SYMPTOMES, DOULEURS, PATHOLOGIES

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Les maltraitances répétitives et systématiques, inscrites dans le temps, faisant alterner périodes de calme et périodes plus violentes, semant doute et confusion, honte et culpabilité, sont génératrice de stress, d’angoisses et de divers troubles cognitifs et physiques.

Le plus fréquent est l’amnésie traumatique. Elle est souvent liée au déni de la victime qui doit surmonter la violence, et au déni de l’entourage qui ne peut pas ou ne veut pas voir. L’amnésie est une stratégie de défense. C’est un processus de survie. Elle peut être totale ou partielle sur les faits et les détails les plus intolérables. Elle dure des années ou se manifeste épisodiquement. Les souvenirs remontent fragmentés ou en intégralité lors de faits ayant un impact émotionnel très intense et fortement lié symboliquement aux violences vécues. L’amnésie sera levée soit par un nouveau choc faisant écho au premier, soit lors de soins, d’une thérapie. Les agressions vécues pendant l’enfance peuvent entraîner cette amnésie totale, laissant l’impression douloureuse d’être sans passé et sans repère[1].

La manifestation de la mémoire traumatique est toujours douloureuse pour la victime : absences, crises d’angoisse, sentiment d’hallucination, sentiment soudain d’effroi. Cela peut engendrer une paralysie, psychique ou motrice. Les facultés sont fortement amoindries. Certaines victimes perdent l’usage de la parole, ne peuvent plus manger, ne peuvent plus faire un usage normal de leurs membres, n’arrivent plus à écrire. Elles vont donner l’impression d’être anesthésiées ou indifférentes, laissant leur interlocuteur douter de la véracité des faits, ou les empêchant de mener une action thérapeutique ou juridique.

Les confusions, doutes, violences et menaces, ont d’autres répercussions visibles, même si souvent incomprises : les victimes elles-mêmes deviennent confuses, hésitantes. Les repères spatio-temporels peuvent s’effacer voir disparaître. La chronologie des évènements se trouble. L’amnésie traumatique « permet aux victimes de survivre »[2].

Les victimes peuvent également présenter un état de stress post-traumatique* (ESPT). Il peut provoquer un syndrome d’évitement, comportement consistant à ne pas être confronté avec l’objet, la situation, la personne ou l’animal phobogène, la simple anticipation déclenchant une réaction anxieuse importante.

Ces comportements peuvent devenir très invalidants, la victime refusant par exemple de sortir de chez elle, et semblent paradoxalement anodins. Pourtant ils mettent les victimes dans des situations de plus en plus compliquées. Ainsi, repousser le moment de passer un appel, d’ouvrir un courrier administratif, laissant en suspens des décisions à prendre, des factures à régler, jusqu’au moment souvent trop tard, où la victime ne peut plus éviter. Elle se sent alors petit enfant coupable, incapable de prendre sa vie en main. L’adulte en elle s’efface un peu plus.

Le syndrome d’évitement constitue une sorte de « zapping » des pensées, images, sensations et situations rappelant ou symbolisant les circonstances du traumatisme initial. La conduite d’évitement dissimule souvent le refus du conflit.

La violence psychologique provoque également de nombreuses pathologies plus ou moins invalidantes : paralysie temporaire, alopécie (perte de cheveux), dérèglements hormonaux, ménopause précoce, diminution ou perte d’un ou plusieurs sens, tremblements… Des liens ont été établis entre violence psychologique et problèmes respiratoires (asthme, allergies), problèmes cutanés (eczéma, psoriasis) et les affections se rapportant à paralysie du système immunitaire due au stress (troubles digestifs, ulcères, problèmes cardio-vasculaires, hypertension, cancers…).

Les troubles du sommeil, les troubles alimentaires sont légion. Une mauvaise alimentation cumulée avec un stress prononcé entraîne une décalcification, des problèmes musculaires, des problèmes dentaires. Une pathologie apparaît de plus en plus et commence à être prise en compte par certains professionnels comme résultant de la violence psychologique et un traumatisme : La fibromyalgie, syndrome caractérisé par des douleurs diffuses dans tout le corps, douleurs associées à une grande fatigue et à des troubles du sommeil.

Les victimes et les médecins ne font pas toujours un lien direct entre un symptôme communément partagé (migraine, mal de dos, maux de ventre, insomnie…) et la violence. La victime vient consulter mais ne parle que du symptôme. Elle ne ressent pas directement la violence, et quand bien même elle la ressent, elle n’imagine pas que celle-ci l’atteigne physiquement. Aussi le symptôme est traité, puis revient, ou encore ne cesse pas. La victime va alors d’examens en examens complémentaires. Elle s’y épuise et se crée une nouvelle peur, celle d’avoir une maladie bien plus grave, incurable, et indétectable. La personnalité toxique en profite pour lui dire qu’elle est bien fragile, bien douillette, qu’elle s’écoute beaucoup trop au lieu de se consacrer aux autres, c’est-à-dire à lui. En l’absence de traitements capables de soulager, puisque la cause n’est pas identifiée, la victime compense. Pour contrer le mal de dos, elle change de posture et se crée des douleurs au niveau des hanches, du bassin. Pour ne plus avoir mal à la tête, elle se nourrit d’anti douleurs. Et ainsi de suite. Mais la cause étant toujours bien présente et de plus en plus présente, la victime ne cesse pas de souffrir. Et entendant la personnalité toxique l’accuser d’être trop faible et douillette, elle finit par y croire, jusqu’à cesser de se soigner.

