L’OBLIGATION DE DIRE

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« Je ne sais plus quoi dire… »
« Il me pousse à bout et je dois toujours lui répondre, sinon il m’insulte.. »
« J’ai l’impression de devoir tout le temps me trouver des alibis… »
« Elle passe son temps à me poser des questions même quand il n’y a pas de réponse à apporter… »
« Je n’ai pas intérêt à me tromper sur mon emploi du temps, sinon j’ai droit à des remarques, et tout ce que je dis est contrôlé, plusieurs fois… »

La personnalité toxique exerce un contrôle totale et permanent. Parfois, sans que la victime ne s’en rende compte. Elle commence cette intrusion virulente dans la vie et dans le jardin privé de sa victime de manière parfaitement anodine et discrète. Elle donnera même le sentiment d’un intérêt, d’une attention, d’une volonté de partager les moments pendant lesquels elle n’est pas avec sa victime. L’illusion est parfaite, la victime est convaincue que ce qu’elle vit intéresse « l’autre ». Et en effet il y a bien intérêt. Mais cet intérêt est tout aussi sournois que destructeur et de ce fait pervers, dans le sens où il est par nature perverti et sans aucune bienveillance.

La proie devenue victime va se confier sans aucune méfiance. Elle va raconter sa journée, y ajoutant des anecdotes a priori anodines et sans conséquences, du collègue avec lequel elle va partager un café, à le voisine croisée à la boulangerie. Elle va parler d’elle, de ce qu’elle vit, de qui elle voit, de ce qu’elle aime, quand, comment, pourquoi…

La personnalité toxique face aux paroles de sa victime se comporte alors comme un enregistreur. Si elle donne une image souriante, se montrant curieuse, posant mille petites questions en apparence sans conséquence, elle ne fait en fait que nourrir sa mémoire, infaillible. Elle la cultive en lui fournissant moult renseignements sur la victime. Dont elle se resservira. Un jour. Et ce jour peut-être bien longtemps après.

Ainsi, un matin, alors que la victime tente de sortir du sommeil et de boire son café encore bouillant, elle se verra demander qui était donc ce fameux collègue avec lequel elle aimait tant prendre un café, si elle le voit encore, ce qu’ils ont bien pu se dire, car depuis ce jour, elle a bien changé, si ce genre de café se produit souvent, pourquoi elle n’en parle pas… Les questions pleuvent, inondent la victime qui ne peut pas comprendre ce qui lui arrive.
Qu’a t’elle vraiment dit ? De quoi est-on en train de parler ? Qu’a t’elle fait ? Est-ce une faute que de prendre un café pendant les heures de travail ? Aurait-elle une attitude puissant laisser imaginer quoi que ce soit ?
Et il va lui falloir répondre. Précisément.
Face à elle , la personnalité toxique change de ton. Si les premières questions sont posées aimablement, presque avec un sourire, donnant encore une fois l’illusion de l’intérêt, la bouche se crispe en même temps que le ton se durcit. Si la victime fait mine de se lever pour couper court à cette discussion accusatrice et malveillante, la personnalité toxique lui fera comprendre, par une simple attitude, qu’elle ne peut pas bouger. Qu’elle ne DOIT pas bouger. Conseil formulé de manière non verbale, conseil qui exerce une pression violente, la victime l’entend et se tait, ne bouge plus, ne sait plus quoi dire ou quoi faire. Elle est  une souris pris au piège, coincée contre un mur. Elle DOIT dire ce que la personnalité toxique veut entendre. Et elle ne sait pas ce qu’elle doit dire…

Aussi, elle tombe dans le piège de cette parole détournée et insultante. Espérant retrouver un peu de calme et gagner du temps pour mieux comprendre des attentes dont elle ne comprend pas le sens, elle est prête à dire n’importe quoi. Elle est prête à mentir. Elle pense se protéger. Elle ne fait que se perdre un peu plus. Ce qu’elle va dire sera à nouveau retenu contre elle. reformulé, interprété, redit, au moment où, à nouveau, elle s’y attendra le moins.
Et ne sachant plus précisément ce qu’elle a pu répondre la première fois, elle va se perdre dans de nouveaux détails, qui ne coïncident pas. Mais que la personnalité toxique va relever, pour mieux accuser, une fois de plus.

Pourquoi la victime n’a t’elle pas la force de dire NON ? Pourquoi reste t’elle ainsi à chercher à se disculper, pourquoi laisse t’elle s’installer tant de pressions dans son quotidien, pressions qui au regard de bien des gens la font passer pour faible et stupide ?
Parce que le comportement toxique ci-dessus schématisé ne se dévoile pas en quelques jours, mais après plusieurs mois, voire parfois plusieurs années. Comme déjà dit, la personnalité toxique est patiente. Elle a tout son temps pour s’accaparer sa proie, pour en tirer le plus grand bénéfice, puis pour la mettre à terre.
A coup de remarques blessantes, de phrases anodines dénigrantes, de réflexions soulignant la « chance » que cette victime a d’être ainsi « aimée » et « supportée » malgré ses travers, elle impose son emprise malsaine et meurtrière de manière froide et implacable. Et sans que cela ne soit visible ou compréhensible. Elle le fait sans témoin. Seule la victime subira les remarques et autres comportements ravageurs.

La personnalité toxique ne se contentera pas de ce genre de comportements violents psychologiquement. Elle saura alterner avec les compliments, les encouragements, la douceur feinte, la gentillesse simulée, pour toujours mieux enfermer sa proie. Celle-ci, abimée par la violence de ce qu’elle peut entendre, se réfugie alors dans ces moments de calme apparent, comme on se blottit sous une couverture en cherchant un peu de chaleur. Et une fois blottie, la victime se critiquera, seule, s’accusant de mal juger, de mal comprendre, de mal aimer.
C’est alors que le nouveau coup de poignard va intervenir. Au moment précis où la victime, engourdie par la douceur qu’elle croit avoir trouvée et culpabilisant de ce qu’elle imagine être sa propre méchanceté, se fera à nouveau blesser.
À en perdre ses forces vives, ses capacités de recul et de réflexion.
À s’épuiser totalement.
À ne plus savoir ni qui elle est ni ce qu’elle dit.
Et parfois, à aller jusqu’à tenter de mourir pour ne plus souffrir.

©Anne-Laure Buffet

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