UN ÉTRANGER DANS LA MAISON©

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Vous êtes séparé(e).

Vous avez aimé cette personne. Celle que vous avez fini par quitter.
Un jour, vous avez compris. Ce que vous vivez avec elle n’est pas de l’amour. C’est de la violence. De la manipulation. De l’emprise. De la destruction, lente, et certaine. Vous avez compris, sans comprendre. Comment un être humain peut-il se comporter ainsi ? Qu’avez-vous fait, dit, pour qu’il se comporte de telle manière ?

Puis, vous comprenez qu’il n’y a rien à comprendre, si ce n’est que ça n’est pas de votre faute. Vous êtes abîmé(e). La confiance en soi, l’envie, la volonté, les certitudes, tout ce qui fait votre vie telle que vous la conceviez, a été mis à mal. De manière systématique.
Vous avez décidé de fuir. Ce n’est pas une fuite, c’est une survie, la seule possible.
Vous avez fait appel à des professionnels. Qui entendent, qui comprennent… peu ou prou. Qui sont prêt à aider « dans votre intérêt et celui des enfants » ; qui, pour la plupart, vont vous encourager à un divorce par consentement mutuel, pour apaiser la situation, toujours « dans l’intérêt des enfants ». Vous êtes épuisé(e). Vous suivez ces bons conseils de professionnels aguerris à cette question bien particulière.

Vous êtes si épuisé(e) que vous vous retrouvez sous traitement. Anxyolitiques. Anti dépresseurs. Vous n’allez pas mieux. Pas moins bien. Vous ne savez pas. Vous n’avez plus de repère. Vous ne savez pas à qui parler. On ne vous entend pas. on ne vous comprend pas; Vous recevez chaque réponse comme un jugement. « Pourtant leur père a l’air si gentil… » ; « Une mère ne se comporterait pas comme ça, vous êtes un peu sensible… » ; « Ça va passer avec le temps… »

Ça ne passe pas. Vous n’allez pas mieux. Vous subissez les reproches. Vous êtes une mauvaise mère, un père indifférent ou maltraitant. Vous n’avez rien fait, et pourtant on vous blâme. Vous doutez de vous, de ce que vous dites, de ce que l’on vous dit.

Vos enfants reviennent chaque semaine. C’est tellement bien la garde alternée, dans l’intérêt des enfants…
Chaque semaine, un peu différents.

Vous mettez ça sur le compte de l’adolescence.
Et puis ils ont tellement souffert, quand vous étiez mariés… Ils en ont déjà tellement vu, entendu, supporté. Ce n’est pas la peine d’en rajouter. Après tout, c’était un mauvais conjoint, mais ça n’en fait pas un mauvais père, ou une mauvaise mère…

Vos enfants sont différents. Ils parlent moins. Ils critiquent plus. Ils sont distants. Vous n’avez plus de câlins… mais c’est normal, c’est l’adolescence. Ils vous manquent de respect. Et cette phrase, ce petit mot glissé à table, en plein dîner… On dirait leur père (leur mère)… mais vous ne dites rien. C’set sans doute votre esprit qui vous joue un tour. Ou sinon, c’est que vous êtes parano.

Une réflexion encore. Un regard différent. Une manière de se tenir. Un résultat scolaire qui s’effondre. Des heures sur un téléphone, avec des copains. Mais ça ne vous regarde pas. « Papa est plus cool que toi… » ; « Maman me fout la paix, je peux pas être tranquille chez toi ? »
Des portes qui claquent.
Le plus petit qui pleure : « Je veux plus y aller, j’ai peur là-bas… » ; et l’aîné qui râle, encore « Tu parles que de toi, tu te plains tout le temps, tu n’as que le mot argent à la bouche, au moins là-bas je fais ce que je veux et on me fait pas c…. »

Vous parlez d’argent, oui … mais comment faire autrement ?

Vous regardez vos enfants.
Que sont devenus les bébés que vous avez nourris, bercés, chéris ? Pour lesquels vous aviez des rêves, et des espoirs. Que s’est-il passé ?
Vous n’arrivez plus à leur parler. Tout est source de conflit. Vous vous retenez de hurler, de pleurer, ou de dire qui « l’autre » est vraiment. Ce que vous avez vécu et subi, pour eux. En essayant de faire au mieux et de les protéger.

Vous ne parlez plus la même langue. Ils en ont appris une autre, on leur en a appris une autre.
Ils sont conditionnés.

Un soir encore où il partent. Pour un week-end, ou une semaine. Votre cerveau ne vous laisse pas de répit. Que va t’il se passer ? Que vont-ils dire ou faire encore, en revenant ?
Vous n’avez jamais de repos.
Vous essayez de vous renseigner. « Voyons, c’est juste un adolescent. Détendez-vous, ça va passer. Il se fera son jugement et reviendra vers vous. »

Le temps passe. Le jugement est fait. Vous êtes la mauvaise personne de l’histoire. L’autre lui a bien expliqué.