[1] En juillet 1977, Cécile B. avait 5 ans. Elle a été violée plusieurs fois par un cousin éloigné, un père de famille qui prétendait lui apprendre à faire du vélo. Pour survivre au traumatisme que les parents ignorent, Cécile enfouit ces viols dans son inconscient. Ils ressurgissent 32 ans plus tard. C’est l’amnésie post traumatique. Quand ses souvenirs ont refait surface, Cécile a vécu dans la honte, la colère, le désir de mourir. Pendant trois ans, elle a mis sa vie entre parenthèses : pour se soigner, et pour tenter de faire juger son agresseur, sachant pourtant que, dans son cas, les faits étaient prescrits.

[2] Dr Muriel Salmona

LE POISSON POURRIT PAR LA TÊTE – FICTION (thème : harcèlement au travail et burn out)

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Le poisson pourrit par la tête est une plongée dans l’univers de l’entreprise, où l’arbitraire des procédures kafkaïennes fait naître des situations absurdes, parfois tragiques, souvent empreintes d’une poésie décalée. Si la souffrance au travail s’est trop largement imposée en ces temps de crise et d’idéologie néomanagériale, elle est toutefois peu présente dans la littérature contemporaine. Michel Goussu nous y plonge à travers un récit initiatique à la fois poignant et plein d’humour. Son regard acéré ne laisse passer aucun des détails où se niche le diable néolibéral, mais son style, vif et imagé, permet au lecteur de s’attacher à des personnages touchants, victimes ou bourreaux, souvent les deux, et de suivre leur évolution au fil d’un récit qui évite le piège du pamphlet pour accéder à une véritable dimension romanesque. Avenir Futur pourrait être votre entreprise. Ses salariés ne sont pas des traders cyniques et glamours, mais des ingénieurs, des chargés de projet, des petites mains qui font tourner la boutique : vous et moi. Et la souffrance au travail, cinq jours sur sept et au-delà. Propagée par les managers et les dirigeants comme un virus par des porteurs sains, cette épidémie de burn-out est devenue un enjeu de santé publique. Le poisson pourrit par la tête dépasse le tabou et décrit de l’intérieur le quotidien absurde d’un cadre de la finance ordinaire. Chacun élabore une stratégie de guérilla taoïste contre les procédures irréelles d’une hiérarchie dépassée. Michel Goussu décrit avec un humour tendrement désabusé des personnages perdus, alternativement victimes et bourreaux, mais toujours en quête de reconnaissance et de rédemption.

Le poisson pourrit par la tête   Michel Goussu, ed. Castor Astral

LE MANQUE EST LÉGITIME

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– Je ne sais pas. Peut-être que je me suis trompée…
– Je pleure tout le temps. Je me sens mal. Il me manque. Peut-être que j’exagère.
– Je ne veux plus parler d’elle. Si je dis que je la regrette, on me répond que je suis dingue ; que je n’ai qu’à y retourner, et que je ne vienne pas me plaindre…
– Personne ne me comprend. Je sais qui il est. Mais j’angoisse sans lui…

Angoisse. Anxiété. Peur. Culpabilité. Doute…
Il y a eu séparation. De votre fait. Un jour pas fait comme un autre, vous êtes parti(e). Vous avez pris vos cliques et vos claques, ou encore la poudre d’escampette… Appelons ça comme vous voulez. Vous êtes parti(e) parce que la situation n’était plus tolérable. Parce que vous vous sentiez en danger. Psychologique. Physique. Un danger parfois mortel. Les intentions suicidaires, les TS (tentatives de suicide), les maladies d’origine somatique, parfois invalidantes, sont la conséquence de ces mois, de ces années passés au contact d’une personne toxique.

– Mais je l’aimais… Et parfois tout allait bien…

Oui, parfois tout allait bien. Parfois. Le toxique séduit. Mais sous contrôle, et le fait au début sans contrainte. Sans violence; Il (elle) charme, promet, enjolive, flatte. Il (elle) endort la vigilance, imite vos qualités, s’appuie sur ce que vous détestez, le conflit, et fait en sorte de ne pas en provoquer. Il est si tendre, elle est si attentive... Bien sûr parfois il (elle) s’emballe, s’énerve… Mais tout le monde est ainsi, n’est-ce pas ?

