SOIRÉE POÉSIE & PSYCHANALYSE – MERCREDI 18 MARS 2015

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©Richard Unglick

Avec JEAN-LUC MAXENCE, poète salué par Aragon, éditeur (Le Nouvel Athanor) et essayiste. Il est aussi Psychanalyste et spécialiste de la franc-maçonnerie. I

Il est l’auteur de « Psychanalyse et poésie contemporaine » , Castor astral éditeur.

Installant sur le divan analytique quelques poètes majeurs contemporains (Yves Martin, Yves Bonnefoy, Bernard Noël, Frank Venaille, André Laude, Jean-Louis Giovannoni, Michel Leiris, André Breton, Henry Bauchau, Daniel Biga, etc.), Jean-Luc Maxence, en psychanalyste d’inspiration jungienne (n’oubliant jamais l’apport de Freud), revisite les connivences et les rapports souvent incestueux entre la cure d’âme et les aveux violents de la poésie d’aujourd’hui. Il bouscule avec force et vigueur les idées reçues et l’angle de vue sociétal. Il ouvre de nouveaux paradigmes essentiels pour mieux comprendre un monde en menace de psy- chonévrose générale.

Le livre cible le public de la poésie d’aujourd’hui comme celui de la psychanalyse (Freud, Jung, Lacan).

Poète, éditeur et essayiste, JEAN-LUC MAXENCE est né en 1946 à Paris. Psychanalyste d’inspiration jungienne, il a dirigé le centre Didro, mythique association de prévention et de soins pour toxico- manes. Son premier recueil de poèmes, Le Ciel en cage (1969), a été salué par Pierre Seghers et Louis Aragon. Depuis une vingtaine d’années, il anime avec Danny-Marc les éditions Le Nouvel Athanor et la revue Les Cahiers du sens. Auteur de nombreux recueils de poésie, il a publié des pamphlets et des essais consacrés à René Guénon, Jean Grosjean (coll. « Poètes d’aujourd’hui », Seghers) et Carl Gustav Jung (Dervy). Il a collaboré au Livre des déserts publié dans la collection « Bouquins » aux éditions Robert Laffont. On lui doit également Un pèlerin d’Éros (Le Rocher), Anthologie de la poésie mystique contemporaine et L’Appel du désert (Presses de la Renaissance), ainsi que Le Désert, états d’âme (avec le photographe Jean-Marc Durou, Éditions Ouest-France). Et récemment, La Franc-maçonnerie, histoire et dictionnaire (« Bouquins », Robert Laffont, 2013) et Au tournant du siècle, regard critique sur la poésie française contemporaine (Seghers, 2014).

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La soirée se déroule à Boulogne Billancourt

RENSEIGNEMENTS ET INSCRIPTIONS AU ou par mail :

LE MYTHE DE NARCISSE

Narcisse©Sylvain Fuchs

Le narcisse a un caractère ambivalent, ce que l’on remarque aussi bien à travers le personnage que la fleur mythiques. C’est une plante associée aux cultes infernaux : on plante le narcisse sur les tombes pour symboliser l’engourdissement de la mort, on l’offre aux Furies pour paralyser le criminel… mais le narcisse est aussi lié au printemps par sa renaissance, aux rythmes des saisons, à la fécondité. De plus, le porteur de narkê n’a pas qu’un aspect négatif, car ses propriétés sont connues et utilisées sous forme d’huile ou de pommades contre les douleurs dans l’antiquité.

On définit le narcissisme comme une trop grande admiration de soi. Or, dans le mythe, Narcisse ignore qu’il s’agit de lui-même. Pour surmonter cette contradiction, il faut passer par l’explication rationnelle du mythe que présente Pausanias. Narcisse aurait eu une sœur jumelle qu’il aimait beaucoup et dont la disparition lui aurait causé une grande douleur. Un jour, il se vit dans une source et crut apercevoir sa sœur, ce qui le réconforta un peu. Bien qu’il sût que ce n’était pas elle, il prit l’habitude de se regarder dans les sources pour se consoler. De là naquit le « narcissisme ».

