ENTENDRE LA SOUFFRANCE

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J’ai déjà consacré quelques articles sur ce blog aux dangers des assimilations et des diagnostics posés trop vite, sans avis médical, sans conseil, à la simple lecture de quelques lignes dans un magazine ou dans un livre.

La personne soumise à un comportement toxique aura le plus souvent elle-même été qualifiée de folle, de malade, de dangereuse, de pervers narcissique. Pour peu qu’elle soit contrainte de prendre un traitement (anti dépresseurs, anxiolytiques…), ce sera une arme en plus pour la personnalité toxique. « Tu vois, je te l’avais bien dit, tu ne vas pas bien, mais tu ne veux jamais m’écouter… ».

Je passerai sur les termes évoquant la nullité, l’incompétence, le manque de cohérence, de cette victime de comportements destructeurs.

Un jour vient la prise de conscience. En lisant, en parlant, en s’informant, la victime comprend qu’elle est victime. Que le trouble ne vient pas d’elle, mais de celui ou celle qui l’a « choisie », comme un prédateur choisit sa proie. Je vois arriver certaines de ces victimes en consultation. À la fois apeurées, désespérées, dans la honte et la culpabilité. Mais avec une certitude :

– C’est un PN. – Comment le savez-vous ? – Je l’ai lu. C’est son portrait craché. – Avez-vous consulté un médecin, un professionnel ? – Non. – Si je vous dis que ce n’est pas forcément un PN, mais que son comportement toxique et destructeur vous nuit, que me répondez-vous ? – S’il n’est pas PN, pourquoi fait-il cela ?

La presse, les médias, un certain nombre de professionnels informent de plus en plus sur la perversion narcissique, ses dangers, ses conséquences sur la victime. Heureusement, car cette information est indispensable. Mais elle génère à la fois anxiété et frustration. Anxiété, car les comparaisons sont trop vite faites. Or, c’est tout un contexte qu’il faut prendre en considération, et non quelques faits. La perversion narcissique s’inscrit dans le temps, dans la répétition des actes, des gestes, des paroles tendant à détruire sa proie. « S’il est PN, je suis en danger, et les enfants aussi ? » Oui, bien sûr, être en présence d’un pervers narcissique est un danger quotidien pour celui ou celle qui en est la proie.

Mais s’il n’était pas PN ? Si la personnalité mise en cause souffrait d’un autre trouble, d’une autre pathologie ?

Pour certaines victimes de comportements toxiques, cette réflexion crée alors une frustration. Pour autant il n’a pas été dit que le danger n’existe pas. Que le danger soit lié à de la perversion narcissique.

Ce qu’il faut prendre en compte, dans toute information communiquée et reçue, est également ce point : la manière dont la victime va recevoir l’information. S’appuyer sur le postulat que « l’autre » est PN est loin d’être suffisant pour trouver les solutions et adopter un comportement protecteur. En revanche, partir d’un autre postulat, celui d’une situation de souffrance et de maltraitance induites par des agissements et comportements répétés tendant à dénigrer, rabaisser, humilier et disqualifier une personne, jusqu’à la réduire à l’état d’objet, de marionnette incapable de penser et d’agir, ne doit en aucun cas être ignoré.

Ce que j’entends en consultation, ce que j’observe, est l’expression sous toutes ses formes de la souffrance. De ce qui en est la cause et l’origine. S’il est difficile de faire entendre à une victime qu’elle peut avoir en elle une faille narcissique, une blessure ancrée, un manque de construction propre ayant autorisé la mise en place de la relation toxique, c’est pour autant sur ces points que je vais travailler avec la personne que je reçois. Pour l’amener à se reconnaître, à s’autoriser à s’aimer, à agir. À être un être humain à part entière. Je l’amène à comprendre qu’elle est proie avant d’être victime, et à le comprendre sans culpabiliser.

La personne qui compte pour moi et celle qui s’adresse à moi. C’est elle qui mérite mon attention, mon écoute, ma bienveillance, et mon accompagnement pour une saine reconstruction.

©Anne-Laure Buffet

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