Dangereux médias

Il ne sera jamais assez dit combien la banalisation est dangereuse, combien les amalgames sont possibles lorsqu’une information est mal donnée. Mal, de façon incomplète, travestissant ou minimisant la gravité des faits. 

Parler des pervers narcissiques et du harcèlement moral est malheureusement beaucoup trop à la mode. Hier déjà dans l’article : Faire entendre la voix des victimes, je mettais fortement en garde sur le sort des victimes justement, qui ne peuvent se faire entendre par défaut de JUSTE information. Or, le sort des victimes est particulièrement préoccupant.
Mais c’est un sujet à la mode, c’est l’évidence, et chacun s’en sert et glose sur le sujet sans le connaître vraiment, se contentant de survoler un livre ou de faire une vague interview constituée de quelques questions si peu sérieuses, si peu consistantes, qu’au lieu d’apporter des éléments concrets permettant aux victimes d’espérer un progrès, une meilleure compréhension et surtout une meilleure protection , elles nuisent aux personnes réellement en souffrance.

Preuve en est, l’article paru dans Marie-Claire : Votre homme est-il un pervers narcissique ? (vous remarquerez que je ne cite pas, volontairement, la rédactrice de l’article)

Rien que le titre fait hurler : Votre homme… Or, comme je le dis, et le répète régulièrement : les PN ne sont pas forcément des hommes. Mais avec ce seul titre, la journaliste nie la possibilité qu’une femme le soit. La possibilité qu’une femme détruise lentement mais sûrement sa famille, un proche, un collègue. Non, la femme n’est pas évoquée, il s’agit bien de l’homme qui est visé – et il faut s’amuser à faire le test ridicule de 9 questions qui est proposé… À défaut d’homme, le test évoque le Prince charmant… Mais de princesse cachant la sorcière il n’est pas fait état.

Se protégeant derrière la référence qu’est Jean-Charles Bouchoux et son livre : Les pervers narcissiques. Qui sont-ils ? Comment fonctionnent-ils ? Comment leur échapper ? (Ed. Eyrolles. ), elle en extrait quelques vagues descriptions, quelques maigres principes, quelques trop légers conseils, pour conclure avec cette phrase : « Le seul moyen de s’en sortir est de réellement couper la relation en changeant de numéro de téléphone, d’email….afin de pouvoir retrouver une bonne image de soi, et de prendre conscience qu’en aucun cas on ne mérite d’être traité comme cela. »

Et sur ce, le test si futile et léger qu’on se croit un instant à la plage à se demander si l’on est au top de son charme estival.

C’est avec de tels articles que non seulement les victimes ne peuvent être entendues, mais, bien plus grave, bien plus terrifiant, que beaucoup vont chercher à dire, faire dire, ou deviner, si leur « homme » est PN ou non… Et l’on imagine facilement telle ou telle personne un peu malheureuse en couple remplir le test, y trouver la réponse qu’elle ne peut comprendre, et le montrer à ses collègues en disant : « Regarde regarde, je te l’avais dit, c’est un PN ».
Si le livre de JC Bouchoux est un livre justement, et non un article constitué de 5 malheureux paragraphes, c’est que le sujet est bien plus complexe que cet article ne le dit; C’est que les caractéristiques du PN sont bien plus nombreuses que la journaliste ne l’indique. C’est que les risques, les dangers, les conséquences sont bien plus graves, allant jusqu’à la mort psychique, ou physique, des victimes. La perte de confiance en soi est vaguement évoquée dans l’article. Mais qu’en est-il de la perte d’un emploi, de la privation de droits, de la perte de repères, de familles, d’amis, de biens matériels… et d’espoir.
Lorsqu’il faut agir, il est souvent déjà trop tard. Quant à la justice, on le sait, elle ne se prononce pas. Se défendre contre un PN est un combat de chaque instant qui demande bien plus que de résilier une ligne de téléphone. Qui envahit toute une vie.

Chaque jour je reçois des mails de victimes désespérées. Qui ont perdu toute envie, tout désir. Qui ne voient plus leurs enfants. Qui n’ont plus les moyens psychiques et financiers de se défendre. Qui sont atteintes de pathologies, qui souffrent de dépression. Qui sont terrorisées. Qui ne savent plus vers qui se tourner.