La mythologie

Narcisse est un jeune chasseur de la mythologie grecque, doué d’une grande beauté. Dans Les Métamorphoses d’Ovide, il est le fils du dieu-fleuve Céphise et de la nymphe Liriopé. À sa naissance, sa mère apprit de Tirésias qu’il vivrait longtemps, pourvu qu’il ne vît jamais son propre visage. Cependant, arrivé à l’âge adulte, il s’attira la colère des dieux en repoussant l’amour de la nymphe Écho. Poussé par la soif, Narcisse surprit son reflet dans l’eau d’une source et en tomba amoureux ; il se laissa mourir de langueur. La fleur qui poussa sur le lieu de sa mort porte son nom. Selon une autre version rapportée par Pausanias,

Il ne faut pas négliger la version de de Pausanias (postérieure aux Métamorphoses d’Ovide) : Narcisse aurait eu une sœoeur jumelle qui mourut dans son adolescence. C’est pour se consoler de la mort de sa sœur, qu’il adorait et qui était faite exactement à son image, que Narcisse passait son temps à se contempler dans l’eau de la source, son propre visage lui rappelant les traits de sa sœur.
La narcisse, une fleur découlant directement du mythe du jeune chasseur, est le symbole de l’égoïsme et de l’amour de soi. On définit le narcissisme comme une trop grande admiration de soi. Or dans le mythe, selon Pausanias, Narcisse ignore qu’il s’agit de lui-même.

Dans le mythe moderne, Narcisse est puni parce qu’il est amoureux de lui. Sa punition est la mort : on le dit noyé de s’être trop penché sur son image. D’avoir cherché dans le reflet ce qui ferait miroir à cette image. 

Le miroir occupe donc une position stratégique parmi les moyens de se connaître, de s’objectiver, de se regarder comme objet. Il permet de poser, en face de soi-même, un autre soi-même et de se regarder dedans. Je me connais alors en me projetant comme un autre. Mais quel piège! Il y a là deux personnes face à face. Sont-elles vraies?
« Dans cet affrontement avec le miroir, il y a à la fois dualité, dédoublement et unité, identité. C’est le même qui est deux » (Jean-Pierre Vernant), du moins dans la ressemblance extérieure.

 

Dans Ovide comme dans Conon, Narcisse est puni de s’être refusé et d’avoir fait souffrir ses prétendantes et particulièrement Echo. Il est amoureux de son image, mais cela est la punition.

Enfin, il est à lire cette version d’Oscar Wilde :
Oscar Wilde conte que le lac d’eau douce où Narcisse se noya est devenu, après sa mort, une urne de larmes amères. Les divinités de la forêt interrogèrent alors le lac qui avoua :

« Je pleure pour Narcisse, mais je ne m’étais jamais aperçu que Narcisse était beau. Je pleure pour Narcisse parce que, chaque fois qu’il se penchait sur mes rives, je pouvais voir, au fond de ses yeux, le reflet de ma propre beauté. »
Ainsi ce lac est-il lui-même narcissique!

C’est Freud qui a appelé narcissisme l’amour du sujet pour sa propre personne.

« Dans le complexe d’Oedipe, la libido s’avérait liée à la représentation des personnes parentales. Mais il y avait eu auparavant une époque où tous ces objets étaient absents. Il en résultait la conception, fondamentale pour une théorie de la libido, d’un état où celle-ci emplit le Moi propre, où elle a pris celui-ci même comme objet … on pouvait appeler cet état « narcissisme » ou amour de soi. Il suffisait de réfléchir encore pour s’apercevoir qu’il ne cessait à vrai dire jamais tout à fait; pendant tout le temps de la vie le Moi reste le grand réservoir libidinal à partir duquel sont émis les investissements d’objet et vers lequel la libido peut refluer à partir des objets. La libido narcissique se transforme donc en permanence en libido d’objet, et vice-versa. »

Deux conceptions fondamentales du narcissisme s’opposent parmi les psychanalystes, suivant que l’objet est perçu ou non dès la naissance. Si l’on accepte la théorie du narcissisme primaire, le Moi n’est à l’origine pas différencié de l’objet, il s’agit d’un état naturel dont l’individu se dégage progressivement au cours de son développement infantile. C’est la position de Freud ainsi que d’Anna Freud, de Mahler entre autres. Pour eux, à partir du moment où l’enfant se mettrait à percevoir la différence moi-objet, il émergerait par étapes successives d’un état de narcissisme primaire.

