ETRE SOI – UNE QUESTION DOULOUREUSE

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Le 25 juin, le dernier groupe de discussion se réunissait avant la coupure de l’été.
Un groupe autour du thème : « Etre soi ».
Question difficile, qui se divise en deux interrogations : que veut dire « Etre » , et que veut dire « Soi » ?
Que veut dire être, alors que face à la violence psychologique, exister est interdit ? Que veut dire « être » lorsque dire « je » met en danger ? … En effet la personnalité toxique ne peut supporter que sa victime parle d’elle. Aussitôt il lui sera reproché de se mettre en avant, de faire preuve d’égoïsme, de ne pas penser aux autres… La victime essaie de se positionner, mais ses positions ne sont pas respectées, sont rejetées, ou encore sont utilisées contre elle.
Si, en présence de tiers, la victime maintient ce « je », le reproche ne sera pas immédiat… La personnalité toxique va agir, va foudroyer sa  victime, mais dans le secret du huis-clos. Elle valorisera même le « je » de sa victime, en public, pour mieux le démolir en utilisant un discours paradoxal et agressif dès qu’il n’y aura plus de témoin. Petit à petit « je » s’efface, laisse la place à l’autre, s’oublie, se met en retrait, pour ne pas gêner, et surtout, pour ne pas être bousculé un peu plus.
Les victimes de violence psychologique n’en n’ont pas conscience. Mais elles ne savent plus dire « je », ou dans de rares occasions. S’il s’agit de féliciter, de valoriser, de mettre en avant la personnalité toxique, elles l’utiliseront. « Je suis heureuse pour toi, je suis fier de toi, je vais le faire pour toi, je te demande pardon. » C’est un « je » soumis, contraint, sans allant ni motivation. C’est un « je » qui cherche à se protéger, mais qui meurt peu à peu en se taisant.

Aussi le « soi » est encore plus difficile à définir.
Soumis à un parent toxique, l’enfant n’est jamais lui, mais uniquement le produit de ce qu’il doit être pour satisfaire ses parents, et ne pas s’exposer à la violence, sous toutes ses formes. Et même dans ce contexte, il se retrouve exposé. Violence verbale qui pose des injonctions, des menaces, des critiques ; violence physique qui contraint un peu plus, maintient un peu plus sous l’autorité maltraitante, qui empêche toute réaction. Violence sexuelle présentée comme une normalité, comme un gage d’amour, de tendresse, d’attention. L’enfant n’a pas de « soi » propre. Son « soi » appartient à son ou ses parents. C’est un instrument de pouvoir et d’emprise.
L’adulte victime perd ce qui constituait ce « soi ». Un « soi » fragile, ou fragilisé, mais avec lequel il avait appris à évoluer. Ce sont ces fragilités qui vont permettre à la personnalité toxique de se servir de lui, d’entrer dans ses failles pour les creuser et les agrandir. Utilisé par son agresseur, « objetisé », pour ses qualités, ses compétences, ses talents, son « soi » est vampirisé, absorbé par la personnalité toxique. La victime est vidée d’elle-même. En consultation, la question « qui êtes-vous ?  » est douloureuse pour celui ou celle qui l’entend. Qui je suis ? Je ne sais pas… Elle fait naître des émotions, des pleurs, des angoisses. La victime comprend qu’elle n’est plus rien… Ou plus exactement que son bourreau a fait en sorte qu’elle ne soit plus rien. Du moins, c’est ce que la victime pense. Cette croyance négative générée par le bourreau est indispensable pour créer et maintenir l’emprise. Le travail thérapeutique consiste donc, entre autres, à permettre à la victime de comprendre le mécanisme destructeur de l’emprise dans lequel elle se retrouve, à comprendre également la mécanique et le mode de fonctionnement du bourreau, en observant ses comportements.
Il ne faut pas oublier que si, schématiquement, il existe un cycle de la destruction (séduction, crise, justification, lune de miel…), le rythme de celui-ci, tous comme les actes, les silences, les mots, les gestes, tant du bourreau que de sa victime, vont dépendre de leur personnalités et de leurs histoires individuelles; Il ne faut jamais oublier que cette violence est toujours inscrite dans ce cadre, individuel. Ce n’est pas parce qu’une victime n’a pas vécu, entendu, vu telle ou telle situation ou tel ou tel comportement qu’elle n’est pas face à une personnalité toxique. Et c’est pour cela qu’il est nécessaire de comprendre comment, chronologiquement, la violence s’est mise en place, et avec quels comportements, pour pouvoir ensuite travailler sur les fragilités de la victime et lui permettre de se protéger, d’éviter une possible répétition. Pour, également, revenir à « soi ». Pouvoir le définir, l’installer et le consolider.

Ce groupe de discussion nous a appris de bonnes nouvelles : deux des participants, encore sous emprise maritale il y a un an, ont pu pendant l’année se détacher de cette emprise et mettre en place les réactions nécessaires, juridiques et autres, pour rompre avec la personnalité toxique. Une autre a entrepris un gros travail sur elle au cours de l’année, et peut aujourd’hui mener les différents combats qu’elle doit poursuivre suite aux violences subies, en étant consciente de ses réussites et en affrontant les moments de fatigue et de doute.
C’est pour moi beaucoup d’émotions, de voir renaître des sourires, des énergies, des envies, des rires.
C’est une nouvelle année de groupes qui s’achève, laissant beaucoup d’émotions, des larmes, mais aussi des sourires, des rencontres, des joies, des partages, des expériences toutes riches, des envies de continuer, toujours plus.
Merci à tous pour votre confiance, votre participation. Merci à vous. Et ce merci, vous pouvez vous l’adresser personnellement, vous pouvez vous dire merci de vouloir vivre, d’avoir encore cette certitude ou pour le moins cette idée que la Vie n’est pas celle qu’on vous a imposée.

