VIOLENCE ET SECRETS DE FAMILLE : UN RÉCIT ACTUEL

Les secrets de famille ressemblent à un jeu dont le sens est absent. Une pièce importante manque dans un puzzle, qui ne peut être valablement reconstitué sans elle. Ce lien absent est difficile à retrouver, car sa redécouverte activerait la désillusion, l’angoisse ou provoquerait une dépression. Il  se peut aussi que l’entourage ait si bien caché la vérité que c’est le hasard qui apporte l’information décisive qui donnera un sens à l’ensemble de l’histoire.

Cette situation correspond souvent à des scénarios dans lesquels une famille, ou un groupe, a falsifié un évènement qui demeure d’autant plus actif qu’il reste caché. Ce peut être une adoption, un enfant adultérin, un suicide masqué en accident ou transformée en mort naturelle, un crime, une faillite ou des violences sexuelles oubliées, niées ou jamais dites.

Il est plus facile au thérapeute qui analyse à froid le scénario d’imaginer qu’une vérité masquée fait fonctionner l’histoire tout comme au cinéma. Toutefois, c’est la mémoire, ou le travail du patient sur son histoire, ou l’affrontement d’une vérité désagréable qui apportera la clé de l’énigme. Il faut parfois plusieurs thérapies pour retrouver le maillon manquant de l’histoire.

 

Jean Cottraux, la Répétition des scénarios de vie, ed. Odile Jacob

RÉPÉTITION DE LA VIOLENCE PAR L’ENFANT TÉMOIN OU VICTIME

POURQUOI L’ENFANT RÉPÈTE T-IL LE COMPORTEMENT VIOLENT DE SES PARENTS ?

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Un enfant victime ou témoin de la violence parentale peut développer une psychopathologie de répétition. Basiquement, on dira que « c’est inévitable ». Pourtant tous les enfants victimes ou témoins ne deviennent pas violents. D’après Winnicott, une des répercussions majeure de l’exposition de l’enfant aux violences conjugales est le sentiment « d’effondrement dans l’aire de la confiance, sui retentit sur l’organisation du moi ». L’attachement primaire n’est pas fiable, ce qui fait naître un sentiment de désespoir, d’insécurité profonde, et la crainte permanente d’un effondrement. La mère battue peut parfois apparaître comme une mère absente, car incapable d’assurer pour l’enfant sa fonction de moi auxiliaire.

Les enfants victimes ou témoins de la violence parentale, conjugale, peuvent se distancier de ces figures violentes. Une rencontre avec un adulte bienveillant aura un rôle fondamental dans le processus de résilience. La résilience se situe dans le désengagement. Il est probable que plus un enfant pourra se désengager vis-à-vis de ses parents et moins il répètera la violence subie. Cependant plus l’enfant sera exposé jeune et moins il pourra se désengager. Le mal, et la culpabilité, introjectés par l’enfant, devenant partie de lui, provoquent un processus de pensée : l’enfant se voit dès lors comme mauvais et coupable. Certains enfants vont dès lors s’identifier au parent agresseur, en devenant à leur tour agresseur du parent victime; D’autres vont entrer dans un schéma victimaire, convaincus de ne pas pouvoir échapper au fait d’être victime.

Pour d’autres enfants, le schéma familial reçu induit que la violence est la seule façon de résoudre les conflits.
Wallon indique que l’imitation est au coeur des apprentissages. C’est un acte constitutif de l’identité. L’enfant se perçoit dans la peau de l’adulte.
L’imitation est au coeur de l’empathie et du système d’attachement, l’enfant cherchant à se mettre à la place de l’adulte et à le comprendre. Elle ne peut se faire qu’avec les personnes qui exercent une profonde influence sur l’enfant : « À la racine de l’imitation, il y a amour, admiration et aussi rivalité. »

La détresse absolue, selon Ferenczi, peut activer deux mécanismes primitifs : le clivage, qui vise à maintenir une partie saine dans le moi, et la projection, permettant au sujet de ne plus ressentir l’état de chaos qui l’habite. De manière paradoxale, il pourrait y avoir identification. La victime se met alors dans la peau du bourreau pour comprendre ses intention. Ce serait alors un vecteur à la répétition traumatique.