toxique manipule l’enfant et lui fait croire que c’est l’autre parent qui a coupé les ponts, la communication…

–       les fausses accusations, soit de la part d’un enfant manipulé, soit de la part d’un des deux parents.
Objectif : semer le doute et la confusion
Ceci peut aller plus loin : dépôt de plainte, dénonciation, signalement, auprès du Procureur, de la BPM, ou tout simplement à l’école, pour encore une fois semer le doute et la confusion

b) La parentification : Parentalisation et Incestuel

–       la parentalisation

Prendre l’enfant en confident, faire disparaître la barrière générationnelle, faire de l’enfant son parent, responsabilités trop importantes pour son âge…

–       l’incestuel

Barrières totalement absentes, la sexualité du parent est racontée, voir exposée à l’enfant

Une fois comprise l’existence de divers symptômes possibles, il faut non seulement pouvoir les détecter, mais aussi les rendre efficients afin de trouver pour l’enfant la solution la plus adapter, qui va le protéger et éventuellement mettre un terme à la maltraitance

L’enfant, consciemment ou non, envoie des signaux d’alerte. Ceux-ci doivent entraîner des conséquences sur le plan juridique, psychologique et social.
Le rôle des professionnels est défini, et est essentiel dans la protection et l’accompagnement de l’enfant et de la famille en danger.

4/ SIGNAUX D’ALERTE

a) les mots des enfants

Rappel : les enfants sont influençables
Rappel : l’enfant qui va être entendu est en situation d’anxiété

b) l’âge des enfants : un enfant ne peut pas inventer quand il est petit : il raconte ce qu’il voit, ressent, ou ce qu’on lui dit de raconter.

c) la posture de l’enfant face au parent

En rendez-vous : comment se comporte l’enfant quand il est seul, et quand il est avec son ou ses parents

d) le comportement individuel, scolaire, social

5/ CONSÉQUENCES JURIDIQUES ET SOCIALES

Chacun a le devoir, la responsabilité, de faire un signalement au parquet s’il est témoin de violences ou de comportements préoccupants. Le signalement peut être fait par un professionnel, par un membre de la famille, par un étranger à la famille témoin de violences et de maltraitances.

Avant le signalement, il est possible de faire une information préoccupante : la situation est examinée par les cellules existant dans chaque département, entre autres l’Aide Sociale à l’Enfance, avant de recourir au procureur ou au Juge des enfants. Ce peut être aussi PMI, BPM…

–       AEMO (action éducative en milieu ouvert): la mission est de conseiller et d’aider les détenteurs de l’autorité parentale afin de faire disparaître l’état de danger ou de conflit.

L’éducateur doit faire un compte-rendu régulier au Juge des enfants ; relai en cas de placement accepté par les parents : savoir présenter l’éventuel intérêt d’un placement, ce qu’il en découle, les droits des parents…

  • rôle éducatif pour supprimer les maltraitances
  • rôle psychologique pour clarifier les problèmes et suivre la famille

–      Le placement : décidé par le juge des enfants.

Différents types d’accueil possibles : à la journée, pendant un temps déterminé, en placement indéterminé
-> chez une personne privée : autre parent, membre de la famille, famille d’accueil
-> dans un établissement sanitaire ou établissement d’éducation ordinaire ou spécialisée
-> dans un service de l’ASE

RAPPEL : Ce sont des mesures provisoires. Elles peuvent à tout moment être à nouveau examinées. Un enfant peut écrire au JE pour demander à rentrer chez lui.

6/ LE ROLE DES PROFESSIONNELS

a) La mission de prévention
Tous les professionnels ont une responsabilité vis-à-vis des enfants, futurs adultes, personnes en construction et en développement, afin de les protéger et de les accompagner face à la violence psychologique et physique.
Aussi, indiquer les numéros d’écoute, les centre d’appels, les lieux où parler, les organismes et personnes à contacter, est une nécessité qui devrait faire loi.

–       Dans les écoles, les collèges et les lycées
–       Dans les crèches, et tous les centres d’accueil destinés à l’enfance (centre de loisirs, organismes de voyages et séjours scolaires…)
–       Chez les professionnels de santé

(Pour info, Sos enfants maltraités a reçu plus de 5600 appels en 2014.)