Votre homme est-il un pervers narcissique… Je lis encore le titre et redoute le pire, ces confusions qui sont inévitables si les médias à large audience traitent ce sujet avec autant de légèreté.

Je ne crois pas que ce soir, en se couchant, la rédactrice de cet article pensera à cette victime qui se bat chaque jour depuis presque 10 ans pour voir ses enfants. Je ne crois pas qu’elle pensera à celui-ci, diminué physiquement, ayant perdu son emploi, dont la famille et les collègues se sont détournés, suite aux diffamations dont il a été victime. Je suis certaine qu’elle n’imagine pas cette femme qui se crée une bulle d’oxygène en s’étourdissant sur le net pour oublier que ce qu’elle a construit pendant des années lui a été entièrement repris. Son esprit ne se tournera pas vers ces enfants qui ne savent plus qui croire, qui écouter, et qui, déchirés entre deux parents, finissent par n’entendre que les critiques, et surtout, par les croire, se détournant du parent qui ne dit rien.

Et je regrette l’époque où le mot « journalisme » avait un sens : informer. Enquêter. Dénoncer. Faire avancer la pensée.

Un ou une PN n’est pas un séducteur des bac à sable ou une allumeuse de boîte de nuit. Ce sont des monstres. De tels articles si banalisants sont dangereux. Très dangereux.

Informer, oui. Mais complètement. Et non pour faire vendre un journal, et placer son nom en bas de quelques colonnes.

12 réflexions sur “Dangereux médias

  1. Pingback: PERVERS NARCISSIQUE : UN MYTHE À DÉCONSTRUIRE PRUDEMMENT

  2. Oui, mais je mettrais un bémol à vos propos, si vous me le permettez.

    Dire que se sont des monstres, je pense que c’est utile pour les victimes, qu’ils aient conscience ou pas encore de l’être ; mais les PN sont aussi dans une très grande souffrance.

    Pour avoir résisté à la soumission que m’imposait celle à qui j’étais confrontée, après avoir passé le cap de la rage furieuse qui l’envahissait dans de tels cas, elle se retrouvait confrontée à la dépression qu’elle fuyait depuis son enfance.

    Elle m’a parfois dis qu’elle se voyait partir dans le décor à vive allure lorsqu’elle conduisait, percutant un platane et se voyant morte.

    Certes, elle n’hésitait jamais à instrumentaliser la dépression qui l’envahissait afin de m’affaiblir, parfois en m’en rendant responsable, et me culpabilisant, mais cette souffrance, je suis persuadé qu’elle était bien réelle.

    Il me semble très important d’en tenir compte, car si on veut vraiment faire avancer la médecine, bien que je ne sois en rien qualifié pour l’affirmer, je suis persuadé que le progrès et l’espoir de voir un jour réduit à zéro le nombre de leur victimes passe par la compréhension de cette souffrance.

    Enfin, c’est la façon dont je prends les choses, ce n’est peut-être pas la bonne ; mais selon moi, si je ne tiens pas compte du fait que « ma » PN n’est seulement, la pauvre, en souffrance, que ce n’est pas sa faute, alors je lui en voudrait, je souhaiterais réparation, et donc je serais « obsédé » par elle, et donc elle continuerait à avoir une emprise sur moi.

    C’est mon point de vue, pas celui d’un expert, et je ressens le besoin de le faire partager à d’autres victimes.

    Pour ma part, ce qui m’a fait comprendre qu’elle était PN, vient du fait qu’un jour un de ses amis et venu me sermonner pour aider celle que je qualifie, moi seul de PN, car il la voyait en très grande souffrance (c’est quelqu’un de très loyal en amitié, particulièrement envers elle, qui ne m’a toujours dis que du mal sur lui, et que sur des choses dont elle était très mal placé pour se le permettre).

    Selon lui, il m’a rapporté qu’elle lui aurait dis de moi que j’étais, moi, un pervers narcissique, dont elle serait, elle, la victime.