Les groupes de discussion reprendront le 3 septembre, avec un groupe particulier. Le sujet est « Les mères toxiques ». Ce sera un groupe filmé dans le cadre d’un documentaire qui sera diffusé sur France 5. Il est donc indispensable de s’inscrire de manière ferme à ce groupe. Pour toute information, ou pour l’inscription : .

Les autres dates seront à partir d’octobre. Vous pouvez les retrouver ICI. Vous trouverez également les dates de petits-déjeuners proposés six fois dans l’année avec des thèmes précis.
Pour toute information ou inscription :

Encore un grand merci pour votre confiance qui est une source de motivation quotidienne.

Anne-Laure Buffet

LES MOTS QUI FONT MAL – NOTE

Samedi 9 avril 2016 se réunissait un groupe de discussion proposé par l’association CVP[1] dont le thème était : «Les mots qui font mal»

Les participants à ce groupe étaient très nombreux. Et il est nécessaire de rappeler que ces groupes s’adressent aux personnes victimes de violences psychologiques, que ces personnes soient hommes, femmes ou enfants.

Pour rappel, cette note reprend en grande partie ce qui a pu être dit pendant le groupe et parfois s’autorise à aller plus loin que les partages de samedi dernier ; de plus elle n’a pas pour vocation d’être exhaustive sur ce sujet très vaste, très complexe, et, très inscrit dans une relation toxique ; or chaque relation étant individuelle, il est difficile d’être parfaitement complet. Aussi, les exemples donnés n’excluent pas d’autres mots, d’autres phrases, d’autres injonctions. Ce qu’il faut retenir, c’est non seulement la dureté de ces mots, mais leur inscription dans un mode de pensée par leur répétition, et leur résonance sur un fonctionnement ou sur des souffrances non guéries et non comprises.

Avant de résumer ce qui a été partagé toute au long de ce groupe, quelques références bibliographiques :

Afin de déterminer les mots qui font mal et pourquoi ils font mal, il faut avant tout se rappeler qu’une relation toxique dans laquelle le bourreau va utiliser des techniques de manipulation appropriées à la personnalité de sa victime, s’installe dans le temps. C’est à la fois la périodicité et la répétition de certains mots (et de certains silence), accompagnés ou non de gestes, qui vont peu à peu enfermer les victimes et les mettre sous emprise. Durant le groupe nous ne nous sommes pas particulièrement interrogés sur la conscience que la personnalité toxique peut avoir de ces paroles. Nous avons échangé sur ses intentions (dénigrer, discréditer, imprimer un mode de pensée, instaurer des croyances, nuire et tirer profit d’une situation ou d’une personne.)

[1] cvpcontrelaviolencepsychologique.com

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©Anne-Laure Buffet – – Le Passeur éditeur

UN LOUP À LA MATERNELLE

CECI EST UNE HISTOIRE VRAIE, DANS UNE ÉCOLE PRIMAIRE. LE LIEU ET LES NOMS NE SERONT PAS DONNÉS PAR CONFIDENTIALITÉ.

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– Maman, je ne veux plus aller à l’école…
– Ah bon ? Et pourquoi donc ?
– Y’a une sorcière dans l’école !
– Une sorcière ? Qu’est-ce que tu me racontes ? Il n’y a pas de sorcière dans ton école, il n’y a que des gens très gentils…
– Non ! Je te dis qu’il y a une sorcière ! J’ai même vu sa chambre !
– La chambre de la sorcière, dans ton école ? Tu me racontes une histoire.
– Non ! Je te dis que j’ai vu sa chambre et son lit, et même sa lampe. Je l’ai vue, je l’ai vue, je l’ai vue !!!!

La maman aurait pu ne pas croire sa fille. Mais elle appelle une amie – leurs filles sont dans la même classe. Il y a une sorcière dans l’école… Ou plutôt, sa fille disait vraie.

Le matin même, le directeur fait le tour des classes. Par petits groupes, il emmène les élèves vers les caves de l’école. Une des caves est emplie de gravats, il y a eu des travaux pendant l’été. Sur les gravats, un vieux matelas.

« Regardez, les enfants. Ici, c’est la chambre de la sorcière. Là, il y a son matelas. Et l’ampoule au plafond, c’est l’ampoule qu’elle allume, quand elle attrape l’un d’entre vous, si vous n’êtes pas sages. Alors si vous ne voulez pas finir dans la chambre de la sorcière, il faut vous tenir bien en classe… »

Quelques mois plus tard, fête de l’école. Un tablier a été fait pour les parents… chaque élève a dessiné son portrait. À côté des élèves, le directeur. On le reconnaît… Sous son image, son nom.
Quant à son image… Celle du grand méchant loup.
Sur son ventre : « Je suis le grand méchant loup ». Et sur sa cuisse : « Et j’adore les petits enfants »…