B) La mission d’information et d’accompagnement
L’accompagnement des enfants et des familles en difficulté commence par l’écoute.
Ecoute : services téléphoniques, à commencer par le 119 (loi du 10 juillet 1989, création du SNATED : Service National d’Accueil Téléphonique pour l’Enfance en Danger). Aujourd’hui le SNATED propose des forums sur Internet

Interservices parents : accueil, écoute, aide aux familles

Le professionnel a des responsabilités : Ecouter, c’est faire un effort conscient pour entendre. Il faut être à la fois disponible et faire preuve d’ouverture d’esprit.
Il faut faire preuve d’empathie, encourager la parole – particulièrement au téléphone. Attention au « mais » qui peut tout remettre en cause. La reformulation est essentielle : elle permet d’instaurer la confiance, de montrer à l’appelant qu’il este entendu, que le professionnel veut le comprendre.

Ecouter, c’est aussi observer les gestes, les attitudes, les comportements (sans se prendre pour un profiler). C’est prendre le temps. C’est enfin donner les moyens nécessaires pour permettre la parole si elle est difficile : dessins, jeux de rôle, figurines…

Il faut également rendre la parole aux parents bienveillants, les inciter à parler, à raconter la vérité, à reprendre leurs places, à donner des valeurs. Le parent bienveillant se sent souvent incapable, interdit de dire et d’agir. Or, il est autant parent que le parent maltraitant. S’il laisse dire ou faire, souvent par peur, il ne peut assumer son rôle de protecteur vis-à-vis de son ou ses enfants. Aussi, encourager ce parent à rependre son rôle et sa place est indispensable tant pour lui que pour les enfants. Ceux-ci ne se sentiront plus, ou moins, pris dans l’engrenage de la violence et du conflit de loyauté. Quant au parent, il se sentira actif dans ce combat face à un parent violent, il se sentira existant. Le combat est long, épuisant, difficile. Mais aussi épuisant qu’il soit, chaque parent bienveillant a non seulement le droit, mais le devoir d’y participer, de ne plus se laisser déposséder de ce qu’il est en tant que parent et en tant que personne.

Un petite réflexion destinée à tous les professionnels, de la santé, du droit, du social, de l’enseignement : en tant que professionnel il ne faut pas se retrancher derrière son mandat mais assumer chacun sa responsabilité tant de professionnel, que de citoyen et éventuellement de parent. Car si nous sommes contactés comme professionnels, aimerions-nous, pour ceux d’entre nous qui sommes parents, nous retrouver dans le camps des accusés à tort, et pire encore, voir nos enfants utilisés et abîmés, peut-être bien plus, par une volonté manipulatrice et destructrice ? Savoir prendre position est un risque mais aussi une nécessité. Il faut savoir prendre le temps, écouter, observer. Il faut accorder du crédit non seulement à la communication verbale, mais aussi à la non verbale. Il faut enfin comparer les discours des deux parents, et celui de l’enfant, observer les écarts.

Etre professionnel ne fait pas de nous des robots. Nous devons conserver notre part d’humanité, en apprenant par le biais entre autres de formations et de supervision à nous protéger de l’empathie qui biaise l’écoute, mais sans perdre de vue que ces situations dramatiques peuvent aussi nous arriver, à nous, à nos proches.

Pour finir, ce message de Mère Térésa : «  LA PAIX DU MONDE COMMENCE À LA MAISON »

La journée s’est poursuivie l’après-midi avec une représentation théâtrale donnée par Rozenn Bodin, « Des mots sur des maux »
Une représentation extrêmement poignante, juste, mettant en scène la souffrance des enfants, des adultes, le difficile combat procédurier, l’isolement, le morcellement, la violence physique.

NE PAS SE TROMPER DE CIBLE

dead end

Ce blog a deux mois.
À l’instant où j’écris l’article, il a reçu 7824 visites. Ce chiffre parle de lui-même. Les manipulateurs, les pervers narcissiques, effraient, envahissent, détruisent, deviennent malheureusement un quotidien. Une cause de destruction.
Depuis l’existence du blog, et de la page , j’ai reçu de nombreux témoignages.
J’ai également eu des appels au secours.
Avec, souvent, des situations d’une extrême urgence à gérer.
Je réponds toujours. Même le week-end. Les jours fériés. La nuit. Je suis le plus possible présente, à l’écoute et dans la recherche de solutions.

Je SAIS ce que vit une victime de PN. Je l’ai écrit sur ce blog.