    Ayant reçus un discours d’elle qui m’indiquait que je devrais consulter un psy à cause d’une tendance à la dépression et du mal-être que je lui procurait ; j’ai voulu savoir si je n’étais pas effectivement PN. Je me suis donc renseigné sur internet.

    À partir de cet instant, tout s’est éclairé et j’ai compris ce que je subissait d’elle, et pu mettre un nom sur cette tentative constante de domination d’elle sur moi.

    Pardon si je vous ai importuner avec se long monologue, mais je ressens le besoin de m’exprimer à se sujet, ne pouvant pas en parler avec mes proches.

    Merci

  3. Bonjour, et merci pour ce message.
    En effet il y a amalgame entre perversion narcissique, harcèlement moral… et j’ajouterai psychopathie « ordinaire », jalousie pathologique…

    Je tente aussi sur ce blog de prévenir et de mettre en garde contre les amalgames ; mais ce n’est pas simple face aux médias trop commerciaux qui utilisent le premier terme à la mode venu, tant qu’il s’agit de vendre…

  4. Excellent réaction de votre part à cet article, qui met en évidence le business qui existe autour de ce thème qui est repris si facilement en cas de problème relationnel. Quitte à bouziller des vies de famille dix fois plus vite que la normale. Un doute ? une engueulade? un divorce et hop.. ! Et en général, ce sont les hommes qui trinquent.

    Ce sujet de la « perversion narcissique » est en train de laisser place au « harcèlement moral ». Et là, je vous demande d’exercer la même méfiance. L’actualité nous prouve, une fois encore qu’il faut rester attentif : l’affaire Cantat. Oui c’est monstrueux ce qu’il a fait. Par contre, je vois certaines personnes -qui soi-disant luttent contre le harcèlement moral- n’hésitent pas à se défouler sur lui, ce qui ressemble fortement à du harcèlement également (vu sur Twitter) !
    Ce serait une sorte de harcèlement légal ???? il y a le bon harcèlement et le mauvais harcèlement ? hum.. drôle de justice !

  5. C’est TOUJOURS votre fils, autant que le sien. Ne rentrez pas dans ce système, Sylvie; Ne le laissez pas vous influencer par ses critiques et toute attitude nauséabonde à votre encontre. Je vous mentirai en disant :  » ça va aller ». Car il va vous falloir du temps, de la force, de la conviction, retrouver confiance en vous. Mais, tout de même… « ça va aller » ; car aussi difficile que cela soit, vous n’êtes plus seule.

  6. Je suis heureuse de lire ce message Olivier, réellement porteur d’espoir… Quelle belle avancée en peu de temps ! Bravo. Vous avez l’envie, la foi… et votre énergie, votre besoin de vivre et de vivre pleinement.

    Et je suis certaine que vous avez entre les mains les meilleurs atouts pour arriver à cette vie à laquelle vous aspirez et à laquelle vous avez droit;

  7. En effet il ne faut pas se poser en victime ; en tout cas il ne faut pas en faire un état, un état irrévocable. C’est comme de dire : je n’y arriverai jamais. Se dire je suis victime… est insuffisant. Il faut aussi et surtout se donner les moyens de s’en sortir. Et même lorsque le ou la PN a emmené bien loin vers les enfers, il est toujours possible de remonter. Le premier pas étant de vouloir, justement, sortir de cet état de victime, pour soi, et non contre l’autre.
    Et pour ela : il faut déjà s’accepter, arrêter de culpabiliser, arrêter d’avoir honte…

  8. Je remercie Olivier pour son témoignage si juste. Sa démarche raisonnée m’apporte une lueur d’espoir et l’envie de me battre pour la vie.
    Se poser en victime de PN n’est à mon sens pas l’état qui nous permets de rebondir afin de se reconstruire un avenir: à un moment donné de ma vie, j’ai été la proie d’un dangereux prédateur qui excelle à développer de nouvelles techniques de destruction et est un expert du camouflage.