Par contre, pour les analystes qui suivent Klein, le Moi et l’objet sont perçus dès la naissance, et la base de narcissisme primaire n’existerait pas. Cependant, la confusion moi-objet n’est pas absente des conceptions kleiniennes et la notion de narcissisme réapparaît avec l’introduction du concept d’identification projective. Ce concept permet d’inclure à la fois une relation d’objet (puisque le sujet a besoin d’un objet pour projeter) et une confusion d’identité entre sujet et objet.
Par la suite, des psychanalystes postkleiniens ont développé les conséquences de l’implication de l’identification projective et de l’envie dans les structures narcissiques. Ainsi, par des voies différentes de celles empruntées par les analystes qui soutiennent l’existence du narcissisme primaire, ils concluent à leur tour à l’importance des phénomènes narcissiques dans les relations d’objets.

BIPOLARITÉ ET PSYCHANALYSE

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– Avec toutes ces sautes d’humeur, il est forcément bipolaire…
– Il est … quoi ?
– Bipolaire. Maniaco-dépressif, si tu préfères. C’est pareil.
– Ah bon, t’es sûr ?
– Ben oui, si je te le dis…
– Et elle, elle est quoi ?
– Maniaco-dépressive.
– Ah. Donc, bipolaire ?
– Oui, à quelque chose près…
– Je croyais que c’était pareil ?
– C’est pareil. À quelque chose près…

La vulgarisation de termes médicaux désignant certaines pathologies autorise, outre leur connaissance et une meilleure approche de chaque trouble, une généralisation qui va de pair avec le droit que certains néophytes s’accordent de juger ou de qualifier leurs proches – et moins proches.
Or, seuls des professionnels sont en droit et en mesure de déterminer l’existence d’une pathologie chez un individu, et de la qualifier.

De plus, l’utilisation trop facile de certains termes entraîne des confusions. Ainsi, comme l’écrit Sarah Chiche, « On lit souvent que le trouble bipolaire est la nouvelle manière de nommer la psychose maniaco-dépressive (PMD). Pourtant, la notion de « trouble bipolaire a complètement évacué l’apport psychanalytique sur la compréhension de la manie et de la mélancolie. La psychanalyse relit la théorie de l’humeur sous l’angle libidinal et pulsionnel. »

La manie est la manifestation, pendant au moins une semaine, d’exubérance, d’euphorie, d’irritabilité extrême, compromettant le fonctionnement de la personne. L’énergie et l’activité sont en augmentation, les pensées partent dans tous les sens, la concentration diminue. La personne dort peu, ou pas, et sans ressentir de fatigue ; elle surestime ses capacités. L’optimisme et l’estime de soi sont exagérés. Elle va prendre des risques (alcool, tabac, drogue, sexe, conduites addictives et dangereuses). Elle peut devenir agressive. Dans le cas de manies graves, il peut y avoir hallucinations, idées délirantes, d’où le fait qu’on puisse penser à de la schizophrénie.

La mélancolie est en psychanalyse un état de dépression très grave. La personne ressent un état de profond désespoir, avec des pensées morbides et suicidaires, pouvant aller jusqu’au passage à l’acte. On observe une baise ou une augmentation importante de l’appétit, du sommeil, de l’intérêt en général pour des activités normales pour cette personne.

Il existe des états mixtes correspondant à la présence  sur la même période d’éléments de la série maniaque et de la série dépressive.

Pour le mélancolique, son « moi » est vide.

Dans Deuil et Mélancolie, Sigmund Freud explique que la Verstimmung (déshumeur) est liée à un rapport particulier à l’objet.

Toujours selon Sarah Chiche, « le deuil et la mélancolie sont deux réactions à la perte d’un objet d’amour ou d’un idéal, la libido se désinvestissant de l’objet perdu… Mais dans le deuil, il n’y a ni abaissement du sentiment de soi via l’autoaccusation, ni attente délirante de la punition… Le maniaque, lui, va tenter de résoudre cette ambivalence en niant la perte de l’objet. Ce que croit le maniaque, c’est qu’il peut triompher de la perte, du manque et de la mort. »

Pour plus d’informations sur la bipolarité, voir le dossier de Sciences Humaines, de mars 2013.