ce site utilise des cookies. En continuant, vous acceptez que nous en utilisions. En savoir plus, y compris sur la façon de contrôler les cookies.
Publicités
« Ne dormez pas braves gens, toute société est fondée sur le meurtre. »
Le bouc-émissaire, ou souffre douleur, est un individu innocent sur lequel va s’acharner un groupe social pour s’exonérer de sa propre faute ou masquer son échec. C’est la personne qui paye pour toutes les autres. Dans l’histoire, on peut retenir comme exemple l’affaire Dreyfus. René Girard utilise l’expression et la façonne en concept : il fonde sa réflexion sur une double interrogation : 1. D’où naît la violence dans les sociétés humaines, quel en est le ressort fondamental ? 2. D’où vient que cette violence ne les dévaste pas ? Comment parviennent-elles à se développer malgré elle ?
À l’origine de toute violence, explique René Girard, il y a le « désir mimétique », c’est-à-dire le désir d’imiter ce que l’Autre désire, de posséder ce que possède autrui, non que cette chose soit précieuse en soi, ou intéressante, mais le fait même qu’elle soit possédée par un autre la rend désirable, irrésistible, au point de déclencher des pulsions violentes pour son appropriation. En reprenant l’idée du bouc-émissaire, on peut appliquer celle-ci à l’enfant victime au sein de sa famille. C’est l’enfant sacrifié, l’enfant non désiré, l’enfant « Poil de carotte »(1) ou « Cendrillon ». La conséquence la plus immédiate pour ces enfants est la perte de repère. L’enfant sacrifié est celui qui permet au couple, et à la famille, d’exister. Il est possible d’aller jusqu’à parler d’abandon, abandon physique lorsque les parents ne montrent une présence que très fragmentée, abandon psychique lorsque l’enfant ne reçoit aucune parole, ou uniquement des paroles de menaces, de reproches, de critiques. « C’est encore de ta faute… Ce n’est pas ta soeur, ton frère, qui aurait fait ça… C’est à toi de te débrouiller, tu vois bien que tu déranges à être tout le temps dans mes pattes… » L’enfant peut aussi devenir otage de son père ou de sa mère. L’emprise exercée est si forte qu’il ne peut s’en défaire. L’enfant n’est plus une personne mais un objet qui appartient à son ascendant. Un objet dont il va être possible de jouir, ou de se débarrasser, au gré des jours et des intérêts du parent toxique. Il va être mis en oeuvre par le(s) parent(s) toxique(s) une véritable stratégie pour camoufler l’innocence de leur enfant victime. Ces enfants vont se montrer absent au monde, ou au contraire en ultra agressivité. Ils vont être dans une attitude de rébellion complète ou de soumission absolue, cherchant perpétuellement à faire plus et mieux pour être vu, entendu, reconnu par le(s) parent(s) destructeur(s). « J’étais la meilleure en classe, je devais être la meilleure partout, je le voulais et le faisais pour attirer l’attention de mon père ».
(1) « Tout le monde ne peut pas être orphelin. » Poil de carotte est un enfant très mal aimé qui, pour lutter contre les humiliations quotidiennes et la haine maternelle, n’a que la ruse. Sans doute est-ce dans cette enfance malheureuse qu’il faut chercher les sources du scepticisme et de l’ironie de Jules Renard, son art de la litote, son style dense et précis, sa cruauté d’observation.
Lire aussi cette citation extraite de Vipère au poing (Hervé Bazin) : « Papa sourit et fredonne: Où peut on être mieux que dans sa famille? Puis d’une voix de basse taille: Partout ailleurs! »