  9. Bonjour,
    Je réagis à ce message. D’abord, je peux témoigner qu’une femme peut manipuler son homme et dans mon cas les dégâts sont considérables et collent avec tout ce que j’ai pu lire au travers de ce site : perte de repères, de confiance, de la santé, de mes moyens financiers, et au mois d’août dernier, donc récemment, je me suis interrogé très profondément sur le fait de rester en vie ? A 38 ans, c’est accablant pour tout mon entourage familial et amical.
    Ensuite, je considère [tout du moins dans mon cas] que lorsque l’on est victime de manipulation, on n’y pense pas, on ne réfléchi pas à la question en ce sens. Je ne me suis jamais posé cette question quand j’étais au plus mal. Au contraire, je me demandais ce qui clochais chez moi ! c’est après coup, lorsque j’étais à l’abris de mon ex-femme que j’ai recollé lentement les morceaux, que j’ai réalisé petit à petit, lentement, doucement, mais sûrement que quelque chose clochait chez elle.
    Et là, j’ai mis des mots, j’ai mis de la technique sur mes propres maux. La manipulation [toujours dans mon cas] n’est pas un état que l’on suppose facilement quand on est sous cette contrainte. Encore aujourd’hui, alors que ma tourmente n’est pas apaisée, je poursuis le recollage des morceaux, je parviens à m’extraire de l’affect pour raisonner plus froidement sur mon état et ce que la manipulation a produit sur moi.
    Non, je pense sincèrement qu’un test ne peut pas révéler si facilement cet état dans lequel j’étais littéralement plongé : comme un coma, une anesthésie de mon cerveau, de mon coeur, de tout mon Etre.
    Pour finir, je crois, depuis peu, que l’on peut s’en sortir. Ma seule porte de sortie aujourd’hui semble être la raison : je m’efforce de revenir sur Terre, de me dire que même si l’on aime une personne, cela ne nous sauve pas de ses déviances. Et Dieu sait que j’ai aimé de tout mon Etre mon ex-femme.
    La manipulation est la pire « expérience » de ma vie, la plus dégradante, la plus impactante, mais pour autant, à toutes celles et ceux qui me liront, je veux dire que nous possédons en nous des ressources incroyables, des réflexes de vie, de survie, de joie et par dessus tout de simplicité. JE VEUX VIVRE. J’ai mal, mais je veux VIVRE.
    Olivier.

  10. En effet, si par un simple test léger on pouvait identifier les PN, comme cela serait simple. Le PN agit insidieusemment, petit à petit puis frappe et redevient séducteur déstabilisant sa victime. La vidant complètement. Mais comment le prouver devant la justice, lorsqu’on est épuisé. Qu’on se demande comment s’en sortir et que l’on replonge dans l’imcompréhensin la plus totale lorsqu’on a un semblant de force et que l’on vient de tout perdre, son enfant, sa maison, ses répères. Vos articles, vos témoingnages me font peur, très peur, je suis très inquiète,de ne pas m’en sortir. Je viens de tout perdre parceque j’ai osé porter plainte et ne plus rentrer chez lui…Ce n’est plus chez moi. Ce n’est plus notre fils, mais le sien…

  11. Ce que je trouve particulièrement dangereux dans cet article, ce n’est pas tant le test, qui peut donner en effet un signal, que l’extrême simplification des actes et surtout de leurs conséquences.
    Si certains, comme vous, vont comprendre, chercher, aller plus loin, d’autres, je le crains trop nombreux, se contenteront d’une simple lecture pour déterminer sans aller plus loin qu’ils vivent avec un PN… et accuser ou traiter quelqu’un de PN est dramatique.

    Mais encore bien plus grave, notre justice est faite d’hommes et de femmes qui eux aussi lisent la presse… et peuvent, à force d’entendre parler des PN, sans appui médical solide, dénigrer totalement le sujet

  12. Quand je relis l’article et le test de Marie Claire, je le trouve aujourd’hui bien léger. C’est cependant ce test simpliste qui m’a ouvert les yeux il y a 14 mois, alors que j’allais mal et que je cherchais désespérément pourquoi, pourquoi il est comme ça. C’est à partir de là que j’ai commencé à comprendre. Depuis, je peaufine le sujet. Et je me bats.

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