Je sais sa souffrance. Ses peurs. Ses doutes. Sa solitude. Sa culpabilité.
Je comprends et j’entends le besoin, la nécessité de parler. Et celle d’avoir une oreille attentive, chaleureuse, compréhensive.

Puis, il faut passer à l’action. Comprendre les conséquences d’une vie avec un PN est une première étape. C’est la prise de conscience. Reste le plus douloureux. AGIR. Oublier la compassion que l’on espère et que l’on recherche. Oublier les mots qui réconfortent, pendant un temps. Oublier la peine, pour pouvoir être efficace.
Et ne pas se tromper de cible.
Ceux qui, comme moi, sont prêts à aider, à informer, à accompagner, donnent de leur temps et le font volontiers, vont devoir aussi, souvent, être directs quand il faut agir. Car il ne faut plus perdre de temps. Face à une question pratique : que faire ? il faut répondre de manière aussi pratique. Si la réponse semble brutale, dénuée de sentiments, c’est une erreur de la part de celui qui la reçoit de l’entendre ainsi. La vraie brutalité serait de ne pas répondre.
Je ne suis là pour culpabiliser personne.
Mais quand un sauveteur vient repêcher celui qui se noie, il ne cherche pas à savoir s’il risque de l’écorcher, de lui faire un bleu, de l’égratigner. Il panse les plaies lorsque le noyé est sorti de l’eau.
Quand j’interviens auprès d’une victime, comme ce sauveteur, je sais que mes paroles peuvent être mal perçues. Elles sont faites pour faire agir. Pour entreprendre des démarches, constituer un dossier, se mettre à l’abri.

Les plus grandes blessures, les plus grandes cicatrices, elles sont dûes au PN. Chaque effort pour le quitter fait mal et laisse une trace. Mais sans ces efforts, il est impossible de s’en sortir. Aussi douloureux soient-ils. Et si parfois la douleur semble plus forte, c’est qu’elle annonce aussi la fin du tunnel, la « guérison ».

MALTRAITANCE SUR ENFANT – CONSÉQUENCES À LONG TERME

RTEmagicC_peur-enfant_Pink_Sherbet_Photography-flicr-cc-by-20_03_txdam33166_13a654Pour mesurer la gravité de la maltraitance, il est nécessaire de prendre en compte ses différentes conséquences sur le long terme, que cela soit physique ou psychique et sur la société toute entière.

Les troubles de la santé sont des conséquences non négligeables de la maltraitance, apparaissant sous forme de lésions ou d’atteintes physiques (troubles du sommeil, de l’alimentation, phobies…).

Quelles que soient les formes de maltraitance, elles ont très souvent des conséquences majeures sur le développement des enfants, qui se traduisent le plus souvent par des propensions inégales au bonheur et aux souffrances, voire dans la reproduction de comportements violents sur soi-même ou sur les autres… Rappelons cependant que si 80 % des parents maltraitants ont été des enfants maltraités, que 80 % des enfants maltraités seront de bons parents.

Les différents spécialistes de la question des conséquences à long terme de la maltraitance considèrent que :

  • La privation, autrement dit la maltraitance par négligence, peut engendrer chez l’adulte du désespoir voire un refus de vivre.
  • Les violences verbales s’impriment durablement dans la conscience des individus et peuvent engendrer par la suite un manque de confiance en soi, un rejet de son image et une perte d’identité.
  • Les violences sexuelles peuvent entraîner une importante négation de soi, pouvant être à l’origine d’états dépressifs voire suicidaires.

La maltraitance menace également un des processus les plus important dans le développement normal de l’enfant : la transmission.

Les conséquences peuvent être dramatique à la fois sur la construction de l’image et de l’identité de l’enfant et sur sa relation aux autres. Les difficultés relationnelles à l’âge adulte peuvent être symptomatiques de mauvais traitements durant l’enfance. Les risques d’une mauvaise acceptation de soi mais aussi des normes sociales à l’âge adulte est une conséquence fréquente des maltraitances.

De plus, la manifestation de comportements à risques une fois adulte, accompagnée d’une dégradation de la santé semble être une conséquence des phénomènes de maltraitance. Vitesse en voiture, prises de drogues sont des exemples de prises de risques souvent rencontrées chez des individus ayant soufferts de mauvais traitement étant enfant. Le rapport au danger, à la souffrance et à la vie semble être profondément marqué par un déni, une négation voire une indifférence forte.