Dans les livres spécialisés, les revues, les articles scientifiques ou de vulgarisation, les liens sur les réseaux sociaux, on parle de victime. Comme on parle de bourreau.
Au sein de l’association CVP, nous utilisons également le terme de « victime »… car il est incontournable.
Quelles que soient les raisons, les constructions, les modes de fonctionnement ayant conduit un individu, homme, femme, enfant, à se retrouver en situation de victime, quelle que soit la part de responsabilité, ou de complicité, qui lui incomberait (relire Alberto Eiguer, le Pervers narcissique et son complice) , il n’en demeure pas moins qu’à un moment T une personne sous emprise d’une autre, toxique, devient sa victime. Consentante, ou non. Consciente, ou non. (Nous indiquons ces deux adjectifs sans les développer pour le moment. Il reste bon cependant de préciser que certaines personnes y trouvent une sorte de satisfaction. L’état de victime semble alors justifier leurs failles, leurs difficultés. Dans l’incapacité de se remettre en cause, manquant de motivation ou d’accompagnement, elle s’installent dans l’état de victime qui les détruit tout autant qu’il les qualifie. Nous reviendrons sur ce constat dans d’autres articles.)
Cependant, au sein de CVP, nous ne voulons pas utiliser le terme « victime » à outrance. Il doit n’être justement qu’un état à un moment donné, une photographie d’un instant, et non une carte d’identité. Il est le terme pour qualifier cette étape de la prise de conscience – je suis en position de victime – qui précède la mise en place de process pour sortir de cet état, et se reconstruire – je suis un être humain et j’ai le droit d’Être.
La personnalité toxique choisit comme proie un individu doué d’empathie, de compétences et de potentiels, de générosité, d’intelligence intellectuelle et humaine. C’est vers une personne forte que la personnalité toxique va se tourner. Forte ne veut pas dire qu’elle n’a pas de faille, de cicatrices, de blessures à guérir. Ce sont également ces failles et ces blessures que le toxique va détecter et dans lesquelles il va s’engouffrer. Il sait donc utiliser tout à la fois les forces et les faiblesses de la personne qui va se retrouver sous emprise, s’appuyant et utilisant les premières tout en développant et rendant insupportables les secondes.
Contrainte à agir et penser en fonction du seul mode de fonctionnement de la personnalité toxique, la personne sous emprise perd tout contrôle sur ses actes, son raisonnement, sa volonté. À cet instant, elle devient victime, tout autant de son « bourreau » que d’une situation.
Le propos de CVP n’est pas – loin de là – de critiquer les personnes sous emprise qui n’arrivent pas à la prise de conscience, car c’est un constat souvent très difficile voir impossible à faire. C’est le plus souvent la goutte d’eau qui va faire réaliser. Comme on claque des doigts pour sortir de l »hypnose, la personne sous emprise se réveille brutalement, difficilement. Elle doit réaliser que ce qu’elle vit n’est pas sa vie, mais une souffrance qui lui est imposée.
Et la prise de conscience ne permet pas derechef la guérison. La personnalité toxique a su rendre sa proie addict à ses comportements. Aussi sa victime – car à ce moment là elle est bien victime – doit à la fois réaliser, réagir, et apprendre à refuser ce qui lui a été appris pendant des mois, parfois des années, comme étant un fonctionnement normal.
Il lui faut alors dépenser une énergie, une motivation, immenses. Il lui faut mettre en place des protections, des barrières, des limites.
Il lui faut se retrouver. Comprendre qui elle est. Comprendre aussi pourquoi elle a vécu cette emprise. Comprendre ce qui, dans sa personnalité, a autorisé la mise en place de cette relation destructrice.
L’objectif premier est bien sûr de se sortir de cette relation. Mais l’objectif principal est et doit être d’éviter tout schéma de reproduction. Pour soi-même, et pour ses enfants. Interdire la mise en place d’une nouvelle relation toxique. Or la personne qui a été victime une fois ne l’a pas été sans raisons; Ce sont ces raisons qu’elle doit comprendre et connaître afin d’entamer sa reconstruction. Le but ? Être elle-même, tout en étant plus forte qu’elle-même. Ne pas détruire son humanité, mais construire sa résistance.
Au terme de victime, CVP préfère de loin celui de combattant. Être victime est un état inconscient. Lorsque la conscience est à nouveau autorisée à parler et agir, la personne passe de victime à combattante. Pour elle. Pour les autres. Pour elle en tant qu’enfant qui se construit ou se reconstruit ; en tant qu’adulte qui dirige sa vie… et doit souvent protéger ses enfants, et leur permettre, à eux aussi, d’Être, et non de subir.
©Anne-Laure Buffet
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