ÊTRE UNE PERSONNE, ET NON UNE VICTIME

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Une fois de plus je ne peux m’empêcher de constater que les livres, articles, sites, blogs et autres vecteurs de communication et d’information regorgent de textes sur les pervers narcissiques. À tel point que du pervers narcissique « réel », de cette déconstruction du psychisme avérée menant à l’emprise sur un individu et à sa destruction, on en vient à des descriptions parfois très éloignées de la réalité.

Il n’est donc pas inutile de préciser une fois de plus qui ne sera pas de trop que la perversion narcissique n’est pas une pathologie. Elle n’est pas le fait du premier abruti caractériel venu. Elle ne se matérialise pas par quelques insultes et trois ou quatre reproches. Elle procède d’un schéma bien précis, elle possède un objectif bien défini : s’accaparer l’autre, le dépersonnaliser, le mener à sa perte voir à sa mort, psychique, parfois physique. Elle s’inscrit dans le temps en suivant un processus parfaitement établi et implacable. Elle mime le sentiment et l’émotion, mais en est totalement dénuée. Elle n’accepte ni joie, ni plaisir, si sympathie, ni bonheur. Elle n’est motivée que par l’envie, la colère et la jalousie. Elle s’indigne injustement d’un vide bien réel, un vide d’empathie, un vide d’humanité.

Et la victime dans tout cela ?
La victime, celle dont on parle le moins.
Celle à laquelle on s’intéresse le moins.
On guette le monstre et on l’observe, on dénonce ses faits, on crie au scandale devant la difficulté à le démasquer, et à être entendu en justice.
Mais la victime ? La victime, cette personne qui fut repérée, choisie, puis possédée par la personnalité toxique. Qui s’est laissée ferrée sans s’en rendre compte, sans même en avoir la possibilité. Celle qui se blâme d’être à la fois faible, lâche et coupable, alors que ce sont ses forces et sa personnalité qui, bien malgré elle, l’ont menée dans les filets du « bourreau ».

La victime… En la désignant ainsi, la victime est à la fois reconnue et une fois de plus dépersonnalisée, pour être englobée dans un ensemble. La victime, qui se bat pour se sortir de l’emprise et se reconstruire, ne regagne toujours pas son individualité, tant qu’elle est ainsi désignée.

Or la victime a avant tout besoin qu’on lui rende son identité. On ne naît pas victime. On se retrouve victime, à un moment donné, d’une situation qui n’a pas été choisie et que l’on ne peut contrôler. Qu’on ne comprend même pas.
Il est d’autant plus important que leur individualité leur soit rendue.

Si les personnalités toxiques fonctionnent sur le même principe, les victimes sont toutes différentes. Hommes, femmes, enfants, elles portent en elles sans le savoir ce que le toxique va chercher et dont il va vouloir s’emparer. Elles le doivent à leur histoire, leur vécu, leurs expériences passées. Elles le doivent à une histoire familiale, à une transmission au travers des générations. Mais chacune restent UNE, unique.
En consultations, si elles se présentent avec les mêmes souffrances, les mêmes angoisses, les mêmes doutes, il est impossible de leur imposer un schéma de reconstruction type. Ce serait oublier leur individualité, leurs différences, leurs personnalités écrasées et qui ne demandent qu’à revenir au grand jour. Ce serait ignorer QUI elles sont, et les robotiser, une fois de plus.
En consultations, à chaque rendez-vous, je ne m’adresse pas à une victime. Je tiens compte de son vécu et de son histoire, composantes indispensables du cheminement qu’elle entreprend. Mais je m’adresse à Anne, à Brigitte, à Céline, à Denise, à Jean, à Christian, à Michel, à Julien, … Je m’adresse à celle ou celui assis(e) face à moi. Qui baisse la tête et dont le regard a été effacé.
Et je l’amène à donner un vrai sens à sa vie. Celui qui lui appartient.

©Anne-Laure Buffet

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