Vous n’avez plus rien en commun avec cet enfant que vous aimez. Et dont pourtant vous allez devoir vous protéger. Un peu plus. Pour vous, et pour lui.

Chaque semaine, vous accueillez un étranger dans votre maison.

©Anne-Laure Buffet

10 réflexions sur “UN ÉTRANGER DANS LA MAISON©

  1. Pingback: SOUS L’EMPRISE D’UN NOUVEL AUTRE | ASSOCIATION CVP - Contre la Violence Psychologique

  2. Bonjour
    Tout dépend de la situation car même si les toxiques ont souvent le même comportement, chaque enfant est différent, chaque situation différente, tout dépend de l’âge, du contexte, de l’âge auquel la séparation a eu lieu, du mode de garde…
    Je vous propose de nous contacter à : afin que nous puissions vous répondre au mieux.
    Bien cordialement
    Anne-Laure Buffet

  3. Que nous conseillez vous pour que celà n’arrive pas? ou est moins de chance de se produire? Dire aux enfants ce qu’il en est: dire comment, sur quoi exactement… ou doit on se resigner à ce que ça se déroule ainsi et prendre ce qu’il y a à prendre…….. Les enfants nous aiment, on les aime et pourtant……………..la menace est réelle. Et effectivement, avec un parent toxique et manipulateur, je pense aujourd’hui, que non, l’amour ni changera rien et qu’il est fort possible que l’enfant n’ouvre pas les yeux………

  4. Que faire alors pour ne pas laisser les enfants se faire influencer par la personne toxique?

  5. Même si vous pensez que dire la vérité sur l’autre parent va blesser l’enfant, que cela sera pour lui trop douloureux, je pense qu’il est pourtant nécessaire de le faire. L’enfant sait, même s’il ne vous le montre peut-être pas, au fond de lui, il sait les défaillances de l’autre parent. Il a vu, il a entendu, et si ce n’est pas le cas, il a RESSENTI.
    Ne pas lui dire ne fait qu’engendrer de la souffrance, amplifier l’incompréhension de cet autre parent qu’il aime mais dont il ne comprend pas toujours les réactions, les propos à votre égard. Il entend sûrement des horreurs sur vous, mais pour ne pas vous blesser, il préfèrera se taire et ne pas vous en parler, au grand risque d’intégrer que ces faits sont la réalité. Vous ne voulez pas le blesser, et inversement, mais au final, c’est tous deux qui souffrez. Et l’autre parent s’en sort plutôt bien, en formatant un « petit lui ».

    Je sais de quoi je parle, je l’ai vécu, j’ai été la victime d’un parent toxique. Ma chance a été qu’on me l’a expliqué tôt, et très vite, j’ai intégré le fait que j’avais un « bon » père, et le « mauvais » dont je devais à tout prix prendre mes distances, et prendre le meilleur. Cela a été dur (et ça l’est encore) d’accepter le fait qu’il soit malade, j’ai énormément souffert à entendre toutes les absurdités qu’il disait sur ma mère, et j’étais même prête à les croire (pourtant je ne restais que 2h chez lui, une fois par semaine, je vous laisse imaginer les dégâts d’un week end entier). Mais heureusement je pouvais en parler à ma mère qui rétablissait sa vérité, LA vérité.

    A ce jour, j’entends votre peur à vous, parents, de dire à votre enfant que son autre parent est malade, mais je ne peux qu’insister, au vu de mon vécu, sur la nécessité de le faire. Bien sûr en s’adaptant à l’âge de votre enfant, et en ayant un discours le moins négatif possible, car il ne faut pas oublier que cette personne (bien qu’inhumaine à vos yeux), reste un parent pour lui, et auprès de laquelle il espère trouver de l’amour. Cela sera douloureux pour votre enfant, il se peut qu’il vous en veuille, qu’il vous accuse de mentir, tellement cette vérité est difficile à accepter, mais un jour ou l’autre, il vous remerciera d’avoir rétabli la vérité, « SA » vérité de vie. Il pourra alors faire ses choix en ayant tous les éléments de son histoire, et non pas en essayant de rassembler des morceaux de non-dits, mensonges. Vous ne pouvez pas, pour son bien-être, le laisser croire aux propos de l’autre parent, par RESPECT pour vous-même, et par RESPECT pour lui. Il a le DROIT à la vérité. Il a le DROIT d’être protégé de l’autre parent. Et cela passe par vous.

    Votre enfant sait intérieurement que quelque chose cloche, mais si personne ne lui dit, avec les mots adaptés, comment peut-il se construire une vie d’adulte structurée? Comment se construire lorsque son vécu se base sur des ressentis qu’il ne peut expliquer? Et lorsque son vécu se base sur des mensonges concernant ses parents et donc lui?

    Votre DEVOIR de parent est de le protéger, et si vous ne pouvez aller contre des décisions de justice, vous lui devez au moins la vérité. Et c’est énorme.

    Courage…

    Malorie

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