Elles parlent de matricide.
De matricide psychologique.
Elles, ces femmes qui contactent CVP. Qui viennent en groupe de parole, en rendez-vous. Qui demandent un accompagnement.
Ces femmes qui ont donné la vie. Une ou plusieurs fois.
Le temps passe.
Elles ont connu l’emprise. Elles en sortent, ou en sont sorties. En faisant un long travail, de prise de conscience, de deuil, de reconstruction. En étant combattantes, pour se retrouver, pour s’estimer, pour exister à nouveau. Elles ont bâti une autre vie. Avec des espoirs et des rêves différents. Avec un rapport à elles, et aux autres, différent. Avec des enfants. Différents.
Différents, car si elles ont pu sortir de l’emprise, les enfants sont devenus victimes à leur tour. Victimes de l’instrumentalisation d’un parent malveillant. Écoutant une parole qu’ils croient évangélique, ils se laissent peu à peu enfermer dans un schéma de pensée qui les éloigne de leur mère, qui les transforme en arme afin de mieux la détruire, et qui les dépersonnalise à leur tour. Certains s’éloigneront d’elles, se taisant, transformant la vérité, niant actes et pensées. D’autres nieront bien plus ; ils nieront jusqu’à leur amour et leur attachement naturel, maternel et légitime. Ils nieront des vérités, ils nieront des instants. Ils se feront accusateurs et juges de fausses vérités.
Ils refuseront petit à petit de la voir, de lui parler, de communiquer.
Ils refuseront d’en parler.
Elles n’existeront plus.
Ou si peu.
Ou après un long combat, pour faire entendre LA vérité. Pour être crues.
À ces femmes, à ces mères, il leur est retiré une partie de leur existence. Une partie de leur être.
Elles se retrouvent, aux yeux d’une société trop prompte à critiquer et discréditer, des coupables. Elles vont être stigmatisées. « S’il n’y avait pas de problème, les enfants seraient encore avec leur mère… »
Il leur faut se racheter d’une faute qu’elles n’ont pas commises à leurs propres yeux, à ceux de leurs enfants, et à ceux d’un environnement incrédule et cruel, par défaut.
Certaines, après un long combat, retrouveront leur place de mère. Elles commenceront par aller à la rencontre d’un(e) inconnu(e) ; elles feront à nouveau connaissance. Elles grandiront avec un enfant qu’elles retrouvent, qu’elles n’ont jamais cessé d’aimer.
D’autres devront faire un nouveau deuil. Celui de l’enfant désiré, porté, bercé, aimé. Et qui les a reniées, sans savoir pourquoi.
©Anne-Laure Buffet
N.B. : Le parricide psychologique existe aussi. Il a les mêmes causes, les mêmes procédés et les mêmes conséquences.
Meurtres psychologiques, ils ne sont que rarement compris, et presque jamais condamnés.