Le 15 mars 2014, lors du groupe de parole, nous accueillions Eglantine Lhernault.
Eglantine rejoint le groupe. C’est la première fois qu’elle y participe. Intimidée, comme tous ceux qui viennent la première fois, elle s’assied, écoute, observe, hésite à prendre la parole. Elle a peur de la sienne, elle a peur de celle des autres. Elle ne craint pas le jugement, elle ne se sent pas coupable, elle n’a pas honte. Ce qu’elle redoute, ce sont ces souvenirs, cette vie qui pourrait être réveillée lorsqu’elle nous livrera son témoignage. Son parcours. Elle redoute que la blessure ne soit pas refermée – l’est-elle un jour complètement ? Elle redoute d’avoir mal à nouveau.
Mal comme un enfant qui reçoit les coups. Mal comme l’enfant qu’elle a été, qui prenait des coups. Mal comme l’enfant qu’elle est encore, qu’elle sera, toujours… Mais enfant construite dans la violence. La violence qu’on ne voit pas, qu’on tait, qu’on ne palpe pas et qu’on ne comprend pas.
L’invisible violence.
Eglantine a raconté son histoire. Elle l’a écrite. Elle vient nous parler d’elle. Elle vient nous parler de ce livre-témoignage dans lequel elle raconte, sans compassion, sans complaisance, sans exhibitionnisme, son enfance, son adolescence. Un père pervers narcissique. La violence et le silence, quotidiens. Jusqu’à ce qu’elle fasse le choix de vivre.
« Ma mère a épousé son psy et me voici. Ou, plutôt, mon père a épousé sa patiente et me voici. Ce sera ça l’histoire.
Une histoire qui pourra sembler banale. Ordinaire.
D’une à qui on n’a rien demandé. D’une qui s’interroge trop.
D’une qui souffre et qui se tait. D’une qui a appris à aimer la vie, malgré les nœuds dans la tête et les bâtons dans les roues.
Mais derrière le banal, il y a l’innommable. Le monstre que l’on ne peut pas montrer. La vérité invisible et indicible. »
Ce roman nous invite à suivre un regard, celui d’une enfant née de l’union d’un psychiatre et de l’une de ses patientes ; enfant à la fois témoin et victime de violence psychologique au sein d’une famille extérieurement normale. Ce regard d’enfant, puis d’adolescente, est parfois étayé par celui de la jeune adulte, parfois laissé à sa naïveté première et à l’étrangeté du monde sur lequel il se pose.
Inspiré de faits réels, forts et déstabilisants, mais racontés avec pudeur, ce texte intime résonne de façon universelle, car il porte sur un sujet à la fois actuel et intemporel. Douloureux monologue, le cri silencieux de cette enfant broyée par les enjeux inextricables d’une situation de violence invisible et de harcèlement moral nous bouleverse.
Invisible violence, Eglantine Lhernault. Ed. Les 2 encres. Un témoignage à lire.
Pour en découvrir les premières pages, c’est ICI.