Oui, tout le monde. Mais chez le toxique, le parfois devient souvent. La norme est dans le contrôle, et le sentiment de malaise qui en découle. Je ne sais pas comment expliquer, il n’y a rien de tangible, c’est un sentiment, c’était son regard, je savais que je ne devais pas aller plus loin, je préférais me taire…
Le toxique anesthésie, d’abord en douceur, puis de manière encore plus insidieuse, en laissant planer le doute du possible conflit si vous n’étiez pas d’accord avec lui. Et si vous n’êtes pas d’accord avec cette personne si parfaite, c’est que vous avez tort, il faut vous remettre à votre place. Vous gronder. Vous punir.

Un jour, le conflit est inévitable. Un jour qui peut être suivi de tant d’autres. Les critiques pleuvent. Le dénigrement suit, les moqueries, les accusations. La diffamation. Le geste brutal, le ton acerbe, le regard glaçant. La main qui se lève et retombe sur vous. Plusieurs fois.

Vous partez.

Et pourtant, quelques temps après, il (elle) vous manque. Vous ne pardonnez pas, mais vous cherchez à l’excuser. À justifier ses gestes. Ses paroles. En bon samaritain, vous voulez encore croire que le changement est possible. Il (elle) vous a appris à croire que vous avez tort. Et ce message contraignant vous poursuit, malgré la séparation, et la distance. Vous avez tort… alors vous regrettez. Vous occultez le pire, cherchant à sauver le meilleur. Vous hésitez… À vouloir recommencer, essayer, encore…

Vous entamez la période de deuil. La nécessité de l’acceptation d’une fin. D’une fin sans retour possible. L’obligation de mettre un terme à tout espoir – vous, l’optimiste le (la) bienveillant(e), vous devez vous interdire de l’être. C’est le deuil d’une histoire sentimentale dans laquelle vous avez été instrumentalisé(e), une histoire d’amour dans laquelle vous vous êtes investi(e), épuisé(e), sans partage.
Le deuil est angoissant, il plonge dans l’abîme, dans la réflexion, dans l’obligation d’être seul(e) avec soi. Il fait naître ou développe les doutes et la culpabilité. Il accroit la honte… Comment raconter tout cela, qui peut l’entendre, qui peut le comprendre ?

Le deuil est nécessaire. Il permet de mettre un terme complet au sentiment qui retient et excuse le toxique. Pas à ses actes, qui peuvent continuer. Mais au sentiment d’amour, d’affection, de dépendance.

Il faut accepter le deuil. Il faut admettre de passer par cette étape douloureuse. Le deuil permet d’avancer, de se reconstruire. Il n’excuse pas le toxique. Il est la conclusion de cette relation.

©Anne-Laure Buffet

MOBBING AU LUXEMBOURG

Selon l’asbl présidée par Marcel Goerend, 11.400 salariés auraient été en situation de harcèlement moral en 2012.

La détresse ressentie par les salariés concernés entraîne fréquemment des incapacités de travail: l’an dernier, plus de la moitié (54%) des personnes se disant victimes de mobbing et ayant sollicité l’aide de l’asbl étaient en arrêt de travail lors de leur première consultation. En moyenne, leur absence dure près d’un mois (3,75 semaines).

VOIR L’ARTICLE DE PAPERJAM

QUE SAVEZ-VOUS DU GASLIGHTING ?

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N’avez-vous jamais le sentiment que tout dans votre relation est de votre faute ? Ne  finissez-vous pas par avouer des choses à votre partenaire,  choses que vous n’avez jamais vécues ou n’auriez jamais dites, mais pour avouer pour éviter une confrontation, pour le/la faire taire ? Finissez-vous  par croire  les choses dont vous êtes accusé(e), par  douter de votre propre perception?

La tentative systématique d’une personne pour induire le doute est appelée «gaslighting », un terme inventé après la pièce  de1938 et Gaslight, film de Cukor, de 1944. Le film raconte l’histoire de Gregory, un jeune marié, qui utilise des techniques méthodiquement malignes et indirectes dans le seul but de faire douter  sa jeune épouse Paula  de ses perceptions et de sa mémoire. Ses tactiques comprennent le déplacement ou la modification des éléments et évènements (par exemple, jouer sur l’éclairage de la maison, enlever une peinture du mur, égarer des objets, dissimuler des bijoux dans son sac), ainsi que nier avoir dit des choses,  déformer les faits…

La réfutation de la perception a été signalée comme étant l’un des moyens les plus destructeurs de la violence dans les relations. Non seulement la victime est discréditée aux yeux de son entourage et à ses propres yeux, mais aucune responsabilité n’est reconnue à celui qui utilise ce procédé. Grâce à la négation systématique des événements et des déclarations, la victime vient à douter de sa propre santé mentale.

La victime commence par ressentir de la frustration à ne pas être comprise ou validée par son partenaire, mais avec le temps, elle se met à le croire et à douter d’elle-même, jusqu’à sombrer dans la dépression, ou la folie.